Des prix de l’immobilier à Paris

 

 

La flambée des prix de l’immobilier à Paris fait régulièrement la une des journaux et leur progression semble inexorable. Mais que traduit cet état de fait et comment cette appétence pour la partie centrale de l’agglomération s’exprime-t-elle dans d’autres contextes ? Est-elle inéluctable ?

 

Il convient d’abord de relativiser cette évolution. Sur le très long terme, la hausse des prix n’est pas aussi spectaculaire qu’il n’y paraît. Après avoir augmenté de façon significative dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’immobilier parisien a cru modérément entre les deux-guerres et jusque dans les années 1950, malgré une baisse significative rapportée au revenu disponible. Puis de 1950 à 1965, on observe une forte croissance qui se poursuit après cette date tout en étant alors compensée par une hausse significative des revenus jusqu’en 2001. Pendant cette période, les prix rapportés aux revenus par ménage restent plutôt stables, tout comme dans le reste de la France entière, à l’exception d’un pic de prix à Paris entre 1987 et 1996 centré autour de 1991. En revanche, après une courte baisse suite à la crise de 2008, les prix parisiens s’envolent par rapport au reste de la France pour aujourd’hui atteindre des sommets.

 

 

Pourquoi les prix de l’immobilier parisiens flambent-ils ?

 

Deux familles de causes peuvent expliquer ce phénomène. D’abord des causes structurelles. L’extension très rapide de la banlieue parisienne dans la seconde moitié du XXe siècle a mécaniquement renchéri l’attractivité de la partie centrale de l’agglomération, d’autant plus que les transports publics mis en place à cette époque (RER et Transiliens) y convergeaient. Rappelons qu’il y avait encore 2,9 millions habitants à Paris en 1960 (comme en 1910) contre seulement 2,15 aujourd’hui, malgré la grande quantité de logements construits au XXe siècle. Mais les nombreuses transformations de logements en bureaux, le desserrement des habitations avec davantage de surface par habitant – quoiqu’encore largement en-dessous de la moyenne nationale –, le net accroissement du confort (par exemple avec la création systématique de salles de bains) et le remembrement des chambres dites « de bonne » ont largement tempéré l’accroissement du parc de logements dans Paris. S’ajoutent aujourd’hui deux autres phénomènes qui vont dans le même sens de tarissement de l’offre, à savoir la croissance des résidences secondaires à Paris, au nombre d’environ 125 000, et la location touristique exclusivement de courte durée type AirBnB liée au développement du tourisme international.

 

 

Une deuxième série de causes est étroitement liée à la situation des marchés financiers. Le très faible coût des crédits immobiliers a élargi l’assisse de la demande solvable à une proportion importante de la population, prête à investir dans des prix élevés au prix d’un endettement parfois très long mais finalement avantageux, d’autant plus que l’inflation générale des prix a tendance à repartir à la hausse. Mais malgré ces facteurs, joints à l’augmentation des revenus, notamment des plus élevés, le taux d’effort des ménages acquéreurs n’a pas baissé pour autant.

 

Un phénomène mondial

 

L’ensemble des grandes capitales mondiales a suivi un mouvement identique, avec des prix parfois encore plus élevés qu’à Paris, comme à Londres, New-York, Moscou ou Genève. Cette synchronisation de la hausse des prix des grandes métropoles résulte de la mondialisation du marché immobilier sinon de luxe du moins d’un certain niveau, tout comme celui des matières premières, de l’énergie, des denrées agricoles etc. Les achats des investisseurs internationaux ne représentent certes qu’une petite fraction du marché immobilier mais il suffit à soutenir une tendance inflationniste forte dans les grandes villes.

 

 

Enfin un autre facteur est à considérer avec davantage d’attention. Les prix diminuent à mesure que l’on s’éloigne du centre, comme dans presque toutes les grandes villes, avec en plus, pour le Grand Paris ou le Grand Londres un tropisme vers l’ouest. Les centres villes concentrent en effet emplois, patrimoine, services, culture, transports publics et sont par définition à proximité de l’ensemble de la ville. Dans Paris même, l’écart de prix moyen du mètre carré dans l’ancien est près de un à deux entre le 6e et le 19e arrondissements. On retrouve aussi un écart de un à deux entre Paris intra muros et les communes de la petite couronne. On constate exactement le même phénomène à Londres, avec des contrastes encore plus marqués entre le centre et la périphérie.

 

Ce phénomène renchérit les prix du centre à mesure que l’agglomération s’étend. La mégapole parisienne, c’est-à-dire l’Île-de-France, compte aujourd’hui 12,1 millions d’habitants, dont seuls 18% résident à Paris. Or en 1960 la proportion d’habitants de Paris par rapport au reste de l’agglomération était de l’ordre de 34%, soit 2,8 millions d’habitants sur 8,2 millions d’habitants. Aujourd’hui la petite couronne (Paris et les trois départements limitrophes) compte 6,7 millions d’habitants habitants, soit 56 % de la population de la région. Si l’on considère les communes directement adjacentes au boulevard périphérique, on arrive à 3,4 millions d’habitants, soit 28% de la région. Si l’on prend un rayon de 6 km autour de Notre-Dame, on rassemble près de 5 millions d’habitants, soit 41% de la région.

 

Texte : Bertrand Lemoine

 

Retrouvez l’intégralité de cette chronique dans le numéro 101 du magazine Archistorm, disponible en kiosque.