ARCHITECTURE ET MUSIQUE

Marie Jeanne Hoffner, artiste plasticienne et Nicolas Karmochkine, architecte, proposent une série d’articles qui offrent une mise en perspective de la relation entre la musique et l’architecture.

Le son et la forme

(journal intime d’Umberto Napolitano)

 

Centre d’archives National,Bure
© Julien Lanoo
© LAN

Architecte rock’n roll, bassiste, voyageur et fondateur de l’agence LAN avec Benoît Jallon, Umberto Napolitano nous raconte la porosité qu’il installe entre le son et la ville. Il intègre des fragments d’ici et de là, d’un ailleurs musical dans leur architecture. Il choisit ses bandes-son pour un lieu, une ville qui, selon l’humeur du jour ou de la trajectoire, sera rock, grunge ou reggae. Les morceaux se jouent entre vernaculaire et sophistiqué, entre échelles et matériaux, ils tissent un lien indissociable entre expérience personnelle et grande histoire, pour penser l’espace dans toutes ses dimensions.

La musique et l’architecture ont en commun leur écriture, un langage structuré qui demande un vocabulaire et une grammaire rigoureuse. Umberto connaît les deux, et pour chacune il aime à se demander comment et combien il peut laisser d’espace à la chose non écrite. Cette question l’intrigue depuis longtemps parce qu’il s’inspire autant des architectures sans architecte que de la musique sans compositeur, vernaculaire et sans académisme. Trop souvent la forme écrite empêche d’exprimer la puissance des origines, au risque de perdre l’intensité et l’instinct d’un rock’n roll sauvage et brutal. Il n’oublie pas que lorsque les Beatles jouaient « Why Don’t We Do It in the Road ? » avec l’esprit d’un blues mille fois éprouvé, c’était pour retrouver l’énergie des racines.
Espace et temps n’ont pas la même signification, mais ces deux concepts résonnent ensemble, chacun construisant sa propre narration. Le son du musicien devient musique par le dispositif qui le construit, lorsque dans une dualité à la fois fondamentale et ambiguë, le temps structure le travail de l’architecte. Umberto aime à questionner alors cette proximité que le son établit avec le vide pour devenir musique.

« LE RAPPORT AU VIDE EST UN ÉLÉMENT ESSENTIEL EN ARCHITECTURE COMME EN MUSIQUE. LA PREMIÈRE LE DÉFINIT, LA DEUXIÈME L’OCCUPE. CE RAPPORT EST VRAI À TOUTES LES ÉCHELLES ; DE LA VILLE À LA PIÈCE, DE L’OBJET À L’INSTRUMENT. »

Si la musique révèle l’espace, comme le silence de « 4’33 » » de John Cage peut le troubler, en architecture c’est la lumière qui tient ce rôle de révélateur des frictions, « la lumière en architecture a la valeur de l’espace en musique ». Elle est le matériau sensible des archives EDF à Bure, une lumière particulière qui définit le vide, l’occupe et le révèle comme un artefact mystique pour lequel « Echoes » de Pink Floyd serait la B.O. rêvée. En musique, la durée cadre le temps, mais pour l’architecture de LAN cette notion est plus vaste, elle désigne à la fois l’histoire passée et celle à venir, celle qui est synonyme d’évolution ou de dégradation. (…)

Texte : Marie-Jeanne Hoffner et Nicolas Karmochkine
Visuel à la une : Grand Palais des Champs-Elysées, Paris © LAN

Découvrez l’intégralité de l’article et la playlist d’Umberto Napolitano au sein d’ArchiSTORM #86