Salon | Salon International du Patrimoine Culturel

Chaque année, le Salon International du Patrimoine Culturel, qui se tient au Carrousel du Louvre à Paris, rassemble des experts, artisans, et passionnés venus de toute l’Europe pour échanger autour de la préservation, la restauration, et la valorisation des monuments historiques et du patrimoine architectural. Cet événement de renommée internationale incarne une vitrine pour les savoir-faire d’exception, tout en permettant aux professionnels d’échanger autour des innovations et des bonnes pratiques de leur domaine.

L’édition 2024 met en lumière le thème de la « Transmission et Innovation », avec l’ambition de croiser héritage culturel et modernité. À une époque où les défis environnementaux et économiques bouleversent les pratiques, l’adoption de nouvelles technologies – qu’il s’agisse de la numérisation, des matériaux durables, ou de la modélisation en 3D – permet de réinventer la préservation du patrimoine. Les restaurateurs, architectes, ingénieurs, et spécialistes de la conservation, tout en gardant un œil sur la tradition, explorent de nouveaux matériaux et techniques afin de prolonger la vie des bâtiments anciens, tout en réduisant leur empreinte écologique.

Un autre point d’intérêt de cette édition est la mise en relation entre architecture contemporaine et patrimoine historique. À travers des expositions et des débats, le salon ouvre la discussion sur des projets où l’architecture contemporaine coexiste en harmonie avec les structures anciennes, créant des dialogues esthétiques et fonctionnels. Ce croisement entre le passé et le présent s’inscrit dans une démarche durable, permettant aux bâtiments historiques de rester vivants et utiles dans le contexte urbain d’aujourd’hui.

Le salon International du Patrimoine Culturel est un lieu de rencontres et d’inspirations pour les professionnels du secteur. Il contribue à faire rayonner l’architecture patrimoniale française et européenne sur la scène internationale. En réunissant innovation et savoir-faire traditionnel, cet événement offre aux visiteurs une expérience immersive, rappelant l’importance de préserver notre héritage architectural tout en l’adaptant aux enjeux contemporains.

Visuel à la une :  Salon International du Patrimoine Culturel 2023, © Claire Dem

Réalisation | Six Senses, Crans-Montana — AW²

L’architecture entretient un rapport singulier avec la montagne. Sur le plateau de Crans-Montana, en Valais dans les Alpes suisses, à 1 500 mètres d’altitude, dominant la vallée du Rhône et la ville de Sierre, en pleine lumière, il a été donné à AW² de s’y confronter. À l’issue d’une consultation gagnée avec l’opérateur hôtelier Six Senses, à l’instigation du maître d’ouvrage 1875 Finance de Genève, le sujet fut tout d’abord de réinterpréter un premier projet doté d’un permis de construire, dessiné et obtenu par l’architecte suisse Jean-Pierre Emery, aujourd’hui disparu.

Le programme avait toutes les caractéristiques d’un projet d’exception : une implantation à même les pistes – ski-in, ski-out –, une vue panoramique sur la vallée du Rhône et les sommets de 4 000 mètres parmi lesquels le
Cervin, le Weisshorn et le Mont-Blanc. Et surtout, ils avaient l’assurance avec Six Senses, après leur expérience commune à Con Dao au Vietnam, d’être suivis dans un projet ambitieux qui s’autoriserait à remettre en question les codes de l’architecture alpine.

Genèse d’un projet

L’amont d’un projet, ce sont les émotions et les rêves. On y apporte, finalement, sa vie, son parcours, son expérience d’architecte et d’homme ou de femme. Et très étrangement – c’est même la beauté de la chose – le projet apporte aussi son monde. Au-delà de l’excitation de la commande, du concours gagné, de la complexité du programme, de la rencontre avec le client, du génie du lieu, au-delà de tout cela, le projet apporte la promesse d’une parenthèse de vie, d’une certaine concentration, d’un accord secret, d’une harmonie particulière. Eh bien, quand on monte, en voiture ou en train, vers Montana, quand on quitte le calme paysage du lac après Lausanne, Vevey, Montreux, quand on commence à s’engouffrer dans la vallée du Rhône vers Martigny, Sion, Sierre, on ressent les émotions du héros de La Montagne magique de Thomas Mann, on sent que l’on s’aventure, progressant lentement dans un paysage dramatique et bouleversant, à la rencontre de « ceux d’en haut ».

