Entretien | Nicolas Michelin, penser la ville après
Après avoir fondé et dirigé l’agence ANMA, l’architecte et urbaniste de renom, Nicolas Michelin, a récemment choisi de faire un pas de côté en créant le Studio MAE afin de consacrer la quasi-totalité de son temps à l’expérimentation de nouvelles façons de réfléchir et de concevoir la ville, plus écologiques et libérées de la pression de la promotion.
Quelle mission attribuez-vous au Studio MAE ?
En créant le Studio MAE, je souhaitais proposer une nouvelle structure d’expérimentation sur l’écologie, favoriser une nouvelle manière de penser, de faire du logement, de travailler avec le déjà-là, fixer un cadre où la pression de la promotion ne pouvait s’exercer.
Le studio fait appel à des architectes, artistes et autres profils sur des thématiques variées. À travers cette structure, je suis notamment l’Architecte conseil de la ville de Lyon. Le Studio MAE réalise également 30 maisons de ville extrêmement économiques sur un site ANRU pour un promoteur de l’économie sociale et solidaire. Nous travaillons sur la possibilité de partager les espaces ou encore sur la reconversion d’un silo en y proposant une galerie d’art à rez-de-chaussée et des bureaux à l’étage.
Vous avez récemment écrit un livre Penser la Ville après via lequel vous appelez à radicalement changer de paradigme. Quel rôle l’architecte a-t-il dans ce changement de mode de réflexion et d’opérer ?
Nous ne vivons pas une crise, nous vivons un bouleversement, dans le sens où il n’y a pas possibilité de revenir en arrière. Nous sommes obligés de penser autrement, notamment sur le foncier. La crise est diverse : elle est climatique mais aussi environnementale. L’architecte dispose d’un rôle central pour résoudre cette crise car il comprend mieux le site. Or ce doit être le site qui donne la règle. Le plus souvent, malheureusement, nous suivons les PLU et créons des projets qui ne sont pas adaptés. Un projet sur mesure est celui qui se glisse dans l’existant. Il permettra de proposer une approche écologique.
Il est souvent dit que l’architecture est une œuvre d’art, je ne le crois pas du tout. Le rôle de l’architecte est de faire en sorte que son bâtiment vive en toute discrétion dans son environnement, comme s’il n’avait jamais été là auparavant. Dans cette approche, le rôle de l’architecte devient extraordinaire, c’est à lui d’effectuer ce qui a du sens par rapport au site.
Je pense que la promotion classique est vouée à disparaître car la construction ne peut plus être confondue avec la financiarisation. Un bouleversement est en cours et il faut que l’architecte-urbaniste prenne sa place. La ville ne doit pas être une succession d’objets. Elle est aussi rues, places, parcs, venelles…
Quel est votre idéal d’architecture ?
Il s’agit tout d’abord d’une architecture discrète que j’appelle l’« ordinaire extra ». Faire une architecture extraordinaire est facile. Faire une architecture ordinaire qui est extra, qui se fond dans le paysage, est plus compliqué, mais elle sera réussie car elle fonctionne avec son environnement.
Il s’agit aussi d’une architecture qui utilise les énergies naturelles, qui travaille avec l’inertie, le vent, le soleil. Elle est en outre frugale, flexible et légère. Sa qualité consiste en une forte capacité à s’insérer dans son site. Il s’agit d’une architecture contemporaine qui ne s’impose pas et respecte son environnement. Celle qui fait avec le déjà-là.
Quelles sont les personnalités qui ont, selon vous, compris les changements nécessaires ?
Dans mon livre, je parle d’Ulrich Beck, qui a tout à fait compris la fin de la modernité. Dans La société du risque, il décrit à quel point nous n’avons jamais été dans un monde aussi incertain.
Michel Serres était aussi très clairvoyant quand il a écrit Le contrat naturel. Dominique Bourg fait de bonnes propositions pour un retour à la terre. Son texte est à la fois utopique et sincère. François Ruffin a émis des idées intéressantes sur le partage des richesses. Et puis, il y a tous ceux qui sonnent l’alarme comme Hélène Grosbois ou Thomas Wagner.
Simon Teyssou, Grand Prix d’Urbanisme 2023, présente un urbanisme qui n’a rien de prétentieux, il est attentif au site et propose la petite échelle. Beaucoup de jeunes agences d’architecture ont aussi réellement compris la situation.
Enfin, récemment, j’ai créé l’Alarme Club dont la mission est d’alerter sur les situations difficiles. J’ai le plaisir d’y travailler avec des architectes, artistes, philosophes, sociologues, anthropologues très éclairés.
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Histoire de marque | Odace, la collection de référence pour tous vos projets
80 % des logements de 2050 existent déjà. Les architectes et les architectes d’intérieurs audacieux, qui pensent au futur, savent qu’il convient désormais de concevoir des logements et des bâtiments capables de s’adapter aux changements de vie ou d’activité. L’évolutivité permet de sécuriser les investissements et de réduire l’empreinte carbone, puisqu’elle évite de démolir ou d’engager de gros travaux de restructuration dans des immeubles ou d’autres ouvrages. La collection d’appareillages au mur Odace de Schneider Electric s’inscrit parfaitement dans cette tendance. Explications.
En étant connectée, composée de deux modules seulement, la collection Odace prend un temps d’avance dans les espaces de vie destinés à évoluer. Il est en effet très facile de déplacer ou d’ajouter une prise, un interrupteur ou un détecteur de la gamme quand on décide de moduler la configuration intérieure d’un logement ou bâtiment en changeant les emplacements des cloisons.
La vie facile dès aujourd’hui
Avec la gamme Odace, l’architecte pense aussi à faciliter le quotidien des occupants dans les espaces de vie aujourd’hui. La collection permet en effet de s’adapter à chaque mode de vie, avec un vaste choix d’interrupteurs, prises de courant, va-et-vient, prises RJ45, thermostats, détecteurs ou variateurs. Elle propose en plus toute une série de fonctionnalités innovantes, notamment un point d’accès et un répéteur WiFi, une liseuse avec USB intégré, un large panel de chargeurs USB dont un double chargeur rapide USB A+C… Certaines fonctionnalités peuvent se connecter avec Wiser, la solution de gestion de l’énergie et du confort depuis son smatphone. Quelques clics suffisent pour piloter le chauffage, l’éclairage, les volets roulants et même la recharge d’un véhicule électrique, à partir de l’application Wiser Home. Le tout, en faisant des économies d’énergie, en programmant des scénarios correspondant aux modes de vie ou de travail.
