RÉALISATION

ATELIER NOVEMBRE

 

Souvent perçu comme inaccessible et élitiste par les familles, l’apprentissage des disciplines artistiques est également traité en parent pauvre de l’enseignement public. Jusqu’à ce que l’on finisse par consentir une remise à niveau qui change radicalement les perspectives…

Tel est le cas du conservatoire à rayonnement départemental (CRD) d’Orsay que la communauté d’agglomération Paris-Saclay (MOA) et l’Atelier Novembre (MOE) viennent de doter d’un édifice flambant neuf de 2 800 m2. « Avant la construction du bâtiment, les enseignants étaient contraints d’assurer leurs cours dans des espaces éloignés et inadaptés. Nos locaux étaient répartis sur 21 sites, sans cohérence géographique ! » rappelle Gilles Métral, directeur de l’établissement, qui ne cache pas son soulagement et sa satisfaction devant son nouvel outil. À telle enseigne qu’il espère désormais pouvoir en modifier le classement et rejoindre le cercle restreint des conservatoires à rayonnement régional (CRR) (1) dont l’Essonne est dépourvue : « Les trois spécialités artistiques – musique, danse et théâtre – sont enseignées, précise-t-il. Nous disposons de 36 studios de musique, de quatre studios de danse, de deux salles d’art dramatique, d’une salle d’audition et d’un auditorium. » Bref, de tous les moyens nécessaires, y compris de quelques pianos de prestige et d’un clavecin sur mesure à 50 000 €, pour accueillir plus d’un millier d’élèves !

Implanté dans l’enceinte même du campus de l’université Paris-Sud, au pied du plateau de Saclay, le nouveau bâtiment du CRD est bordé d’espaces verts protégés, sillonnés par l’Yvette, un sous-affluent de la Seine. L’Institut de mathématiques, livré à la fin de l’année 2017 par les architectes Jean Guervilly & Françoise Mauffret, ne se situe qu’à une quarantaine de mètres, sur la rive nord de la rivière. Une architecture « où l’on peut travailler n’importe où », dont Jean Guervilly affirme qu’elle « incarne la façon dont les chercheurs vivent les mathématiques. » Mais aussi un édifice blotti dans les bois, centré sur un patio, qui semble se situer aux antipodes de l’univers fragmenté du projet de l’atelier Novembre.

Aux beaux jours, spectacles, bals et concerts prennent possession de la dent creuse de la façade nord du conservatoire @Takuji Shimmura

« À l’origine, le conservatoire devait être construit en plusieurs étapes, explique Jacques Pajot, cofondateur de l’atelier. Répartir le programme sous la forme de pavillons permettait de résoudre simplement le problème du phasage. » Et Marc Iseppi, le second cofondateur, d’exposer les vertus spatiales de la porosité et de l’éclatement volumétrique du bâtiment, finalement réalisé en une seule tranche : « L’organisation en plots génère des espaces interstitiels, des accès différenciés, des trouées sur l’extérieur. Elle multiplie les possibilités d’orientation, simplifie le repérage des utilisateurs. Avec vues sur la nature. »

De fait, les longues galeries en T qui irriguent chaque niveau du conservatoire sont largement éclairées par des baies vitrées et des verrières. Claires et fluides, elles sont agrémentées de plusieurs échappées visuelles, de sorte que les élèves peuvent y attendre sans stress le début de leur cours. Chaque domaine d’activité est affecté à un corps de bâtiment précis. À l’est, les studios de pratique individuelle sont installés au-dessus de l’accueil et de l’administration, face au parvis. Les salles de danse et d’art dramatique sont logées dans un pavillon transversal, au calme, sur le versant opposé de la parcelle.

Comme pour souligner le rôle essentiel de la représentation en public dans les études musicales et artistiques, l’auditorium de 270 places et la salle polyvalente de 140 m2 occupent le centre de la composition. Coiffée par deux étages de studios de pratique collective, cette salle polyvalente (qui sert surtout de salle d’audition) est pourvue d’une paroi vitrée entièrement escamotable qui permet de prolonger certaines activités en extérieur. Spectacles, bals et concerts prennent alors possession du grand rectangle de pelouse aménagé dans la dent creuse du bâtiment. Un succès du point de vue de l’usage, mais un crève-cœur pour les architectes qui y avaient initialement projeté un jardin arboré, en adéquation avec la transparence des galeries et l’atmosphère champêtre du flanc nord de la parcelle, son sentier pédestre et sa ripisylve.

En tous lieux du conservatoire, l’expression architecturale est sobre, sans esbroufe, presque effacée, comme si la musique avait préempté l’espace. Le blanc et le gris des circulations sont discrètement relevés par quelques alignements muraux de carrés de couleur. Les salles d’art dramatique sont implacablement noires, comme le veut la tradition, tandis que les plafonds des salles de musique et de danse sont revêtus de dalles absorbantes en fibres de bois. Les formes des pièces héritent pour leur part de l’obligation faite par le bureau d’étude acoustique de Jean-Paul Lamoureux de proscrire autant que possible les murs parallèles. Il en résulte des géométries biaises dont les façades se font l’écho, sans que les architectes ne cherchent à en tirer des effets tape-à-l’oeil. Là encore, la tempérance reste de mise : les enveloppes des deux pavillons principaux (accueil et danse) sont traitées avec un enduit sur ITE, les deux autres (auditorium et pratique collective) avec un bardage d’acier thermolaqué. « Hormis la frontalité sur le parvis, le conservatoire ne comporte ni façades principales ni façades arrière », note Jacques Pajot. Et Marc Iseppi de conclure avec un calme olympien : « Étant donné l’environnement naturel, la neutralité marche assez bien. Il n’y avait pas besoin d’en rajouter. »

Plan du rez-de-chaussée

Fiche technique :

Maître d’ouvrage : Communauté Paris-Saclay
Maître d’œuvre : Atelier Novembre (architecte mandataire)
Études techniques : Otéis Séchaud Bossuyt
Scénographie : Scénarchie
Acoustique : J-P. Lamouroux
Paysagiste : Christophe Gautrand & associés
Couleur & signalétique : Studio b-headroom
Surface utile : 2 800 m2
Coût des travaux : 10,6 M€ H.T.
Calendrier : janvier 2014 (concours), mars 2015 (PC), janvier 2016 (début du chantier), janvier 2018 (livraison)

Texte :
Visuel à la une : Conservatoire Paris-Saclay @ Aldo Amoretti

Découvrez l’intégralité de l’article, et l’interview des architectes au sein d’Archistorm #93



(1) Le classement des établissements publics d’enseignement artistique est défini par le code de l’Éducation. Il prend notamment en compte la nature et le niveau des enseignements dispensés. Un CRC (conservatoire à rayonnement communal) n’est tenu d’enseigner qu’une spécialité, alors qu’un CRD (conservatoire à rayonnement départemental) et un CRR (conservatoire à rayonnement régional) doivent respectivement enseigner deux et trois spécialités au moins.