88 logements, Pantin

 

Avenier Cornejo

 

 

Nous pourrions nous imaginer à Gand ou dans la périphérie de Bruges, mais c’est bien de Pantin dont il s’agit. Petite place animée d’une architecture tramée de briques, jardin de copropriété qui ne demande qu’à déborder sur l’espace public, lien rassérénant avec le canal : l’agence Avenier Cornejo livre aux portes de Paris un ensemble de trois bâtiments de logements habilement composé et parfaitement maîtrisé dans sa relation au territoire.

 

 

Christelle Avenier et Miguel Cornejo aiment les juxtapositions simples de figures géométriques et le travail sensible des matières. Même s’ils s’en défendent, le métal et la terre cuite tiennent une place prépondérante dans la plupart de leurs ouvrages. Impossible d’oublier, par exemple, leur crèche de 66 berceaux de la rue des Orteaux, à Paris 20e, suavement enveloppée de tôles blanches perforées d’arabesques, ou de se détacher de l’image de leur immeuble de logements biface de Clichy-la-Garenne, revêtu de briques rouges du côté de la rue, mais flanqué de cassettes et de persiennes métalliques du côté cour. Les futures façades de l’EHPAD de la rue de Belleville ? « Elles seront faites de magnifiques briques moulées à la main de plus de 50 cm de longueur pour 3 cm de hauteur, fabriquées par l’entreprise danoise Petersen Tegl », promet Christelle Avenier. Et la conceptrice d’affirmer à propos de son projet de 88 logements à Pantin pour le compte d’Emerige et de la Semip (à la fois promoteur associé de l’opération et SEM d’aménagement de la ville) : « Les bâtiments appartiennent tous à la même famille, mais chacun d’eux possède son identité propre. Il y a trois bâtiments, donc trois couleurs de briques différentes. »

 

 

Située sur la rive droite du canal de l’Ourcq, à quelques hectomètres du parc de la Villette, l’opération de Pantin s’inscrit dans le périmètre de la ZAC des Grands Moulins (Seura, architecte coordinateur), qui vise à reconvertir les sites industriels en surfaces tertiaires et résidentielles. L’ensemble s’articule autour d’une petite place principalement piétonne, où se rejoignent un mail planté et deux voies carrossables de desserte locale à très faible trafic.

 

 

À l’ouest de cette place en moitié d’étoile, le lot 1 accueille un nouvel immeuble de bureaux de BNP Paribas (2015, Reichen & Robert), relié aux Grands Moulins (réhabilitation de 2009, Reichen & Robert pour BNP Paribas aussi). Au nord, les lots 2 et 2bis sont confiés à Sogeprom Immobilier qui réalise avec l’atelier AAVP de Vincent Parreira quelque 200 logements sociaux et en accession. Christelle Avenier et Miguel Cornejo ont pour leur part hérité des lots 5 et 6 (têtes des îlots est et nord-est), à l’issue d’un concours unique qui les opposaient à Hardel Le Bihan et à DATA architectes. Un regroupement de lots jugé judicieux par Pierre-Nicolas Georgeton, chef de projet d’Avenier Cornejo, puisqu’il « permet d’unifier l’architecture de la place. »

 

 

L’intelligence de composition du plan-masse du lot 6 repose sur la liberté offerte aux architectes de proposer des ruptures de continuité bâtie en limite de propriété. Plutôt que dessiner un seul bâtiment en L, Avenier Cornejo a réalisé deux constructions linéaires, disjointes l’une de l’autre par une trouée qui met en relation l’espace public avec le cœur végétalisé de la parcelle. Vue de la rive gauche du canal de l’Ourcq, la place est ainsi constituée de cinq « pignons » de gabarits similaires : un pour Reichen & Robert, un autre pour AAVP, et pas moins de trois pour le seul couple d’architectes franco-chilien. « Nous souhaitions que tous les bâtiments aient une adresse sur le canal, explique Christelle Avenier. Un maximum d’appartements devait aussi pouvoir profiter de la place et du jardin de copropriété. »

 

 

Cette division volumétrique est compensée par une franche compacité. Chaque immeuble totalise plus de 15 mètres d’épaisseur, hors balcons, et présente des couloirs distributifs centraux, sans lumière naturelle. À l’exception du patio qui éclaire le hall d’entrée, l’emprise au sol du lot 5 est entièrement saturée. « Étant donné les prix resserrés et la nature privée du principal maître d’ouvrage, nous savions que nous devions nous en tenir à des solutions éprouvées et efficaces », résume, pragmatique, Christelle Avenier. Et Pierre-Nicolas Georgeton de rappeler les objectifs finalement très modérés de densité globale du projet : « Les hauteurs sont plafonnées à cinq étages sur rez-de-chaussée. Il y a un vrai grand jardin avec des arbres existants conservés. La nature assez exceptionnelle du site est aussi liée à sa faible densité, son caractère aéré, malgré la proximité de Paris. »

 

Texte : Tristan Cuisinier

Crédits photos : Schnepp Renou, Charlotte Donker, Simone Bossi

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro 101 du magazine Archistorm, disponible en kiosque.