Un intérieur moderne et inspirant avec une infinité de possibilités
La collection d’appareillages se décline en une infinité de styles, lui permettant de s’accorder à chacune des inspirations des architectes : pas moins de 10 000 combinaisons possibles avec Odace ! Les mécanismes existent en blanc, anthracite, alu ou même cobalt. Les teintes et les matières des plaques de finitions sont variées, pour devenir l’atout déco des pièces. Odace Styl Bleu cobalt à l’effet mat habille les murs de manière très tendance. Les finitions Odace Touch couleurs et métal se parent de diverses textures et de couleurs premium, pour repousser les limites de l’imagination. Odace Touch Kvadrat® propose un fini textile de qualité supérieure avec cinq coloris inédits, pour harmoniser les interrupteurs avec rideaux et canapés dans un esprit cocooning.
Le développement durable en plus
Aujourd’hui, plus question de transiger avec les attentes de développement durable. La collection Odace s’inscrit aussi dans cette exigence. Elle dispose de deux références éco-responsables, Odace Styl Recyclé et Odace Touch Recyclé. Ces appareillages sont composés avec une majorité de matériaux recyclés, emballages compris. La gamme compte également une référence sans fil et sans pile. A la clé : des économies de câbles en cuivre et plastique et la fin des piles polluantes dans une démarche respectueuse de l’environnement. Quand on sait en plus que les appareils connectés à Wiser permettent de réduire la consommation d’énergie, tout en améliorant le confort des occupants, Odace coche toutes les cases du logement pour aujourd’hui et pour demain !
Si vous voulez tester les atouts de la collection Odace, commandezun coffret d’échantillons gratuit, spécialement sélectionnés pour les architectes et les architectes d’intérieur.
Patrimoine | Andrault et Parat : une histoire attendue
Alors que de nombreuses réalisations de l’agence Andrault et Parat bénéficient du label ACR (Architecture contemporaine remarquable), l’une des plus remarquables parmi leur immense production, le Crédit Agricole de Saint-Jean-de-Braye (1973), s’apprête à être démolie. Ne doit subsister, tel un totem rappelant une histoire révolue, qu’une tour circulaire en brique. Cette disparition annoncée de longue date est l’occasion de redire l’importance du tandem parisien dans le paysage de l’architecture française des années 1960-1980.
« Il était impossible de rénover l’existant. Il aurait fallu ajouter du poids à une architecture « en porte à faux » », pouvait-on lire dans La République du Centre du 21 mai 2021 à propos du Crédit Agricole. Il y a de quoi s’interroger sur cet argument : loin d’être subie, la construction d’un ensemble neuf, avant démolition d’un héritage encombrant, relève plutôt du parti pris. Les décès successifs de Michel Andrault (1926-2020) puis de Pierre Parat (1928-2019) ont-ils facilité cette décision ? On laissera à d’autres le soin d’enquêter. Il est en tout cas certain que, assortie d’une destruction quasi complète des archives de leur agence, la séparation violente des deux associés, au début des années 1990, avait déjà contribué à empêcher tout récit apaisé de leur fulgurante carrière. L’alchimie du binôme Andrault et Parat demeure ainsi en partie une énigme.
L’agence est fondée en 1957, au moment où le modernisme international impose, à l’architecture tertiaire notamment, les formes lisses des buildings américains signés Belluschi, Mies van der Rohe ou SOM. À cette dictature du mur-rideau que rejette également Roger Anger dès ses débuts parisiens, elle oppose des systèmes de construction à la fois plus lisibles et plus expressifs, que l’on a pu rapprocher du métabolisme japonais. La seule influence américaine que Parat revendiquait était en l’occurrence américaine : l’ossature extravertie du John Hancock Center de Chicago (SOM). Mais le premier rationalisme que Parat a côtoyé de près est celui d’Auguste Perret, lorsqu’il travaillait sur l’église Saint-Michel au Havre. Bien que plus sensible à la plastique de Le Corbusier ou Frank Lloyd Wright, il gardera du maître du béton armé le goût de l’ossature, d’une vérité ou plutôt d’une clarté constructive, débarrassées toutefois de la dimension morale de la théorie du maître.
Le style particulier des réalisations d’Andrault et Parat tient à une approche ratio-
naliste, certes, mais traduite par une nette distinction portant/porté (et non plus ossature/remplissage comme chez Perret). Le goût de l’agence pour les rotules, les puissants piliers et les poutres saillantes s’exprime alors au moyen de spectaculaires ossatures. Pour les immeubles de bureaux et sièges sociaux, la formule récurrente de la superstructure devient alors une signature. Et si c’est avec le béton armé que le duo s’exprime le plus fréquemment, l’une de ses réalisations les plus connues, le siège d’Havas à Neuilly-sur-Seine (1968-1973), réalisé avec Jean-Pierre Sarrazin, trouve son identité dans l’épure du métal. Pour les immeubles de bureaux et sièges sociaux (Caisses régionales du Crédit Agricole d’Auxerre et de Saint-Jean-de-Braye), la superstructure devient ainsi une marque de fabrique, tandis que la préfabrication lourde avec refends porteurs domine dans les opérations de logement.
La logique d’expression de l’ossature et des circulations est rendue encore plus claire, voire spectaculaire, lorsqu’elle est associée à un troisième principe : l’éclatement des volumes. Le travail de l’agence Andrault et Parat trouve là toute sa
cohérence et ses bâtiments une force plastique qui fera son succès. Qu’il s’agisse d’architecture scolaire, de bureaux ou de logements, l’éclatement des volumes ne relève d’aucun formalisme, mais d’une volonté de clarification du programme et d’expression de chacune de ses parties. Plus concrètement, ce mode d’assemblage individualise les espaces sans les isoler, ouvre chaque corps de bâtiment sur l’extérieur, le met en relation avec son environnement direct et offre, à l’usager comme à l’habitant, une multiplicité de points de vue.