La conception de l’architecture d’AW2 est essentiellement narrative. Elle ressort du langage, du récit, ce qu’ils ont nommé, dans un précédent ouvrage, les « Éléments ». Et comme toujours, ce langage, ces éléments se nourrissent du contexte au sens large, nature et culture prises ensemble, de la structure architectonique du paysage, toutes forces qui synthétisent et produisent l’architecture pour qui sait les capter. Dans le cas du Six Senses Crans-Montana, la disposition même du projet initial, posé directement à la jonction de deux pistes de ski, signifiait que le seul accès au complexe serait un tunnel menant au niveau le plus bas du bâtiment. Ce point de départ a construit toute la dynamique du projet. Creuser, façonner une caverne, cela veut dire revenir aux fondamentaux tectoniques, voire primitifs de l’architecture qui tire ainsi sa force de la minéralité, une sculpture creuse, une « nature inorganique » qui rivalise et dialogue avec la nature primordiale. Ainsi est née l’idée d’un voyage, commencé dans la vallée, qui prendrait un tour spectaculaire avec un passage dans les entrailles de la montagne avant de remonter progressivement vers la lumière, vers le paysage et vers les lointains sommets enneigés.

« Notre vision du luxe, que nous partageons avec Six Senses, est d’offrir l’expérience d’un lieu unique au monde avec des émotions et des sensations intenses et vraies, et surtout avec une relation authentique à ce lieu, à sa nature et à sa culture. Le voyage vers la lumière, c’est un trajet initiatique dans la montagne magique et dans ses trésors. »

Stéphanie Ledoux et Reda Amalou, Associés, AW2

L’arrivée

Les visiteurs du Six Senses Crans-Montana ont donc pour première expérience ce passage sous la montagne vers le dépose-minute qui constitue l’entrée du bâtiment. Ce vaste espace est revêtu de pierre, avec des inserts de lumière verticaux tout autour. Le plafond qui joue le rôle d’un dais souterrain est une structure en bois de peuplier, réalisée par l’ébéniste Steven Leprizé, créateur d’Arca. Cette résille reprend par ses lignes la structure cristalline de la roche que l’on trouve dans une grotte de montagne. Il s’agit d’une expression contemporaine de la grotte, de cette « nature inorganique » que l’agence cherche à créer. Une fois que l’on a pénétré dans le lobby du bâtiment, passant sous ce dais, de hauts panneaux ajourés et ouvragés en chêne, dont la géométrie s’inspire de la structure organique des branches et des aiguilles de pin, filtrent la lumière venue du haut et guident les visiteurs vers l’espace de réception. Il faut souligner la beauté des luminaires de l’artisan d’art M.A.Aston, créés pour l’occasion. Il s’agit d’un espace haut et minimal où des matériaux primordiaux et forts, la pierre et le bois, commencent à raconter l’histoire qui va suivre. L’intention était de créer à la fois un fort impact visuel et une émotion de l’arrivée, de façon à initier le récit du projet et à conditionner, ou acclimater, les nouveaux arrivants.

L’atmosphère est souterraine, mais sereine. L’impression tectonique, de forte minéralité de la pierre est contrebalancée par la douceur et la chaleur des résilles de bois qui ont été réalisées par André Wider, ébéniste à Montreux. Elles peuvent être légitimement considérées comme des œuvres d’art, au même titre que la banque d’accueil en pierre de Vals, œuvre du marbrier Blanc Carrare. La douceur de la lumière qui tombe des hauteurs du plafond, la sophistication des matières, le caractère filtré de toutes sensations relèvent d’une atmosphère amniotique, nutritive, protectrice et en même temps intrigante, légèrement énigmatique. Ici nous sommes littéralement dans la montagne magique. Nous captons sa puissance, son sourd rayonnement. Ici s’opère l’expérience Six Senses, le pas de côté par rapport au monde quotidien que peu à peu on oublie. La séquence inaugurale du voyage opère en définitive comme un sas qui amplifie les sensations et vous met au contact de la présence brute des choses, de leur poésie, de leur secret et sourd appel. Le tunnel fait écho à la carrière de la pierre de Vals – gneiss – dont parle le célèbre architecte suisse Peter Zumthor. Comme dans tous les puissants ouvrages d’art que l’on trouve dans les montagnes suisses, une certaine grandeur s’y exprime qui conditionne parfaitement les visiteurs à l’expérience qu’ils vont vivre. Le tunnel constitue la promesse de ce qui va suivre.

