Anouk Legendre et Nicolas Desmazières © Luc Boegly

Diplômés de l’École d’architecture de Paris-La Villette, géographe-urbaniste, Anouk Legendre et Nicolas Desmazières ont fondé une première agence après avoir gagné l’Europan, le Pan Université et les AJA. Elle deviendra en 2000 l’agence XTU : X pour l’inconnue mathématique ; TU, suffixe de « situ », en référence à la géographie et au paysage. « XTU, c’est de la recherche en relation avec le contexte et le paysage, presque une profession de foi ! »

Connus pour leurs bâtiments emblématiques (Jeongok Prehistory Museum, musée des Civilisations à La Réunion, Cité des civilisations du vin à Bordeaux), ils viennent de livrer le pavillon de France à l’Exposition universelle de Milan, aux formes libres tout en bois. Convaincus que l’architecture doit anticiper le futur et que la révolution des biotechnologies sera la troisième révolution industrielle, les architectes d’XTU se sont fortement investis dans la recherche expérimentale, à la croisée des sciences du vivant, de l’écologie, de l’architecture et de l’urbanisme. Avec le CNRS, ils développent les « biofaçades » capteurs solaires biologiques du futur.

On a tous adoré jusqu‘à l’euphorie cette civilisation des hydrocarbures : ce monde merveilleux où nos déplacements et nos moindres besoins sont perpétuellement assistés, où l’abondance alimentaire est boostée aux engrais, où l’énergie continue à être si bon marché qu’il serait dommage de s’en priver, où l’industrie est portée par la manne des ressources minières et fossiles, où l’inflation des flux d’information est lui aussi porté par l’énergie facile.

Un monde si insouciant, confort et sécurité…, qui transforme les ressources sans se soucier de demain ! Dans ce « meilleur des mondes des objets » ronronnent les existences… Au bout de notre portable, les flux du réseau nous apportent vie sociale, travail, amours, échanges et distractions. Nos besoins sont assouvis, au risque de s’y perdre. L’homme de Houellebecq, c’est aujourd’hui !! Et dans le futur ? La transition énergétique se résumera-telle aux choix technologiques, ou ira-t-on vers un changement de civilisation ? Imaginons l’évolution des villes… Ce sera au vivant de fabriquer les ressources. Le vivant sera La ressource. Cela transformera la ville, les rapports ville/campagne et ville/nature. Le vivant deviendra une valeur montante au moment même où on s’apercevra que les services gratuits du vivant comme la pollinisation sauvage ne vont pas de soi, qu’ils peuvent disparaître. En cela aussi la ville aura un rôle à jouer, une responsabilité. L’agriculture, la biologie feront leur révolution. Ils devront produire une grande partie de ce qui sera nécessaire à la ville, à l’industrie, et pas seulement l’alimentation. La ville se construira en matériaux renouvelables, en bois. On privilégiera les plantes industrielles, on développera les forêts, on cultivera autrement.

X Sea Ty Centre, ville dépolluante et productrice, 2009 © XTU architects

La ville devra produire sa part. On explorera de nouvelles opportunités, façades, toits, rives des fleuves… La valeur des sols agricoles augmentera. Un département mangé par l’urbanisation tous les dix ans en France… On se rappellera que le Bassin parisien est une des terres les plus fertiles du monde. Sera-t-il pertinent de continuer cet étalement urbain ? Calculera-t-on son impact réel en coût global, en transport, traitement des eaux, entretien des voiries, coût social du temps perdu ? Consommer les terres agricoles est une facilité d’aménageur qui rapporte sur le moment, mais plombe les générations suivantes ! Dans cette urbanisation, on pense toujours aux bâtiments, mais ceux-ci n’occupent q’un cinquième de la surface. On s’interrogera sur l’inflation des ouvrages linéaires, et avec elle le bitume qui tue la vie, l’obligation de traiter les eaux… De nouveaux concepts de voiries restent à inventer, sols perméables, voies enherbées, bas-côtés filtrants. La mycorémédiation exploitera la pollution des sols. Les rues changeront d’usage, moins de commerces avec le e-commerce… On transformera certaines en ruesjardins, où les riverains exprimeront leur génie jardinier. Une façon de rendre la biodiversité à la ville, de réduire l’îlot de chaleur par la biomasse, et de faire participer les habitants. Déminéraliser la ville, c’est aussi renouer avec le plaisir de retrouver la nature sauvage. […]

 

Retrouvez la suite de cette tribune dans le n°74 d’archiSTORM