La lisibilité des fonctions qui composent chaque bâtiment conçu par l’agence Andrault et Parat participe également d’un fonctionnalisme alors dominant, mais qui n’est chez eux pas parfaitement orthodoxe : ce fonctionnalisme est au contraire compensé par un jeu de formes qui le transcende. Dans un constant balancement entre unification et éclatement, dont leurs dessins témoignent au quotidien, les archi-
tectes cherchent l’expression à la fois exacte, efficace et puissante du programme. Deux réalisations parisiennes illustrent cette méthode de manière particulièrement éloquente : le Centre universitaire Pierre-Mendès-France, rue de Tolbiac (1970-1973), où Andrault et Parat répondent à une exigence d’extrême densité tout en évitant tout monolithisme, et la tour Totem (1973-1978) dans le nouveau quartier de Beaugrenelle, qui accueille 208 logements. À une structure composée d’un noyau de petite taille, renforcé aux angles par quatre cylindres porteurs – où logent également différents fluides –, viennent s’accrocher, tous les quatre étages, des poutres précontraintes auxquelles sont suspendus les cubes accueillant chacun trois niveaux de logements, décalés de 45 degrés par rapport aux poutres. Les appartements compris dans la structure, eux, affleurent tous les quatre niveaux comme une simple ponctuation.
Investis dès la création de leur agence dans la recherche sur de nouvelles formes de logements, Andrault et Parat font partie des inventeurs de l’habitat dit intermédiaire. Ils conçoivent d’abord, dans les années 1960, plusieurs groupes ou ensembles de maisons individuelles, à Clamart puis à L’Isle-Adam (parc de Cassan). Plus atypiques, les commandes de deux VVF (Villages Vacances Familles) en Ardèche, à Chambonas – aujourd’hui sur la commune des Vans – et à Berrias-et-Casteljau, leur sont confiées en 1966 et 1969, en même temps qu’ils développent le principe des maisons individuelles superposées – dites « gradins-jardins » – qui fera leur succès. L’une et l’autre bénéficient depuis 2003 du label Architecture du XXe siècle / ACR. C’est le cas également de la résidence Horizons 80 à Saint-Laurent-du-Var, en périphérie de Nice, qui, dans un contexte tout à fait différent, propose une spectaculaire mise en scène des circulations verticales.
Le label du ministère de la Culture est encore venu saluer plusieurs réalisations de type « Maisons Gradins Jardins » ou « Pyramides ». Andrault et Parat remportent un premier marché en 1966 dans le cadre du Programme pluriannuel de logement (PPL), puis en 1969 dans le cadre du « concours Chalandon ». Reprenant le modèle tout récemment livré à Épernay, l’agence conçoit à Villepinte (1970-1972) cinq pyramides regroupant chacune trente-trois « maisons individuelles superposées » réparties sur cinq niveaux. Les accès aux logements, tous dotés d’une terrasse de 35 m2 et de jardinières, se font soit par le parking collectif, soit par les escaliers qui rythment le paysage. Le principe des « Maisons Gradins Jardins » est par la suite agréé dans le cadre des Modèles Innovation (1973), avec une trame constructive de 6,20 mètres. Du modèle linéaire mis en œuvre à Coulommiers à la version extrême que sont les Pyramides d’Évry (1973-1975) – une commande pharaonique de 7 000 logements, dont seule la première tranche (2 500 logements) sera réalisée –, Andrault et Parat établissent une série de variantes qui permet à leurs réalisations de s’adapter à une multitude de contextes, notamment topographiques. La qualité de leurs interventions tient en grande partie à la variété des plans, à la complémentarité entre minéral et végétal, mais encore à la permanence des cheminements piétons. Et c’est le cas dans la plupart des bâtiments produits par l’agence Andrault et Parat, qui méritent tous d’être analysés en tant que tels.
À voir : Exposition à la Maison de l’architecture Centre Val de Loire, Orléans.
Par Simon Cazaux
Visuel à la une : Résidence Horizons 80, Saint-Laurent-du-Var, 1969
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Réalisation | Vauban 27, Lille — LINK LAB France (Degroote Architecture et Développement)
Au cœur du quartier historique Vauban à Lille, une remarquable transformation architecturale vient de s’achever. Les anciens locaux du bailleur Partenord Habitat et du Tribunal Administratif, un imposant bâtiment de style international datant de 1980, ont été entièrement repensés pour accueillir l’école de management IÉSEG. Baptisé Vauban 27, ce projet ambitieux signé par l’architecte Stéphane Degroote du groupe Link Lab illustre la capacité de l’architecture contemporaine à adapter le patrimoine bâti aux besoins actuels tout en respectant son histoire.
Un défi architectural et technique
La transformation de l’ancien siège de Partenord Habitat et des bureaux du Tribunal Administratif de Lille, situés au 27 boulevard Vauban, en nouveau bâtiment d’enseignement pour l’IÉSEG, a représenté un véritable défi architectural et technique pour l’équipe de Link Lab France, menée par l’architecte Stéphane Degroote. Construit entre 1979 et 1981 par les architectes R&M Clément basés à Lomme près de Lille, associés à CAA à Paris, l’édifice d’origine remplaçait un ensemble du XIXe siècle. De style international, il exprimait une réaction aux compositions verticales et richement décorées des immeubles bourgeois du boulevard. Sa structure en poteaux-
poutres en béton, ses dalles en béton coulées sur des coffrages perdus en tôles fibrociment ondulées et ses façades rythmées de châssis isolés et de remplissages en granit rose étaient représentatives des avancées techniques de l’époque. Pour Stéphane Degroote, le principal enjeu résidait dans la transformation de l’existant avec un changement d’usage. « Un établissement d’enseignement présente des besoins en programmes et surfaces qu’un usage tertiaire ne propose pas de fait. La proportion des espaces, le rapport aux extérieurs, les flux internes et les notions d’usages sont différents » explique-t-il. Ainsi, le programme comprend une destruction partielle de deux volumes de 160 m² situés à l’arrière de la parcelle, la restructuration lourde de 10 000 m² et des extensions de 2 000 m². La première est située en cœur d’îlot quand la seconde, sur rue, assure un nouveau style à l’édifice qui affiche désormais en façade un grès de couleur blanche – une mesure d’éclaircissement pour lutter contre l’effet îlot de chaleur.
