EXPÉRIENCE HOTELIÈRE

Parister Hôtel – 19 rue saulnier, 75009 Paris

 

Capitale européenne la plus dense, Paris poursuit inexorablement sa reconstruction sur elle-même. Ce redéploiement s’opère donc également via la reconversion de son bâti existant, à commencer par ses opérations tertiaires. Françoise N’Thépé et Aldric Beckmann viennent ainsi de livrer leur premier hôtel qui réinvestit un immeuble de bureaux construit dans le 9ème arrondissement il y a… un quart de siècle à peine !

Une opération atypique à plus d’un titre

Tout d’abord, compte tenu de la prise de risques – financières et techniques (étroitement liées) – on s’attendrait à voir à la manœuvre un groupe hôtelier confirmé cherchant à palier la pénurie d’opportunités foncières. Mais il n’en est rien. « Entrepreneur et homme d’initiatives », Nicolas Nonon se consacre à l’hôtellerie depuis 2010 – suite  à la cession de sa société (familiale) de logistique industrielle. Il acquiert alors les hôtels Sainte-Beuve (75006, revendu depuis) puis Verneuil (75007) qu’il rénove pour conquérir une 4ème étoile. Associé à Maxime Brabant – ancien consultant – il jette son dévolu en 2015 sur un immeuble de bureaux sans charme mais situé non loin des Folies Bergères.

Ils y imaginent un établissement hôtelier hybride où leurs hôtes pourraient côtoyer les gens du quartier à son bar (avec terrasse-jardin) ou son fitness-club avec piscine. Bref une sorte de famille recomposée, type familistère (d’où son nom Parister ?).

Pour le mettre en œuvre, ils vont s’adresser à des architectes expérimentés mais novices en matière d’hôtel – le studio Beckmann N’Thépé – auquel ils confient aussi l’architecture intérieure.

 « La nature et la ville ne font qu’un, le Paris d’hier rencontre celui de demain, les Parisiens échangent avec les voyageurs, le Parister favorise les métissages. »

Un challenge architectural

Si la façade sur rue de ce petit immeuble de 4 étages peut encore faire illusion « esprit faubourg », celle sur cour « ignore » l’architecture (4 baies horizontales par niveau, une grossière cage d’escalier de secours en verrue centrale) si ce n’est la « devanture » d’hôtel particulier début XIXe avec perron à double emmarchement qui lui fait face… mais ce n’est qu’un décor dissimulant le mur pignon de fond de parcelle !

Heureusement la structure poteaux-poutres existante autorise la surélévation d’un étage tandis que la dispense de places de stationnement permet la conversion du premier des deux sous-sols (occupant la totalité de l’emprise) en pôle bien-être. Mais avec les 4 chambres supplémentaires du futur 5ème étage, le nombre de clefs plafonne encore à 36, encore insuffisant à l’équilibre financier de l’opération.

L’ingéniosité des architectes conduit à la conception d’une extension adossée au pignon décoratif où loger 9 habitations dont 3 en duplex. Pour ce faire, nombre de contraintes règlementaires et structurelles ont du être surmontées. Gabarits et prospects ont conduit à imbriquer des boites superposées en quinconces engendrant ainsi de belles terrasses latérales et de légers cantilevers en façade. Afin de limiter les surcharges en sous-sols et simplifier la mise en œuvre dans la cour, une structure métallique a été retenue. Enfin, la sécurité incendie est astucieusement effective grâce à des passerelles reliant les trois premiers étages permettant ainsi à chacune des deux bâtiments de n’avoir qu’un unique noyau de circulations verticales, celui d’en face lui faisant office d’issue de secours complémentaire. Les concepteurs ont complété ce dispositif par des coursives-balcons à l’arrière du bâtiment principal qu’agrémentent des jardinières les végétalisant.  Au centre de la cour, une platebande – surélevée et sertie d’inox poli miroir – y intègre une oasis foisonnante où sont dissimulés deux puits de lumière éclairant le bassin de nage en sous-sol.

