MÉTIERS DE L’ARCHITECTURE

LA FORMULE PLUS QUE L’OEUVRE

L’inflation high-tech serait imaginaire, l’engouement low-tech pourrait protéger le Terrien de cette pyramide de Ponzi ? Sont-ils réellement déconnectables ? L’état du monde impose des points de vue et des savoir-faire différents selon les métiers d’Anouk Legendre et Nicolas Desmazières (X-TU), d’Étienne Feher et Paul Azzopardi (ABF-Lab), ou de Nicolas Bel (Topager).

Invivo, La Paillasse et façade algues © X-TU

X-TU : architectes de métier

 

JPC : Anouk Legendre et Nicolas Desmazières (X-TU), vous avez la réputation d’aimer savoir ce qui se passe dans tous les métiers…
X-TU : C’est le métier d’architecte d’orchestrer un ensemble de compétences dans le bâtiment… c’est l’essence même… Quand il y a un problème de plomberie, c’est l’architecte qui va trouver la solution…

JPC : Vous paraissez parfois très proches de l’ingénierie ?
A.L et N.D : Il y a des choses à changer dans le bâtiment, et l’architecte peut en être un acteur positif. On a entrevu la possibilité de certaines innovations. Ça ne s’est pas fait en un jour, mais une fois les brevets déposés, on s’est rendu compte que si on ne les développait pas nous-mêmes, rien ne se ferait : il fallait mener la technologie jusqu’à une phase commerciale. Aujourd’hui, nous sommes obligés de nous intéresser au marché final qui va avec le brevet, et le développer. Par exemple, les capteurs biologiques en façade : vérifier des rendements, conforter des loyers et, cela étant, assurer le marché final pour lequel on produirait (ce qui n’est pas le cas de capteurs solaires électriques), trouver un débouché pour la matière première biologique qu’on allait produire ! D’où le développement de l’utilisation thérapeutique des micro-algues. Ce qui est assez loin de l’architecture.

JPC : La micro-biologie relève de  la science-fiction ?
A.L et N.D : Nous sommes dans une époque qui ne peut pas imaginer se reposer sur du high-tech partout : si on peut tout commander depuis son téléphone, on peut aussi faire des choses simples. Nous avons fait une recherche avec Terréal (et Topager, ndlr) pour des façades en terre cuite « ensauvagées », avec des sacs de terre derrière. Puis on a gardé juste les sacs de terre.
Avec les Ciments Lafarge, nous avons cherché des façades à micro-algues, un système simple et économique, pour réaliser quelque chose chez soi. On a aussi pensé un système individuel de culture de micro-algues avec des poches à perfusion, à deux euros pièce ! Nous voulons envoyer des messages sur le low-tech, une tout autre dimension, alors que nous sommes surtout connus pour le high-tech !

JPC : Le projet In-Vivo (Réinventer Paris) juxtapose plusieurs univers ?
A.L et N.D : Un bâtiment pour cultiver des arbres devant chez soi, un autre pour cultiver les algues, et un bâtiment pour cultiver des légumes, réalisé par MU Architectes, une équipe d’architectes plus jeunes appelée à la demande du promoteur. Le site héberge « La Paillasse », un laboratoire de hackers du vivant en quelque sorte, mettant en pratique des méthodes collaboratives. Ils représentent une dimension expérimentale : ils développeront des techniques de culture du vivant en « open source », accessibles à tous.

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Texte : Jean-Pierre Cousin
Visuel à la une : Invivo, La Paillasse et façade algues © X-TU

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