« Un établissementd’enseignement présente des besoins en programmes et surfaces qu’un usage tertiaire ne propose pas de fait. La proportion des espaces, le rapport aux extérieurs, les flux internes et les notions d’usages sont différents. »
Stéphane Degroote, Architecte associé, agence LINK LAB France
Un projet au service des nouveaux modes d’enseignement
Pour répondre aux besoins de l’école de management, les escaliers et ascenseurs existants ont été supprimés afin de libérer les plateaux pour y installer les salles de classe. Les nouvelles circulations verticales, les amphithéâtres et la majorité des espaces de créativité ont été regroupés dans les extensions neuves autorisées par le règlement d’urbanisme. Le bâtiment comprend ainsi, en plus des deux amphithéâtres (respectivement de 260 et 117 places), une cafétéria, un incubateur de start-up, des bureaux destinés au corps enseignant, des espaces modulables pouvant se transformer en salles d’examens, mais aussi des salles dédiées aux associations et des espaces de créativité. Cette programmation répond aux nouveaux modes d’enseignement développés par l’IÉSEG, mêlant cours magistraux, travail collaboratif et apprentissage à distance. Link Lab a imaginé pour l’accueil une « place de village » se prolongeant sur un escalier monumental desservant les cinq niveaux dédiés aux salles de cours. Cet espace central de 600 m² favorise les rencontres et les échanges entre étudiants. La modularité des espaces a constitué une priorité pendant tout le projet.
« Les multiples « accidents » générés par l’interaction des volumes ont été utilisés comme autant d’espaces de co-créativité libres d’accès, assurant le prolongement empirique des cours magistraux donnés dans les classes plus traditionnelles » explique l’architecte. Et pour gagner de précieux mètres carrés dans cet environnement urbain dense, l’un des trois niveaux de parking existants est également aménagé en lieu de vie. L’immeuble atteint aujourd’hui une hauteur de 30 m sur sept étages, pour une surface de plancher totale de 12 000 m².
SCCV Vauban27. Ancien siège de Partenord Habitat. Nouveau bâtiment de l’IÉSEG School. Nacarat et Carré Constructeur paternaires pour la requalification de cet immeuble de bureaux en établissement d’enseignement supérieur. 12 000 m² sur 7 étages viendront compléter le campus et pourra accueillir 1 500 étudiants. Réalisation, sous la houlette de l’architecte Stéphane Degroote, du cabinet DAD, avec le bureau d’études techniques : NORTEC Ingénierie et l’entreprise générale de construction : SPIE BATIGNOLLES NORD, Le projet « Vauban 27 » consiste en la destruction partielle (164 m²), la restructuration (10 124 m²) et l’extension (1 851 m²) des anciens locaux de Partenord Habitat et du Tribunal Administratif de Lille en un immeuble de sept étages dédié à l’IÉSEG School of Management. 27, boulevard Vauban 143, rue Jacquemars Giélée 59000 Lille Photo: Samuel Dhote
Un dialogue renouvelé avec l’environnement urbain
L’enveloppe du bâtiment a été entièrement repensée pour s’intégrer harmonieusement dans son environnement tout en affirmant sa nouvelle identité. Sur le boulevard, la façade reprend le rythme vertical des maisons bourgeoises voisines, avec un traitement unifié des deux premiers niveaux pour respecter les proportions classiques. Un matériau minéral clair allège la masse du bâtiment, sobrement percée d’éléments métalliques monochromes. Côté cœur d’îlot, le jeu des volumes issu de l’interprétation de deux règlements d’urbanisme successifs a permis de multiplier les apports de lumière et les espaces extérieurs à chaque étage. « Le résultat peut se comparer à un biface qui, par un traitement architectural très différent entre son « avant » et son « arrière », s’ouvre à la fois sur la ville d’un côté et sur son cœur végétal de l’autre » souligne Stéphane Degroote. Le projet s’inscrit par ailleurs dans une démarche durable destinée à encourager le développement d’une biodiversité urbaine. Pour ce faire, la maîtrise d’ouvrage s’est entourée de la paysagiste Odile Guerrier et a travaillé main dans la main avec les écologues de la ville de Lille et de la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux). Le résultat est une pluralité de terrasses végétalisées de 1 000 m² avec des essences adaptées, l’installation de nids d’abeilles sauvages et de nichoirs à oiseaux, en plus du raccordement au réseau de chaleur urbain.
Un chantier complexe en milieu urbain
La réalisation de ce projet en plein cœur de Lille a nécessité une organisation minutieuse du chantier. Les contraintes liées à l’environnement urbain dense, occupé et historique ont dû être prises en compte à chaque étape. Le désamiantage de certaines structures existantes a constitué un défi supplémentaire. La gestion du chantier a également dû s’adapter aux évolutions du programme liées à la crise sanitaire du Covid-19. « Une seule réponse pour nous : une grande compétence de toute l’équipe, l’ouverture d’esprit et l’ingéniosité de chaque acteur, du concepteur à l’expert, du maître d’ouvrage à l’usager » considère l’architecte. Pour Caroline Roussel, directrice générale de l’IÉSEG, « ce nouveau bâtiment situé à seulement quelques pas de nos locaux historiques vient parfaitement compléter notre campus lillois pour renforcer le rayonnement de l’École ». Avec Vauban 27, l’IÉSEG dispose désormais d’un outil pédagogique moderne et adapté à ses ambitions. Ce projet illustre la manière dont la réhabilitation d’un bâtiment existant peut répondre aux enjeux contemporains de l’enseignement supérieur.
Fiche technique :
Investisseur exploitant : IÉSEG School of Management Maîtrise d’ouvrage : Nacarat et Carré Constructeur Maîtrise d’œuvre b Link Lab France (Degroote Architecture et Développement – DAD) Entreprises : Spie Batignolles Nord, Spie Batignolles Énergie, Farasse, EGD/Revilis Surface : 2 548 m2 (terrain), 11 975 m2 (plancher) dont 164 m2 (destruction partielle), 10 124 m2 (restructuration) et 1 851 m2 (extension) Budget : 23 M€ HT Programme : 48 salles d’enseignement, 2 amphithéâtres, 3 salles d’examens polyvalentes, 32 open spaces étudiants, 1 incubateur, 1 career center, 11 locaux associatifs, 42 bureaux administratifs ou professeurs/chercheurs
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Réalisation | Racine, Paris — Maud Caubet Architectes
Icone du patrimoine architectural des années 1970 et fruit d’un imaginaire naturaliste, l’ancienne tour abritant il y a peu de temps encore l’Office National des Forêts (ONF) reprend vie, grandit et rayonne à l’image d’un arbre qui a bien pris racine. Renaissant sur un socle plus poreux et ouvert sur son quartier, l’immeuble phare s’est enrichi d’une nouvelle sève, d’une lumière énergisante pour s’élancer vers le ciel.