« Crans-Montana fut pour nous une opportunité unique. Nous avons pu réaliser un projet qui pose le luxe sur de nouvelles bases, et qui rebat les cartes de l’architecture alpine. »

Multi-Family Office, 1875 FINANCE

Les suites

Il y a un paradoxe vertueux de l’architecture : en un certain sens, plus on domestique la matière, plus on s’en rapproche. Le véritable luxe, c’est finalement une forme de dépouillement qui montre la matière dans sa vérité. Plus on est touché par le grain de la matière, plus elle nous parle et plus on trouve son sens : alors, on s’approche d’elle et on comprend son langage. C’est ce qui a été mis en pratique pour les suites, qui sont un premier aboutissement de ce voyage vers la lumière que les visiteurs de l’hôtel entament depuis la séquence d’arrivée. Les architectes voulaient donner l’impression d’arriver du froid dans une cabane dans la forêt, un endroit un peu miraculeux où l’on se sentirait au chaud et en sécurité, tout en restant en contact direct avec la nature. Ainsi, les chambres sont habillées de planches de bois brut, les murs sont recouverts d’un enduit minéral, réalisé par les Ateliers Gohard, dont la texture évoque et soutient l’habillage intégral, en grands éléments de pierre, des salles de bain par Blanc Carrare.

On retrouve cette impression de forte minéralité, d’anfractuosité providentielle, de logement architectural creusé dans la montagne même. Les fenêtres couvrent toute la largeur de la chambre, avec de vastes balcons privés offrant des vues sur les pistes de ski, la forêt, la vallée et les sommets. Les tons de la pièce ont été choisis pour renforcer l’idée de nature.

Les matières sont brutes, mais raffinées avec un travail sur leur texture même, le grain du cuir, le veinage de la pierre, le fil du bois, le relief et la brillance de la maille du tissu. Tout cela parle aux sens, et fabrique l’idée de luxe qu’AW2 et Six Senses veulent mettre en avant : éthique et naturel, qui relèvent de l’expérience brute des choses et qui procurent de la joie.

Le mobilier

AW2 a pour coutume de pousser le récit le plus loin possible, c’est-à-dire de faire aboutir le concept d’un projet à toutes les échelles, depuis l’intégration paysagère jusqu’au moindre détail du design.

Question de cohérence, que permet leur double qualification d’architectes et architectes d’intérieur. On pourrait aussi parler de direction artistique, ou de direction narrative : faire en sorte que le récit se diffuse partout dans le projet, que la partie s’assimile au tout. On peut voir cela dans leurs créations de mobilier. La chaise qu’ils ont dessinée pour les suites, dénommée « Auguste », en est l’exemple : structure robuste en chêne teinté, remplissage en corde de chanvre, assise et coussins en toile de jute, dossier en cuir vieilli, plaid en laine. Ce design émane de son environnement, il est raffiné dans sa rusticité et il est comme une réduction du projet, en lui-même il raconte aussi l’histoire.

« La vision de l’architecture durable d’AW2 est en phase avec l’engagement de Six Senses Crans-Montana envers la durabilité. La conception de Reda Amalou et Stéphanie Ledoux apporte non seulement une touche de contemporanéité à l’ambiance des chalets, mais intègre aussi, de manière transparente, des éléments respectueux de l’environnement. »

Christian Gurtner, General Manager, Six Senses

La piscine intérieure

AW2 aime concevoir les hôtels, et particulièrement ceux de Six Senses, avec une structure narrative claire, qui procure une sensation unique, un détachement onirique de la réalité qui est leur marque de fabrique. Les architectes limitent la gamme de matériaux utilisés, créent des variations sur le même thème et établissent une continuité dans le design. C’est ce qui définit l’identité de leurs projets. Cependant, ils aiment jouer avec l’idée de destination dans la destination, ou de voyage dans le voyage. Ainsi, chaque espace est conçu dans la continuité narrative du projet, mais il raconte aussi son histoire propre. Cela est particulièrement vrai pour la piscine intérieure. Si les détails et les matériaux sont les mêmes que pour le reste du projet, l’espace a été pensé comme un plan d’eau dans une grotte de montagne. Les murs et les sols en pierre contrastent avec le plafond sculpté en bois, constitué d’une multitude de tasseaux suspendus en peuplier, au nombre de 14 000, de section hexagonale, réalisés comme le dais de l’entrée par Arca. Le reflet des tasseaux dans l’eau de la piscine crée un jeu de lumière avec les rayons de soleil qui filtrent à travers les troncs des bouleaux du jardin. C’est un espace suspendu dans le temps, une cosmogonie où les saisons font partie de l’expérience avec leurs changements de couleur et de texture, du vert de l’été au blanc de l’hiver en passant par toutes les nuances des saisons et des demi-saisons.

