Extrait | Hors-série : Atelier Téqui Architectes

Le lexique de l’architecture n’est pas totalement immuable. À chaque décennie, son « bon » mot. Les années 2010 : « réinventer ». Les années 2020 : « transformer ». Entre ces deux verbes, la « frugalité » a trouvé un écho favorable – peut-être jusqu’à l’excès – auprès d’une profession autant que la « bienveillance » ou le « réemploi ». Cependant, sont-ce là des termes désormais inaudibles à force d’être répétés à l’envi ? Difficile toutefois de s’en passer… « Au début était le verbe », écrit-on volontiers en tête de quelque prologue. Alors que faire ? Les mots sont là pour dire les choses. Toutefois en sommes-nous certains ? S’agit-il d’un vernis sémantique ou d’une utile désignation ? L’agitation permanente des signifiants et des signifiés, plus encore excitée par un idéal de communication, laisse planer le doute.

Pour Louis Téqui, l’heure n’est pas à la critique. L’architecte observe son temps et prend soin de se détourner de tous ses réflexes rhétoriques. Son vocabulaire ne convoque ainsi aucun de ces concepts rendus valides par l’actualité des meilleurs discoureurs. Pour autant, il faudrait savoir parler d’une pratique. Mieux, la caractériser… et par conséquent lui trouver un ou plusieurs mots.

(…) Extrait de l’éditorial par Jean Philippe Hugron 

Louis Tequi, l’économie de la valorisation

Extraits de l’entretien

Pourquoi choisir le verbe « patiner » plutôt que « vieillir » ? Pourquoi ne pas souhaiter tout simplement que les projets vieillissent bien, par exemple ?

LT : Se patiner est une manière de vieillir. Je crois qu’une bonne architecture est celle qui après 10, 15, 20 ou 30 ans n’inspire aucun dégoût car elle vieillit bien. Mieux, parce qu’elle se patine. Parce qu’elle absorbe les affres du temps sans difficultés ni dysfonctionne­ments. Pour durer, un projet doit également rester ai­mable à l’égard de son environnement. Il doit toujours donner envie, bien des années après sa livraison.

Aussi, je me méfie de la mode, de l’effet waouh… peut-être même de l’art contemporain et de son goût immodéré pour les concepts. Ce dernier me semble réservé à une élite sachante tout en étant une affaire de spéculation. Je note, dans ces circonstances, une perte de sens, source d’une incompréhension collective. L’architecture contemporaine emprunte ce chemin depuis plusieurs décennies. Il faut pourtant faire attention à cela. Que ce soient la patine, la matérialité ou encore le caractère aimable d’un bâtiment, tous ces thèmes concourent au même objectif : la pérennité. L’art contemporain me semble davantage ancré aujourd’hui dans la consommation et l’éphémère…

Du « manque d’expression » à « l’archaïsme », comment abordez-vous la question esthétique sous-jacente à tout projet d’architecture ?

LT : Je formule la question différemment : comment faire aujourd’hui pour aller vers le dénuement ou le dépouil­lement sans tomber dans l’appauvrissement de l’archi­tecture ? Je ne souhaite pas aller vers le sommaire. Il nous faut développer l’ensemble des détails qui assurent la pérennité d’un ouvrage. Son « esthétique » est l’un des moyens de sa bonne compréhension et de sa par­faite appropriation. Avec le temps, cette dernière de­vient un « attachement ». Mon souhait le plus cher est que ceux qui vivent ou pratiquent les projets développés par l’agence s’y sentent profondément « attachés ».
(…)

Maison d’accueil rurale pour personnes âgées à Arc-et-Senans (25)

Dans les pas de Raymond Lopez

Extrait du projet présenté

À Paris comme à Berlin ! Déjà, l’Atelier Téqui, en oeuvrant sur la dalle du Front de Seine, dans le 15e arron-dissement, avait croisé la figure du maître moderne Raymond Lopez. Un peu plus tard, à Berlin, lors d’un voyage d’agence, avec en mire des regards le Hansaviertel, vaste ensemble résidentiel érigé à l’occa­sion de l’exposition Interbau 1957, un immeuble de Raymond Lopez avait éveillé l’intérêt. Sa récente res­tauration – même imparfaite – venait illustrer l’avantage d’une approche respectueuse de son travail. Jusqu’alors, la plupart des ensembles résidentiels qu’il a réalisés avant sa mort prématurée en 1966 ont souvent fait l’objet d’interventions médiocres dans les années 1990 ou spectaculaires au début des années 2000 : aussi remarquable soit-elle, la tour du Bois-le-Prêtre réin­ventée par Anne Lacaton, Jean-Philippe Vassal et Frédéric Druot à Paris, ne laisse plus rien voir de l’esthétique voulue par Raymond Lopez. Aussi, à Aubervilliers, au sein d’un ensemble conçu par Raymond Lopez, l’Atelier Téqui renoue avec l’archéo­logie. Parmi les découvertes réalisées in situ, la plus intéressante concerne… des pâtes de verre ! Sous les enduits ajoutés au fil du temps, l’agence a retrouvé un matériau noble décliné dans plusieurs coloris : du bleu au rose, en passant par le vert. L’isolation par l’extérieur attendue par le maître d’ouvrage devenait, dans ces circonstances, inenvisageable. (…)