Trois stratégies – différentes mais complémentaires – ont été appliquées aux façades. Coté rue, l’ABF a limité l’intervention à la création d’une devanture bois à rez-de-chaussée – largement vitrée par les architectes pour « donner à voir » en profondeur aux passants – et à la pose d’un store (noir en l’occurrence) et d’une jardinière pour chaque baie des étages. Celles sur cour ont été redimensionnées, l’isolation extérieure étant enduite ton pierre afin de ménager tout son effet à son vis-à-vis. En effet, Françoise N’Thépé et Aldric Beckmann aspiraient à estomper l’échelle de leur extension : renonçant donc à un revêtement plat et lisse, ils ont opté pour un béton projeté (5 à 6 cm d’épaisseur), sculpté, teinté et peint façon faux marbre brut (à dominantes verte), technique qu’ils avaient prescrit dans leur projet lauréat pour le zoo de Vincennes, hélas abandonné par la suite.

 

Ambiance tempérée à l’intérieur

Au rez-de-chaussée, les quelques beaux panneaux de béton brut restés apparents sont « amortis » par le dallage de pierre blonde à cabochon noir, par les corniches et moulures des plafonds, des cimaises en noyer avec plinthes en laiton (come une partie du mobilier et accessoires) et les velours – majoritairement vert – de certaines assises, des banquettes capitonnées du bar et du rideau théâtralisant le couloir menant à l’ascenseur et à la cour.

Célébrant le savoir-faire de l’artisanat parisien, les chambres où prédomine le blanc opposent deux papiers peints dans l’entrée et derrière la tête de lit en noyer – tout comme l’habillage de la cloison séparative avec la salle de bain, toute carrelée en pâtes de verre céladon. Une ou deux chaises Leggera de Gio Ponti (noire cannée) converse avec une velouteuse chauffeuse outremer. Des corniches tronquées « historicisent »  ponctuellement les plafonds tandis que le cuivre des inserts, de la quincaillerie et des luminaires « anoblissent » les finitions.

Le 1er sous-sol plonge davantage le visiteur dans la modernité, à commencer par son longiligne couloir de nage – s’étant substitué à l’ancienne rampe d’accès au parking – qu’inondent de lumière zénithale les deux puits de jour de la cour le coiffant partiellement. Une salle de fitness, un spa avec hammam et des vestiaires complètent cet espace de remise en forme ouvert aux adhérents extérieurs.

Nul doute que le Parister constitue un bel havre de paix dans la frénésie de la ville environnante, mais un peu trop « pacifié » à mon goût… plus engagé !

 

Hôtel Parister

19 rue Saulnier, 75009 Paris

Programme : Reconversion d’un bâtiment de bureaux avec extension en fond de cour en hôtel 5* / 45 chambres, restaurant-bar à cocktails, piscine, salles de sports et de massage, hammam.

Surface : 2 129 m2 (SDP + cour intérieure)
Coût : 6,9 M€ HT
Date de livraison : Octobre 2017
Maîtrise d’ouvrage : Nicolas Nonon et Maxime Brabant (F14N)
Assistance à Maîtrise d’Ouvrage : Céline Boullenger
Architecture/Architecture intérieure : Agence Beckmann-N’Thépé ; chef de projet : Laura Ros
Consultant : Clémande Burgevin-Blachman
Maitrise d’œuvre d’exécution : Robinson Architectes
BET : EOC (Structure), Espace Ingénierie (Fluides)
Entreprise générale : Rabot Dutilleul
Béton projeté : AAB
Entreprise Agencement/Menuiseries Intérieures : Lazer Agencement
Signalétique et identité visuelle : Général Design
Mosaïque : Bisazza
Mobilier : Cassina, Classicon, Tom Dixon, Gubi, Carl Hansen & son, Hay, Living Divani, Manganèse, Punt Mobles, Sika, Vitra
Tapis : Limited Edition, Nobilis

 

Texte : Lionel Blaise
Photo : Nicolas Matheus