Le spa

Le spa de Six Senses Crans-Montana est une partie essentielle du projet avec une surface de plus de 2 000 m2 au cœur du bâtiment. Lui aussi est une destination dans la destination, et il renoue avec la tradition des grands hôtels de santé des débuts de Montana. Les salles de soins imaginées comme des cabanes de montagne dans les bois, sont organisées autour du jardin alpin, les mettant en relation directe avec la végétation. Ces salles réalisées par l’ébéniste Wider, habillées de bois, aux angles légèrement arrondis, à l’éclairage tamisé et aux matériaux choisis pour leur douceur, procurent une sensation profonde, matricielle, comme d’être lové au cœur de la montagne pour en sentir la force et la paradoxale douceur.

L’espace des soins humides renforce cette sensation amniotique avec ses murs incurvés, son traitement minéral comme creusé dans la montagne, une sorte de grotte miraculeuse où l’on jouirait de l’eau dans tous ses états.

Le jardin alpin

Chaque fois qu’AW2 conçoit une destination, les architectes veulent mettre le visiteur au plus près de la nature. Au Six Senses Crans-Montana, les façades sont directement ouvertes sur les forêts et les vues environnantes. Le projet est une « machine de perception » comme ils aiment les concevoir, un dispositif qui ne sert pas juste à jouir du paysage, mais qui en fait partie intégrante et qui, en quelque sorte, l’explicite. Mais, comme l’emprise au sol du projet était très grande, davantage de surface de contact et d’échange avec la nature a être créée. Ils ont donc décidé d’insérer un grand jardin au cœur même du bâtiment, reprenant l’idée des premiers hôtels de la station en 1900. Il s’agit d’un vaste espace, entièrement paysagé avec des arbres et des plantes endémiques du Valais. Il est encadré par une superstructure en acier qui l’intègre à l’architecture. Cette structure met en scène la façade intérieure pour apporter la lumière aux pièces qui l’entourent, notamment le spa. Elle sert également de voie de circulation extérieure avec sa passerelle en bois suspendue qui rappelle le « bisse » local, un système traditionnel de chemins et de structure en bois que l’on trouve dans les montagnes et qui sert à irriguer les champs en contrebas. Cette passerelle permet de se promener dans la cime des arbres.

Les espaces communs

Les espaces communs sont la colonne vertébrale de leur concept, le vecteur de leur voyage vers la lumière. Ils relient la forte séquence d’entrée souterraine aux suites en passant par les différentes destinations, en jouant de la tension entre l’intérieur de la montagne et l’éblouissement du grand paysage de la vallée, des pistes, de la forêt et des sommets enneigés. Ils racontent l’histoire, avec des trajets et des stations. Cette histoire transversale est soutenue par le travail de Reda Amalou Design sur la sélection et le design de mobilier, et aussi sur le choix et la disposition des nombreuses œuvres d’art qui ponctuent le parcours. Enfin, les fondamentaux du design, telle la moquette sur mesure qui évoque dans son dessin et son tissage les névés, les moraines et toutes les variations du paysage alpin, contribuent à faire de la pratique de l’espace une expérience d’art total. L’architecture peut être un art à condition qu’elle possède un langage, un récit.

Les autres stations de ce parcours, tels le bar, les salons, la bibliothèque, le fumoir et le ski lounge, qui est un autre point d’orgue du projet, déclinent ces éléments et ce langage. On retrouve la pierre de Vals façonnée par Blanc Carrare pour le bar, les panneaux en bois ajourés, et la prescription de mobilier vintage par Reda Amalou Design qui apporte la chaleur, la sensualité de ses matières et ce bien-être immédiat, cette familiarité instantanée du corps et de l’esprit avec l’espace qui est ce qu’ils recherchent le plus dans leurs projets.

(…)

Fiche technique :

Maîtrise d’ouvrage : Six Senses, 1875 Finance, Edifea
Maîtrise d’œuvre : AW2 architecture & interiors, Paris ; JP Emery et Partners Architecture SA, Crans-Montana (Bâtiment 1) ; GBO Architecture SA, Crans-Montana (Bâtiment 2)
Entreprises (liste non exhaustive) : Arca (ébénisterie), Ateliers Gohard (finitions de matière et peintures décoratives), Blanc Carrare (marbrier), Edifea (conception et construction), Wider (aménagement), Sofic Cuir (cuir)
Surface : 28 000 m2
Budget : NC
Programme : Hôtel 5 étoiles & résidences

Texte : Jean-Philippe Doré

— Retrouvez l’intégralité de l’article dans archistorm 128 daté septembre – octobre 2024

Focus | Village artisanal Godard, Le Bouscat — Compagnie architecture

Le village artisanal Godard : réinvention d’un espace de vie et de travail

Le village artisanal Godard, conçu par l’agence Compagnie architecture pour Essor, incarne une nouvelle approche des zones artisanales en milieu urbain. Situé au Bouscat, près de Bordeaux, ce projet allie qualité urbaine, architecturale et paysagère pour créer un espace de production et de vie unique.