S’ancrer dans le quartier en réinvestissant les sous-sols
Telles les racines qui puisent dans le sol l’eau et les sels minéraux, Racine réinvestit les sous-sols pour offrir de nouvelles surfaces et ressources à ses utilisateurs. Ces derniers pourront y retrouver un terreau pour travailler, se nourrir, créer, se reposer ou se rencontrer. Un ancien étage de parking, obsolète, est ainsi réanimé en espaces qualitatifs, utiles et agréables.
Un lieu de restauration, des bureaux et salles de réunion viennent prendre place en R-1, rez-de-jardin dans une écharpe baignée de lumière, venant prendre sa source en sous-sol et se développer en surface pour entourer harmonieusement le bâti existant. Sa forme évoque les courbes de l’architecture initiale du bâti tout en lui apportant la valeur ajoutée d’un toit végétalisé, dédié à une agriculture urbaine potagère venant répondre en écho à un jardin conservé et retravaillé en optimisant la pleine terre.
Passer d’un socle endormi à une vivacité retrouvée, ouverte sur son quartier
Racine a été conçu sur les valeurs fondamentales de la culture, de la nature et du dialogue entre la parcelle et son quartier, l’histoire et l’avenir, les cultures spirituelle et nourricière.
Si les façades et la taille de guêpe de la tour ont été conservées afin de respecter le patrimoine esthétique et historique du bâtiment totem, ce dernier a fait l’objet d’une recherche approfondie pour la création de liens, l’enrichissement du dialogue entre le bâti et le non bâti comme entre la parcelle et l’ensemble de son quartier.
Grâce au nouveau projet architectural, le bâtiment devait gagner en visibilité et en lisibilité pour initier une nouvelle discussion durable avec son quartier comme entre les deux rues qui le bordent. Maud Caubet Architectes imagine ainsi le concept d’une écharpe, inspirée de la forme naturelle du coquillage ou de l’escargot, venant puiser des mètres carrés supplémentaires en sous-sol et en surface pour activer les socles, créer un rez-de-chaussée et un rez-de-jardin vitrés apportant transparence, lumière et porosité avec le quartier.
Vitrine sur rue liant l’immeuble de bureaux, la Sorbonne Nouvelle et les passants, ces nouveaux espaces lumineux ont été imaginés comme un ruban vitré s’enroulant autour de la tour et de son patio grâce à une façade mur-rideau aluminium toute hauteur, en courbe. Activateurs de dialogue, ces nouveaux espaces donnent à voir comme ils invitent le regard.
Ce coquillage est surmonté d’une toiture végétalisée fournissant une nature utile et une agriculture pédagogique. En fond de parcelle, des bureaux bénéficient d’un accès direct à cette toiture végétalisé apaisante, qui répond à un projet paysager plus vaste.
Fournir un service aux usagers et au quartier
En socle, Racine se met au service des usagers et du quartier. En R-1 et en rez-de-jardin, un espace de restauration, des salles de réunion et des bureaux s’ouvrent sur le jardin. Les autres espaces de l’extension peuvent également accueillir du public et auront la capacité, à l’avenir, de s’adapter en fonction des besoins, à diverses configurations : accueil de formations, showroom ou encore commerce utile aux riverains.
Au sein des étages courants, abritant les collaborateurs de l’Opco EP, les bureaux ont été conçus pour répondre, dans le temps, aux besoins exprimés. D’une destination tertiaire, les plateaux peuvent aisément se muer en destination hôtelière ou de coliving.
Une fois arrivés au sein de la nouvelle coiffe de la tour de verre, de bois et d’acier, les usagers du bâtiment peuvent profiter de la production et des bienfaits d’une serre agricole bioclimatique ou d’un café avec vue panoramique sur le paysage parisien.
Adapté aux besoins urbains changeants pour lui permettre de se régénérer facilement sur lui-même, Racine s’érige également comme un phare au service du rayonnement du 12e arrondissement.
Relever le défi technique d’un chantier hors norme
Si le nouvel élan donné à l’ancien siège de l’Office National des Forêts paraît fluide, il ne s’est pas moins révélé un beau challenge technique. Pour y répondre, l’entreprise Fayat Bâtiment a eu l’intelligence de mobiliser toutes les expertises de son groupe afin de répondre à la technicité par les savoir-faire et l’ingéniosité collectifs. Le chantier a ainsi mobilisé les dernières technologies comme des expertises plus artisanales pour parvenir à un esthétisme indiscutable et à l’atteinte des plus grandes performances énergétiques possibles.
Redonner place à la nature
Fait rarissime à Paris, Racine constitue un bâtiment seul sur sa parcelle, à l’intersection de deux rues passantes, entouré d’un jardin ne demandant, au lancement du projet, qu’à être amélioré. Cette pointe verte au sein d’un environnement assez minéral bénéficie de la présence de nombreux arbres. Aucun doute n’est alors possible pour l’équipe sur l’absolue nécessité de préserver les grands sujets situés en proue de parcelle ou en bordure de la rue de Picpus.
Fruit d’une approche architecturale organique, les cercles paysagers travaillés finement pour mener au patio principal ont malheureusement été aménagés sur dalle, dans leur grande majorité. Menée par l’envie de conjuguer la notion de culture dans tous les sens du terme, l’équipe opte donc pour une stratégie de renaturation approfondie. Liants du projet, nature et culture imprègnent ainsi l’ensemble comme un fil rouge.
Renaturer les espaces
Concourant à la qualité de vie du quartier, le jardin de la tour a fait l’objet de toutes les attentions.
La plus grande des profondeurs visuelles a été recherchée afin de s’assurer que cette respiration en ville puisse bénéficier à tous, que ce soit pour son caractère apaisant ou sa capacité à lutter contre les îlots de chaleur urbaine.
Une approche globale de renaturation est menée, en collaboration avec Payet et Topager, afin de renforcer les strates végétales diversifiées comme la place des arbres en milieu urbain, ou encore pour favoriser le retour de la biodiversité en ville.