Réhabilitation des 503 logements collectifs sociaux des 2 tours Union et des 2 tours Cités à Aubervilliers (93) | ©Jeudi Wang

Une association pour une architecture aimable

Extrait de l’entretien avec les associés

Depuis 2023, l’Atelier Louis Téqui réunit cinq asso­ciés. Une révolution ? « Une évolution », corrige Louis Téqui. Il en va de la reconnaissance du travail des uns et des autres, mais aussi d’une suite logique. L’agence est un outil dont le fonctionnement doit être garanti. En jeu ? Un désir de transversalité au ser­vice d’une architecture aimable. Explications avec Louis Téqui, François Julla, Solenne Plet-Servant, Tristan Gaboriau, et Christelle Fidèle Pelissier.(…)

Logements neufs

©Ivan Mathie

2024
40 logements collectifs
ICF Habitat Atlantique
Bordeaux (33)

Équipement

©Jean-Baptiste Thiriet

2024
Centre de recherche sur l’Autonomie
Ivry-sur-Seine (94)
Sorbonne Université | EPAURIF

Auteur : Jean-Philippe Hugron
Visuel à la une : Transformation d’un ancien garage en 63 logements à Paris (11e) © Schnepp Renou

Retrouvez l’intégralité du Hors Série sur Atelier Téqui Architectes encarté dans le numéro d’Archistorm 131 daté mars – avril 2025 et séparemment en kiosques

Structure | Pont de la Palombe, Bordeaux — Marc Mimram Architecture Ingénierie

Ouvrage d’art long de 200 mètres enjambant les 29 voies ferrées qui séparent les quartiers Amédée Saint-Germain et Armagnac, le pont de la Palombe est construit au sud de la gare Saint-Jean, à Bordeaux. Il s’érige au cœur d’un quartier empreint d’une histoire fortement liée à son activité ferroviaire.

En 1855, une gare provisoire est construite en face du cours Saint-Jean afin d’accueillir les trains de la ligne Bordeaux-Langon. La gare de Bordeaux Saint-Jean qui la remplace, construite sous la conduite du maître d’œuvre Marius Toudoire en 1899, voit le jour à une époque où le développement important des chemins de fer mène au besoin d’une gare plus vaste. Le projet s’inscrit dans le cadre d’un concours ouvert à l’échelle de l’ensemble des secteurs de la ZAC. Conçu par le groupe Artelia et l’équipe d’architecture Mimram, construit et posé par Bouygues Travaux Publics et le groupe Victor Buyck Steel Construction, le pont est inauguré à l’issue d’un chantier pharaonique. Ce viaduc faisant partie intégrante du programme d’aménagement Bordeaux Euratlantique atténue désormais la frontière physique créée par les voies ferrées.

Un quartier empreint d’histoire ferroviaire

Le pont de la Palombe s’érige au cœur d’un quartier empreint d’une histoire fortement liée à son activité ferroviaire. La verrière de 296 mètres recouvrant les quais sur une étendue de 12 700 m² en constitue le point de mire. La totalité du complexe est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1984.

Dans la continuité de la gare primitive, une passerelle ferroviaire franchissant la Garonne fut construite par la Compagnie générale des chemins de fer dès 1860. L’ouvrage de 509 mètres de long est supporté grâce à un système mis en place par les ingénieurs Stanislas de Laroche-
Tolay et Paul Régnault sous la direction de Gustave Eiffel. La passerelle est classée monument historique depuis 2010.