Une insertion urbaine harmonieuse

Le site du projet se trouve dans un quartier proche du centre-ville du Bouscat, sur une friche entourée d’une trame paysagère en contrebas d’une ancienne voie de chemin de fer devenue une voie verte. Celle-ci est empruntée par de nombreux cyclistes et piétons, et se trouve à proximité de deux stations de tramway accessibles en 10 à 15 minutes à pied.

Le quartier, déjà dynamique avec des jardins potagers, l’élevage de chèvres, un circuit de BMX et des jeux pour enfants, accueille ce nouveau projet qui enrichit la mixité d’usages. Les limites de la parcelle sont définies par des cheminements piétons et des lisières arborées, favorisant la transition avec les jardins familiaux environnants et créant une interface harmonieuse avec le voisinage.

Conception architecturale et fonctionnalité

Adossé à la voie verte et aux jardins ouvriers, le village artisanal s’insère dans une « clairière » définie par une lisière paysagère densément plantée, habitat du chardonneret, une espèce d’oiseau protégée. Un accès logistique en cœur de parcelle respecte les rayons de giration des camions. L’espace central, généreusement planté, s’anime au gré des mouvements de manutention, des flux de travailleurs et des visites. Il devient une place de village accueillante pour des événements publics tels que marchés artisanaux et brocantes.

Les bâtiments, implantés en cercle autour de la place centrale, sont conçus à l’échelle humaine et répondent aux besoins des artisans. Leurs volumétries simples optimisent l’espace et le fonctionnement intérieur, offrant flexibilité et adaptabilité. La conception réinvente la boîte métallique traditionnelle des zones industrielles, avec des matériaux comme l’aluminium brut et l’usage de la couleur pour créer une identité joyeuse et accueillante.

Adaptabilité et processus collaboratif

Le projet respecte une enveloppe budgétaire de 900 €/m² grâce à des systèmes constructifs optimisés, des portiques identiques et une structure en charpente métallique avec double peau industrielle. Ces choix réduisent les coûts d’exploitation et d’entretien, tout en privilégiant l’utilisation économique et écologique des matériaux.

L’évolutivité et la réversibilité des bâtiments sont favorisées, permettant une adaptabilité à divers usages futurs. Cette flexibilité se traduit par des dallages surestimés, de nombreuses ouvertures et des volumes offrant des possibilités d’évolution pour des aménagements futurs, évitant ainsi la démolition d’un bâtiment devenu inadapté.

Compagnie architecture a travaillé en étroite collaboration avec les artisans, organisant des visites et des ateliers pour comprendre leurs besoins et adapter le projet en conséquence. Ces échanges ont également exploré la mutualisation d’espaces et de fonctions, comme une salle de repos commune, un potager partagé et des espaces de stockage mutualisés.

Fiche technique :

Maîtrise d’ouvrage : SCCV Essor Le Bouscat
Maîtrise d’œuvre : Compagnie architecture
Surface : 3 990 m2
Budget : 3,5 M€ HT
Programme : Construction d’un village artisanal

Texte : La rédaction
Visuel à la une : © Maitetxu Etcheverria

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Patrimoine | Auguste Perret, maître à penser et à construire

Quelle place Auguste Perret (1874-1954) occupe-t-il dans l’histoire de l’architecture du XXe siècle ? Cette question a longtemps paru simple : dans leurs lectures téléologiques, les auteurs des grands récits modernistes lui ont en effet reconnu le rôle de précurseur pour ses premiers bâtiments en béton armé : l’immeuble du 25 bis rue Franklin (1903), le garage Ponthieu (1906) puis le théâtre des Champs-Élysées (1913) à Paris, enfin l’église Notre-Dame de Consolation au Raincy (1923), faisaient partie du panthéon d’un rationalisme certes classique, mais promettant une évolution inéluctable.