Arbres et arbustes n’ayant pu être conservés sont remplacés par des espèces indigènes du Bassin parisien, choisies pour leur résilience et leur contribution à la biodiversité. L’inclinaison de la rampe de parking initiale est ajustée de sorte qu’elle n’aboutisse plus au niveau du jardin. En rez-de-chaussée, le jardin en pente menant au patio est agrandi et retravaillé amenant lumière et paysage apaisant aux espaces du R-1.
L’extension du bâti en écharpe a également été traitée dans la continuité de cette démarche. Sa toiture abrite désormais un large espace végétalisé qui, dans sa majeure partie, sera dévolu à la culture maraîchère.
Investir le ciel
Coiffant le bâtiment, une serre bioclimatique, pensée comme un jardin d’hiver, apporte un nouvel élan vers le ciel, comme un regain de poésie. La nouvelle couronne de l’immeuble vient compléter la toiture végétale de l’écharpe du bâtiment au sol et accueille une agriculture urbaine pédagogique associée à un café, tous deux ouverts à l’ensemble des usagers du bâtiment. Comme un phare qui scintille dans la ville, ce nouvel espace, tout en transparence, ouvre une vue panoramique sur Paris et s’illustre en nouveau repère de l’est parisien. La nouvelle lanterne arborée devient une sorte de belvédère où il fait bon s’accorder une pause ou se ressourcer.
L’enveloppe de cette serre, inspirée de la forme d’un coquillage ou d’un escargot, reprend le vocabulaire de l’architecture organique. Rappelant une peau en écailles, ses panneaux de verre en quinconce contribuent à la performance de la surélévation. Ils constituent les éléments d’un système de ventilation naturelle « à la Jean Prouvé », permettant de venir rafraîchir ou réchauffer les espaces quand cela s’avère nécessaire. Des stores intérieurs sont également activables pour une occultation provisoire en fonction des besoins en lumière ou en ombrage. Frugale en énergie, la coiffe de l’immeuble est également dotée d’un dispositif de récupération des eaux de pluie.
Prendre part à son quartier
Que ce soit à travers le réinvestissement des sous-sols et l’ouverture du socle du bâtiment vers le sol, la renaturation des sols et l’aménagement des jardins, l’élévation permettant un nouveau repère urbain, ou encore le travail de visibilisation de la façade alvéolée de la tour, l’équipe de Racine a suivi un seul et même fil conducteur : l’envie de faire corps avec le quartier.
Le projet a été conçu pour ses usagers et les habitants du quartier dans une démarche d’échanges permanents avec la ville de Paris, les Architectes des Bâtiments de France, la Commission du Vieux Paris, les pompiers. Il s’agissait de livrer un bâtiment portant l’héritage de son passé et la réponse aux besoins du quartier, aux défis de la ville de demain, qu’ils soient sociaux, culturels ou environnementaux.
Cette volonté de s’inscrire dans la vie du 12e arrondissement a été poussée jusqu’à l’aménagement paysager et la rétrocession temporaire à la ville de Paris, de la pointe de la parcelle, à l’intersection de la rue de Picpus et de l’avenue Saint-Mandé, afin d’offrir aux riverains ou aux personnes de passage un nouvel espace vert où faire une pause.
Valoriser un patrimoine en lui permettant la plus grande longévité
Réhabiliter Racine signifiait, pour toute l’équipe, valoriser un patrimoine exceptionnel, une architecture alvéolée cinquantenaire disposant de fondamentaux à révéler pour rayonner de nouveau. Après 45 ans au service du même occupant, la tour Racine devait faire une pause pour reprendre son souffle. Il s’agissait pour l’équipe de mener un travail de fond dans le plus grand respect de l’identité du bâtiment, de son passé, pour lui permettre de traverser les 50 prochaines années sans encombre et avec panache.
« Il s’agit d’un bâti iconiqueimaginé dans les années 1970 par Thieulin et de Vigan dans une architecture organique très inspirante. Fait assez rare, ce bâtiment n’a connu qu’un seul et même occupant depuis sa création : l’Office National des Forêts. »
Maud Caubet, fondatrice, Maud Caubet Architectes
« La singularité de l’objet lui-même nous a intéressés. Edifiée sur ce terrain d’angle, la tour Racine fait partie des raretés parisiennes d’un immeuble seul sur sa parcelle, entouré d’un jardin qui ne demandait qu’à être amélioré. Cette tour cylindrique des années 1970 était assez emblématique par son architecture également. »
Rémy Bourgeon, Président, Alderan
Révéler un patrimoine extraordinaire
Conçue en 1976 sous le crayon du cabinet Thieulin et de Vigan, la silhouette de morille en béton préfabriqué a fait de la tour un élément reconnaissable du 12e arrondissement de Paris et une icône du courant architectural organique. Sa restructuration appelait ainsi au plus grand respect et aux plus grands soins.
L’équipe a alors mené un travail itératif avec les Architectes des Bâtiments de France, la Commission du Vieux Paris, consultés aux différentes phases du projet, afin d’ouvrir les possibles d’une tour vieillissante tout en soignant ses principales qualités.
La silhouette alvéolée de l’immeuble devait être conservée. Si l’écharpe créée par Maud Caubet Architectes, afin d’ouvrir les socles à de nouveaux usages, s’enroule du sous-sol à la surface autour du bâti, elle devait s’éloigner quelque peu de sa base afin de conserver l’aspect visuel d’une taille de guêpe. Aucune isolation ne pouvait être réalisée par l’extérieur sous peine de brouiller le langage visuel du bâti.
Conserver les atouts du déjà-là
Pour Maud Caubet Architectes, la ville d’aujourd’hui et de demain se construit en utilisant le déjà-là. L’agence limite au maximum l’utilisation de matières nouvelles dans la rénovation des bâtiments grâce au réemploi, en tenant compte des enjeux de structure existants, sur le long terme.
La tour a été tout entière réemployée et s’est parée d’une écharpe qui s’enroule autour du bâtiment principal sans pour autant le cacher. Elle a réinvesti ses propres sous-sols pour les transformer en espaces nobles et utiles, bénéficiant désormais de la lumière du jour.
Les panneaux de béton composant la façade atypique de Racine ont été nettoyés et traités contre les épaufrures, la carbonation, la corrosion au fer dont ils faisaient l’objet. Il s’agissait de réparer, en améliorant pour longtemps.