Enfin, l’ancien château d’eau des ateliers ferroviaires, construit par la Compagnie des chemins de fer du Midi, entre 1854 et 1857, à proximité de la rotonde d’entretien, était dédié à la réparation des locomotives à vapeur, puis plus tardivement, des autorails. Ce château d’eau servait également à alimenter les pompiers en eau, avant l’arrêt de son activité en 1994. L’édifice est laissé en friche jusqu’à son inscription au titre des monuments historiques en 2018. Cette construction, rebaptisée « Les citernes », revêt un caractère monumental avec ses quatre arcades en plein cintre surmontées de citernes culminant à 15 mètres de hauteur, trônant au centre du nouveau quartier Amédée Saint-Germain.

Dispositif pivot du projet urbain Bordeaux Euratlantique

Au cœur de cette aire ferroviaire historique, le nouveau viaduc structure le programme d’aménagement Bordeaux Euratlantique. Face à la nécessité d’harmonisation entre les différents projets de développement initiés dès les années 2000 dans le cadre du programme « Bordeaux 2030 », l’Établissement public d’aménagement de Bordeaux Euratlantique se voit confier la mise en œuvre du projet global. Il s’agit du plus important programme d’aménagement urbain engagé en France, établi sur 730 hectares et quatre secteurs géographiques : Saint-Jean Belcier, Garonne-Eiffel, Bègles-Faisceau, Bègles-Garonne.

Le franchissement du pont de la Palombe constitue un nouvel axe de circulation qui permet d’atténuer la frontière entre les zones situées de part et d’autre des voies ferrées. Le pont traverse les voies ferrées depuis la rue des Gamins, dans le quartier Saint-Jean Belcier, jusqu’à la nouvelle rue des Ateliers, dans le quartier Amédée Saint-Germain. Conçu comme un pivot et un outil de liaison, ce service urbain s’adresse au proche comme au lointain. Il prend part à l’harmonisation de la pratique quotidienne tout en s’insérant dans le grand paysage des voies de chemin de fer. Morcelé, inégalement densifié et excentré, ce secteur de l’agglomération est jusqu’alors caractérisé par une juxtaposition de quartiers. Le nouveau dispositif urbain, élément essentiel à la reconquête du secteur, répond à l’objectif d’amélioration des liens du maillage entre les quartiers, en premier lieu entre le domaine Amédée et le domaine Armagnac.

Esthétique et ingénierie d’un ouvrage d’art singulier

Le pont de la Palombe est accessible aux transports en commun comme aux cyclistes et aux piétons. Un espace accolé au viaduc permet la liaison piétonne entre le nouveau quartier Amédée et la gare. La partie centrale du viaduc longue de 150 mètres est prolongée par deux rampes d’accès de 195 mètres du côté Amédée Saint-Germain, et de 185 mètres côté Armagnac. Sur 100 mètres de virage, un prolongement de la piste a été construit en acier sur la structure en béton de la rampe Armagnac.

L’architecte Marc Mimram conçoit ce pont comme un espace public et objet signal de la ville et des territoires reconquis le long des voies de chemin de fer. Dessiné en trois parties avec la rampe courbe Armagnac, le franchissement principal et la rampe côté Amédée Saint-Germain, le pont est surmonté d’arches asymétriques réalisées par découpage numérique. Ce système de poutre en arc convoque l’image des voiles d’un bateau. Cette asymétrie transversale se veut d’ordre structurel, elle permet de distribuer les différents espaces de circulation. Les deux arches se distinguent par leur structure en dentelle d’acier et matérialisent une démarcation entre les circulations douces et les véhicules à moteur. Les voies de mobilités douces se voient ainsi séparées de la circulation par un élément de structure métallique très visuel.

L’architecture et ses matériaux font écho à l’histoire ferroviaire du site, principalement l’acier patinable utilisé pour le tablier.

D’un point de vue technique, le projet se compose d’un ouvrage de franchissement principal, en charpente métallique, de la rampe d’accès côté Amédée, puis des ouvrages de la rampe en béton armé et remblais accessible par le côté Armagnac. La structure est entièrement métallique, le béton étant utilisé pour les fondations profondes, les piles et rampes d’accès. Le franchissement principal se découpe en trois travées reposant sur deux piles pour une longueur totale de 200 mètres. Le gabarit au niveau des voies ferrées atteint les 6,50 mètres de hauteur. Le tablier positionné en dessous de la plateforme routière a été acheminé depuis la Belgique en une cinquantaine de tronçons assemblés et soudés sur le chantier. Il se dessine en un caisson à dalle orthotrope à inertie variable, complété en superstructure par deux poutres en treillis, dont l’inertie est nécessaire au fonctionnement statique du pont. Alors qu’à l’est, la culée creuse crée un espace accessible par un escalier, pouvant accueillir des activités, à l’autre extrémité, des piliers dentelés participent à l’insertion paysagère de l’ouvrage. Intégré au paysage, cet ouvrage d’art n’en demeure pas moins monumental. En plein cœur de ville, le pont surprend par son esthétique singulière. L’œuvre architecturale, par son dessin et ses lignes, est appelée à devenir le nouvel emblème du secteur.