Le Perret des années 1930-1950, en revanche, aurait eu le tort d’abandonner le train d’une modernité désormais en marche, voire de la contemporanéité, pour ne plus apparaître que comme le défenseur d’un classicisme anachronique. On se souvient ainsi de la phrase de Leonardo Benevolo dans sa Storia dell’architettura moderna en 1960 : « Avec Perret le cycle de la culture académique française trouve une fin d’une incomparable dignité. » Une manière très élégante de justifier cette césure du milieu des années 1920 qui, en peu de temps, avait fait passer Perret de l’avant à l’arrière-garde. Déjà Henry-Russel Hitchcock, dans son article « The International Style Twenty Years After » (Architectural Record, août 1951), notait : « L’église de Perret au Raincy reste un exemple plus remarquable que la plupart des constructions à ossature de béton réalisées pendant la dernière décennie. Mais l’œuvre ultérieure de Perret semble moins hardie, à la fois sur le plan structural et d’un point de vue esthétique, et dans l’ensemble, il appartient au début du XXe siècle. »

Les années 1923-1928 marquent de fait un tournant, non pas tant dans sa propre carrière que dans l’histoire des avant-gardes et, par conséquent, dans la façon qu’eut Perret de se positionner par rapport à elles. Ainsi la présence croissante de Le Corbusier sur les scènes française et internationale le conduit-elle à cesser sa contribution à la revue L’Architecture vivante dirigée par Jean Badovici, dont il avait pourtant marqué de son empreinte les premiers numéros. Perret assumera et revendiquera toujours cette position, désormais en marge du Mouvement moderne, et ne cessera de plaider la supériorité de son approche rationaliste classique, méprisant les recherches spatiales de ceux qu’il nomme des « faiseurs de volumes ». L’histoire lui en tiendra longtemps rigueur. De nombreuses publications ont, depuis une trentaine d’années, contribué à réévaluer le rôle de Perret, à mettre en évidence les qualités constructives de ses bâtiments, l’originalité comme l’historicité (et non l’historicisme) de son invention d’un langage propre au béton armé, enfin l’étonnante cohérence de sa démarche – « l’une des plus obsessionnelles du XXe siècle », selon Joseph Abram, à qui l’on doit les premières études de fond sur le maître du « classicisme structurel » et l’école qu’il forma autour de sa doctrine.

Salle Cortot, Paris, 1927

Par-delà l’œuvre bâtie, on a également redécouvert une production théorique qui dépasse largement les aphorismes contenus dans son seul ouvrage, Contribution à une théorie de l’architecture, paru en 1952. C’est certes tardivement, à bientôt quarante ans, qu’Auguste Perret entre en écriture ; et ce d’une manière peu conventionnelle puisqu’il s’agit d’une lettre, signée A. G. Perret (soit Auguste et Gustave), adressée le 8 octobre 1913 au critique d’art Pascal Forthuny et publiée, par ce dernier, dans le second article qu’il consacre au théâtre des Champs-Élysées : les architectes-entrepreneurs y justifient la manière dont ils ont, en repensant le projet d’Henry Van de Velde par sa structure, refondu l’ensemble du projet, s’attribuant de ce fait la paternité du théâtre, avec notamment cette phrase célèbre : « Vous nous attribuez […] le parti des quatre groupes de deux points ou pylônes dans la salle. Eh bien, mais c’est fini, c’est jugé, tout le théâtre est là. » Perret ne se livre pourtant pas ici à une simple justification par l’écrit : la perspective axonométrique qui accompagne la lettre est non seulement l’un des plus remarquables dessins produits par l’agence Perret, mais aussi l’un de ses plus beaux textes… Car « l’architecte est un poète qui pense et parle en construction », dira fréquemment Perret. Et si tel est bien le cas, est-il alors besoin d’écrire, quand le verbe risque forcément de trahir le poteau et la poutre ? Perret s’est sans doute posé la question, lui qui aura davantage construit que les abbés de Cordemoy et Laugier, Jean-Nicolas-Louis Durand, Eugène Viollet-le-Duc et Julien Guadet réunis : deux siècles de théorie rationaliste française, plusieurs milliers de pages d’une littérature auxquels un matériau, le béton armé, va permettre de donner un nouveau sens et une actualité ; lesquels ne sauraient s’imposer sans pédagogie, sans une force de persuasion qui conduit l’architecte à répéter, inlassablement, les mêmes phrases clés (les siennes ou celles de Fénelon, Rémy de Gourmont ou André Gide), à s’atteler à quelques gros textes pour L’Encyclopédie française à la fin des années 1930.

(…)

Texte : Simon Texier
Visuel à la une : Église Saint-Joseph, Le Havre, 1954

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Entrée en matière | Back to work : les fournitures de bureau se réinventent

C’est un lieu où l’on passe une importante partie de sa semaine. L’espace de travail constitue un écosystème à part entière, qu’il soit inséré dans les bureaux d’une entreprise, ou intégré dans l’espace privé. Au fil des décennies, ses codes évoluent, et le confort prend une place de plus importante dans la conception des objets lui étant propres. Fauteuils ergonomiques, bureaux à hauteur ajustable, création d’îlots de travail en communauté pour redéfinir les codes de l’open space, les designers et créateurs rivalisent d’inventivité et d’ingénierie pour améliorer le quotidien au travail.