À ce gigantesque réemploi immobilier in situ s’est ajouté le réemploi ex situ de nombreux matériaux et éléments techniques dans une démarche de limitation des déchets et de valorisation des matériaux. Éviers, carrelages et même la magnifique décoration intérieure de l’Office National des Forêts constituée de murs en bois cintré ont été réutilisés au sein d’autres projets. Une cabane en bois présente sur le site a trouvé un nouvel usage en local d’accueil. Au total, quatre tonnes de bois collectées sur le chantier ont été réutilisées, notamment pour la création de mobilier design ou d’agencements.
Optimiser les possibles pour traverser les modes et les années
Respecter et valoriser le patrimoine unique de la tour Racine signifiaient lui permettre de vivre les années à venir sereinement, sans importante intervention. Mis aux normes énergétiques et d’accessibilité, Racine a été pensé pour traverser les décennies et donc, pouvoir changer d’usages, au gré des besoins des utilisateurs et du quartier.
Une mise aux normes énergétiques
Afin d’atteindre et de dépasser les normes environnementales en vigueur, un travail minutieux a dû être mené. L’enveloppe bioclimatique du bâtiment patrimonial ne pouvant être réalisée par l’extérieur, une approche bioclimatique par inertie et isolation intérieure a été favorisée pour assurer un confort d’hiver et un confort d’été.
La façade en panneaux de béton préfabriqués a alors été nettoyée et traitée afin de traverser les années. Les 360 châssis pivotants existants ont été déposés et remplacés par des menuiseries en aluminium double vitrage en ouvrant caché, plus performantes en termes acoustiques, énergétiques, de lumière et d’étanchéité à l’air.
Les baies vitrées du socle et du patio ont par ailleurs laissé place à une façade vitrée toute hauteur en double vitrage retranscrivant fidèlement la forme originelle pensée par Thieulin et de Vigan.
Un doublage thermique par l’intérieur s’est ajouté au dispositif afin de réduire les besoins en chauffage et en refroidissement.
« Racine était, tout d’abord, un projet de restructuration très spécifique qui ne correspondait pas aux nombreux projets de bureaux plus haussmanniens que nous avons l’habitude de mener à Paris. Le bâtiment existant est vraiment unique, circulaire, s’élançant comme une proue au carrefour de deux axes importants. »
Edouard Degagny, Directeur Île-de-France, FAYAT Bâtiment
Construire pour longtemps
L’équipe de Maud Caubet Architectes a mené un travail méticuleux afin d’amener la lumière naturelle où que puissent se trouver les usagers des bâtiments, afin d’autoriser le bâtiment à vivre et à s’adapter en fonction des usages.
À chaque étage, Racine dévoile des alvéoles aux ambiances spécifiques qui interagissent les unes sur les autres. À la manière des cellules vivantes, elles ont la capacité d’évoluer. Ces micro-espaces de bureaux peuvent ainsi tour à tour devenir lieux de réunion, de réception, de production collaborative ou de bulles de concentration. Chaque étage peut se mouvoir encore plus radicalement pour de nouveaux usages, testé grâce à une préfiguration, et accueillir une activité hôtelière, des logements étudiants ou bien du coliving.
Offrir une accessibilité à tous les publics
Permettre tous les usages recouvrait également la nécessité d’offrir la plus grande des accessibilités à chacun des espaces. Le travail mené sur Racine a ainsi permis la résorption des seuils au niveau des entrées, l’accessibilité à tous les étages ou encore la réalisation de deux ascenseurs supplémentaires.
Conçu pour traverser les âges et les effets de mode, Racine élargit son potentiel comme il le partage et le partagera avec le plus grand nombre au fil des années.
Fiche technique :
Maîtrise d’ouvrage : Alderan Maîtrise d’œuvre (mission complète) : Maud Caubet Architectes Assistance maîtrise d’ouvrage : Etyo Partenaires : SCB (Economie de la construction), Arcora (Ingénieur façades), Structureo (Structure), ATEC SA Ingenierie (Fluides), Topager (exploitant agricole + serre), Payet (Ingénieur environnement et paysage), Clarity (Acoustique), CSD & Associés (Préventionnistes), BTP Consultants (Bureau de Contrôle) Directeur de projet architectes : Arnaud Housset Cheffe de projet etsuivi de chantier : Nina Maeno Équipe : Pauline Reysset, Nastasia Thiriet, Thomas Jacques Entreprises : Conseil sur les multi-usages : Silvano Pedretti Programme : Bureaux, agriculture urbaine, socle mixte ERP Surface : 5 825 m2 Entreprise de construction : Fayat Bâtiment
Par Annabelle Ledoux
Toutes les photos sont de Laurent Kronental
— Retrouvez l’article dans Archistorm 129 daté novembre – décembre 2024
Portrait d’agence | Loci Anima
ll y a quelques années, Loci Anima a élu domicile au pied de Montmartre. Ouverte sur une cour, l’agence d’architecture fondée par Françoise Raynaud se trouve dans un ancien garage réhabilité à la façade entièrement transparente. Le nom « Loci Anima », qui signifie « l’âme du lieu » en latin, incarne la philosophie humble de l’agence : chaque être vivant, objet ou élément naturel est porteur d’une énergie propre. L’architecture dépasse ainsi la simple construction de l’homme. Elle s’inscrit dans un écosystème global.
Depuis sa création en 2002, l’agence a construit sa philosophie animiste autour de la diversité de ses projets, que ce soit pour la transformation d’un cinéma ou la construction d’un gratte-ciel à New York. C’est auprès des chefs de projets et des architectes de l’agence que nous le découvrons.
Cette connexion forte qu’entretient la fondatrice avec l’environnement est présente depuis ses débuts. L’agence cherche à faire cohabiter faune, flore et humains, comme le montre le projet A4 EST à Boulogne-Billancourt, une école de la biodiversité. Influencée par son parcours en Asie, Françoise Raynaud prône une symbiose avec la nature, considérant les bâtiments comme des organismes vivants ayant besoin d’éléments essentiels tels que l’air, l’eau et la lumière. Tout programme, échelle de bâtiment et situation géographique comprend ainsi cette philosophie dans son ADN.