La Bud Chair de Fora Form

© Ida Bjørvik

Depuis des décennies, nous associons une esthétique unique à la chaise de bureau. Elle était souvent imposante, isolant le travailleur du reste de son environnement par son ergonomie. Pour les designers Skogstad and Wærnes, dans le cadre de leur collaboration avec la marque scandinave Fora Form, cette esthétique se devait d’évoluer pour servir une meilleure communication et améliorer les échanges entre les personnes. La Bud Chair rompt avec le vernaculaire du passé pour proposer une chaise au dossier abaissé et à l’esthétique allégée. Un travail sur la forme qui ne retire cependant rien au fond. En effet, les créateurs n’ont pas négligé la qualité de l’assise ainsi que l’ergonomie.

[www.foraform.no]


Eden Pods par Boss Design

© Keith Davies

La qualité de concentration dans un open space n’est pas toujours optimum. Pour parer à cette problématique, le studio britannique Boss Design a imaginé une cabine permettant de s’isoler pour un moment de travail et se distinguant par son calme. Si ces solutions existent sur le marché depuis de nombreuses années, ce projet se distingue par son design étudié dans ses moindres détails de manière à conférer à la cabine un caractère chaleureux. Vitrage non délimité, panneaux de bois aux propriétés acoustiques, toit recouvert de plantes et mobilier misant sur le confort invitent à une parenthèse de concentration loin du tumulte.

[www.bossdesign.com]


Le rangement modulaire selon String Furniture

Lors de la dernière édition des 3 Days of Design, le spécialiste du mobilier modulaire String Furniture présentait son nouveau système dédié aux espaces de bureau. Nommée Center Center, cette collection est une revisite du mobilier pensé par Form Us With Love, et se distingue par son infinie possibilité de personnalisations et ses nombreux accessoires. Placards, tiroirs, étagères et tablettes de travail s’organisent à volonté pour optimiser au mieux les petits comme les grands espaces. Un champ des possibles encore élargi par l’éventail de couleurs allant de l’orange solaire au vert sapin.

Visuel à la une

[www.stringfurniture.com]


La chaise Icon Chair par Marcello Ziliani pour Mara

© DR

Les salles de conférences font partie intégrante du quotidien de nombreuses personnes. Leur confort, mais aussi leur style, est alors arrivé au centre des préoccupations de Marcello Ziliani qui a réimaginé l’Icon Chair pour Mara. On retrouve son pied à cinq branches, avec ou sans roulettes, ainsi que ses formes originelles, mais Marcello Ziliani joue avant tout sur la matière. La nouvelle version de l’Icon est fabriquée en plastique polypropylène permettant une plus grande versatilité et la rendant également adaptée aux espaces extérieurs.

[www.marasrl.it]


La table Pluralis de Kasper Salto pour Fritz Hansen

© DR

La préoccupation du designer et de la marque emblématique se résume à un désir : s’assurer que dans une salle de conférence tout le monde puisse voir et être vu, sans jamais devoir être placé en retrait, et ainsi impacter négativement la dynamique de groupe. C’est de cette volonté qu’est née la table Pluralis. Fabriquée en fonction de la salle dans laquelle elle sera installée, sa géométrie varie entre le rectangle et le trapèze, s’adaptant aux nombres de personnes destinées à s’asseoir autour de celle-ci, ainsi qu’à la taille de l’espace qui l’accueillera.

[www.fritzhansen.com]


Q-Active Desk par Narbutas

© DR

Le concept de ce projet porté par Narbutas repose sur plusieurs axes. Dans un premier temps, l’ergonomie. Le Q-Active Desk s’adapte aux besoins de chacun en termes de positions de travail. Sa hauteur, réglable, permet de travailler assis ou debout. Dans un second temps, ce bureau prime par sa simplicité. Il a en effet été pensé pour pouvoir être monté facilement, en seulement neuf minutes, et démonté tout aussi rapidement. Autre avantage, les bureaux sont réalisés à partir de 20 % de matières recyclées, et 100 % recyclables pour un espace de travail aussi fonctionnel qu’écoresponsable.

[www.narbutas.fr]

Texte : Aurore De Granier
Visuel à la une : © Marcus Westerblom

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Structure | Les Ram’eaux, pavillon Archi-Folies de l’ENSA de Nancy, Paris 2024

Développé dans le cadre de la programmation artistique et pluridisciplinaire de l’Olympiade culturelle, portée par Paris 2024 en collaboration avec le ministère de la Culture, le projet Archi-Folies a mobilisé les écoles nationales supérieures d’architecture afin de concevoir et construire des pavillons éphémères, installés au sein du parc de La Villette durant la période des JO 2024.

Le pavillon Les Ram’eaux, conçu par les étudiants de l’école d’architecture de Nancy, a été créé pour promouvoir la discipline de l’aviron. Ce projet met en œuvre une construction en bois réalisée en collaboration avec des spécialistes du domaine dans la région Grand-Est.

À terme, le pavillon démontable et transportable a pour vocation d’être réutilisé au bénéfice d’une association lorraine de pratique de l’aviron.

Méthode de conception du pavillon

La conception du pavillon est le fruit d’un long processus ayant débuté en mars 2023 avec le lancement d’un concours d’idées, ouvert à toutes les promotions de l’école nationale supérieure  d’architecture de Nancy.

Plusieurs mois de développement ont été nécessaires à l’élaboration des détails techniques de la structure avant sa réalisation à l’échelle architecturale. Tout au long de l’année, une vingtaine de concepts ont ainsi été analysés par près de 40 étudiants en master, pour aboutir à ce dessin final, qui évoque la gestuelle de l’aviron à travers une structure réticulaire. Après un travail de formalisation par le dessin et le maquettage, une modélisation numérique paramétrique a permis de transcrire des formes non standards, mais à géométrie organique, pour le développement de la structure.

Représentation de la discipline de l’aviron

Pour porter ce sport à la connaissance des visiteurs, les volumes du pavillon illustrent la discipline de l’aviron à travers la déclinaison de formes telles que celles des palettes, des coques ou des dames de nage.

Le projet se déploie selon une structure réticulaire en bois qui convoque l’image de la gestuelle des rameurs, alors que la charpente exprime le séquençage des rames en mouvement. La forme du skiff est appliquée aux pieds des cinq poteaux qui supportent le treillis tridimensionnel en bois.

Les matériaux mobilisés sont pour l’essentiel du bois massif, du polycarbonate alvéolaire et de l’aluminium pour la couverture ainsi que de l’acier brut zingué et inoxydable pour les éléments de quincaillerie utilisés dans l’assemblage du plancher, de la couverture et du mobilier. Les intentions architecturales ont également consisté à créer une structure entièrement en bois, où la régularité du plancher contraste avec la disposition spatiale des nœuds et des barres qui forme le treillis tridimensionnel.

Complexité du dispositif structurel

Le projet vise à démontrer les possibilités de réalisations de structures à partir de composants architecturaux non standards en bois. Pour assurer la liaison entre les éléments, une méthode de stratoconception a été appliquée à la conception et à la fabrication des poutres qui relient le charpente, celle du plancher ainsi que pour celle des nœuds qui relient la structure réticulaire.

Le pavillon, délimité au sol par un socle en bois de 110 m², s’élève à une hauteur de 4,50 m. La structure est constituée de poutres calées sur le sol qui supportent les caissons du plancher et les stratopoutres dans lesquelles sont encastrés les poteaux qui soutiennent ensuite le treillis.  Ces poutres en bois lamellé-collé, pesant jusqu’à 700 kg pour la pièce principale, sont constituées d’un mètre cube de bois. Les cinq stratopoutres reposent sur des pieds métalliques réglables, posés sur des cales qui assurent l’ancrage de la structure dans le sol. La masse cumulée du plancher en chêne massif et des poutres permet ainsi de lester l’ouvrage.

Mesurant près de 60 centimètres d’envergure, les nœuds d’assemblage des barres du treillis permettent la bonne répartition des charges dans la charpente. Le volume de chaque nœud est subdivisé en strates constituées de panneaux de bouleau découpés à l’aide de fraiseuses à commandes numériques.

Une couverture translucide, réalisée de panneaux de polycarbonate alvéolaire, abrite l’espace. Pour filtrer la lumière zénithale, des panneaux perforés ont été réalisés à partir de chutes issues de la découpe des strates qui composent les nœuds.

L’espace intérieur est subdivisé selon la disposition des pieds des cinq poteaux, créant des zones distinctes, alors que l’absence de parois permet à l’air de circuler librement durant la période estivale, qui correspond précisément à celle de l’inauguration du pavillon.

Texte : Cléa Calderoni

— Retrouvez l’intégralité de l’article dans archistorm 128 daté septembre – octobre 2024