La culture, un secteur transversal
L’agence accorde une place centrale à la culture. « Les lieux culturels permettent de faire cohabiter divers programmes, ce qui rejoint notre vision holistique de l’architecture » souligne Alexandra du Couëdic, associée de l’agence. En explorant le domaine de la culture, le chef de projet Xavier Maunoury cherche à désacraliser ces espaces. Le cinéma La Géode, avec sa nouvelle scénographie spectaculaire, et l’ancien Théâtre de l’Ouest Parisien, à Boulogne-Billancourt, illustrent ce regard. Ce premier bâtiment européen inclusif porté par la fondation Perce-Neige et le collectif Culture & Handicap, est pluridisciplinaire, mêlant cinéma, art vivant et restauration, et employant près de 80 % personnes en situation de handicap. Dans la réinterprétation des lieux culturels, les cinémas soulèvent des questions de réhabilitations, de transformations. Le projet iconique de rénovation et extension de la Pagode, monument historique à Paris, met en lumière l’incroyable beauté de cette ancienne salle de bal. La restauration vise à redonner sa noblesse au bâtiment, offrant ainsi une expérience unique aux spectateurs.
Ces réflexions permettent de « contribuer à améliorer et prolonger ce qui existe tout en respectant le contexte historique », explique Christian Félix, chef de projet au sein de Loci Anima. La transformation du cinéma Gaumont Ambassade en boutique éphémère J.M. Weston, où l’on essaie des chaussures dans une salle de cinéma tout en préservant son ambiance, en est un parfait exemple. Dans une deuxième phase de mutation, l’installation du flagship Lacoste allie technologie et innovation et crée un espace culturel évolutif, qui intègre des solutions durables comme une vitrine pariétodynamique sur trois niveaux.
Réhabilitation et réutilisation : un défi contemporain
La réhabilitation est un enjeu majeur pour Loci Anima. Le secteur du
bâtiment produit près de 40 % des déchets et des émissions de gaz à effet de serre, tout en consommant 60 % des ressources. « L’architecte joue donc un rôle crucial », explique Marine Bichot, cheffe de projet. Cette approche axée sur l’économie des moyens et des matériaux stimule la créativité au sein de l’agence. La restructuration du centre commercial historique AUCHAN à Roncq a été conçue dans cette philosophie, réemployant 100 % des matériaux de la façade, sur site.
La présence sur le chantier est ainsi une étape essentielle. « C’est un travail d’orchestre entre différents corps de métiers, nécessitant communication et compréhension des expertises », explique Halima Temam, directrice des travaux. Mais Loci Anima va au-delà du simple suivi de la conception et de la réalisation. L’agence est réintervenue, près de dix ans après la réalisation d’un bâtiment, pour accompagner son évolution et intégrer les nouvelles façons de travailler.
La densité urbaine
Les immeubles de grande hauteur (IGH) font partie de l’ADN de Françoise Raynaud. Formée dans l’agence d’architecture de Jean Nouvel, elle participe au projet de la Tour sans fins (425 m de haut) en 1991, préfigurant l’émergence des Tiny Towers à New York. « La tour Keiko à Issy-les-Moulineaux, d’une hauteur plus raisonnable, est un IGHW de bureaux nouvelle génération qui est la pierre angulaire de la ZAC du Pont d’Issy où Loci Anima a construit trois tours de logements et un campus de bureaux pour AXA et Sefri-Cime », précise Aziz Ghanine, responsable du projet. Au sein de l’équipe Lab 3D de l’agence, Manabu Yamanouchi a ainsi intégré le BIM au projet de la tour Keiko ainsi qu’à de nombreux autres.
Les projets de l’agence se veulent bioclimatiques et symbiotiques. Comme nous l’explique Thomas Panconi, le projet de tour de logements multimodal à Strasbourg en est un modèle : chaque habitant peut bénéficier d’un jardin personnel à travers de grandes terrasses qui, sur la façade, semble s’enrouler d’étage en étage. Il s’agit d’une nouvelle façon d’habiter en hauteur de manière aussi bien individuelle que collective avec quatre jardins communs conçus autour d’une thématique, en fonction des usages et de l’orientation.
« Les enjeux bioclimatiques que relève ce type de projet sont cruciaux, et cela débute dès le plan de masse. En intégrant des principes environnementaux et climatiques, il est possible d’optimiser l’orientation, l’ensoleillement, la ventilation naturelle et l’isolation » avance Raphaël Fischler, en charge des concours chez Loci Anima. « Cette approche favorise le confort thermique, la performance énergétique et le bien-être des occupants, tout en réduisant l’empreinte carbone et en respectant l’environnement » renchérit Vincent Laplante.
Les questions autour de l’eau sont tout aussi importantes dans la conception des bâtiments. Depuis quelques années, Loci Anima explore également les questions du traitement de l’eau, en créant des bâtiments autonomes en eau via la phytorestauration (par les plantes). Des projets, comme celui des bureaux La Source des Batignolles et ses gouttières végétalisées qui permettaient de filtrer l’eau, illustrent cette démarche qui sera encore renforcée dans le dossier déposé pour le plan d’investissement France 2030. Ces initiatives s’inscrivent alors dans une réflexion plus large sur l’intégration de thématiques climatiques dans des projets internationaux.
Une vision à l’international
Dès ses débuts, l’agence a pris une dimension internationale et s’est renforcée avec la réalisation de la tour Greenwich à New York, comme nous le raconte Jonathan Thornhill, architecte associé et référent de l’agence à l’étranger. La structure urbaine de la ville a inspiré l’architecture de cette tour, avec une façade en brique à la trame répétitive qui se pixellise dans les sous-trames des fenêtres. Les grandes ouvertures des appartements captent la lumière et les reflets de l’Hudson, intégrant pleinement la philosophie de l’agence dans le contexte culturel local. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, cette vision s’exporte et réussit à s’implanter sur chaque projet. Aujourd’hui, Loci Anima développe un hôtel de 300 chambres à Varsovie pour le groupe ORBIS – ACCOR, dans un bâtiment en partie classé.
L’agence aspire à repousser les frontières de l’architecture en élaborant des bâtiments aux stratégies esthétiques, techniques et comportementales s’inspirant directement de l’observation de la nature et contribuant à améliorer, réparer, prolonger ce qui préexiste pour créer des cadres de vie à la hauteur de ce que la nature nous a offert.