Par Cléa Calderoni
Toutes les photographies sont de © Erieta Attali

— Retrouvez l’article dans Archistorm 131 daté mars – avril 2025

Réalisation | L’Embarcadère, Boulogne-sur-Mer — Clé Millet Architectes

Conçu par l’agence Clé Millet Architectes, le projet vise une double intégration : d’une part à l’échelle urbaine par une insertion dans un site entre deux communes ; d’autre part à l’échelle immédiate, par l’instauration d’un dialogue avec les infrastructures portuaires, l’éperon et le fleuve de la Liane.

L’équipement culturel et événementiel de L’Embarcadère, inauguré par l’agglo-
mération en septembre 2024, a été construit à proximité de l’ancienne gare maritime de Boulogne-sur-Mer, dans le site de l’Éperon alors en cours de requalification.

Cet équipement d’une superficie de 6 915 m2 se compose de deux salles de spectacle, reliées par un foyer central. Afin d’offrir une réponse adaptée à des usages culturels et événementiels variés, les deux salles modulables atteignent respectivement des capacités de 400 et 3 000 spectateurs.

Caractère du site portuaire

La vallée de la Liane ouvre sur la mer en séparant les agglomérations de Boulogne-sur-Mer et d’Outreau, et constitue un accès vers l’intérieur des terres. De chaque côté, des reliefs atteignant 100 mètres d’altitude marquent l’embouchure.

La proximité avec l’Angleterre a favorisé le développement d’une infrastructure portuaire importante dédiée au transport et au commerce. Celle-ci se compose d’ouvrages majeurs autour de la gare maritime tels que des appontements et rampes d’accès. L’échelle monumentale du site est soulignée par l’ampleur de l’île artificielle de 700 mètres de long, caractérisée par une architecture monolithique.

« Au cœur d’un lieu chargé d’histoire, le site renoue avec son patrimoine et l’ancienne gare maritime tout en projetant le quartier dans une nouvelle dynamique. L’architecture audacieuse de cet équipement, qui s’inscrit dans le cadre des anciens appontements, reflète notre volonté de valoriser l’identité du lieu en lui insufflant une nouvelle vie. »
— Frédéric Cuvillier, Président de la Communauté d’agglomération du Boulonnais, Maire de Boulogne-sur-Mer et ancien Ministre

Intégration et dialogue avec la gare maritime

L’Embarcadère, par ses dimensions imposantes, adopte un volume monolithique. Cette approche s’accorde à l’échelle contextuelle de la gare maritime. Le choix d’une architecture monobloc constitue une réponse adaptée à la grandeur du site et permet d’établir un dialogue avec les autres structures qui jalonnent le parcours le long de la Liane jusqu’à l’océan.

L’édifice établit donc un lien avec la gare maritime, non seulement dans ses références formelles, mais aussi par la conception de ses façades et circulations. La forme trapézoïdale de l’architecture prolonge les pentes caractéristiques des appontements du port puis les rampes qui conduisent aux balcons à partir du foyer convoquant l’image des passerelles d’embarquement.

Le foyer central a été élaboré à l’image d’une lanterne visible depuis les deux villes, sans entraver les vues environnantes. Ce volume transparent qui s’élève sur deux étages offre des perspectives sur le site et sur la mer.

Structure et procédé de mise en œuvre

La structure de l’édifice repose sur un système de fondations en pieux adapté pour s’aligner au maillage préexistant. Environ 190 pieux d’une profondeur variant entre 17 et 25 mètres assurent la stabilité du bâtiment.

Les façades sont constituées de panneaux préfabriqués en béton armaturé et matricé, superposés afin de former une enveloppe continue qui atteint des hauteurs de 12 à 22 mètres. Pour garantir une étanchéité optimale de cette peau en béton, une protection contre la porosité face aux vents chargés de sable et aux embruns salés a été ajoutée, et une isolation thermique et acoustique a été intégrée aux panneaux.

Les murs sont construits en voiles de béton d’une épaisseur de 40 centimètres. Le bâtiment se divise en trois parties distinctes reliées par des joints de dilatation. Cette disposition permet à chaque section d’être structurellement indépendante et de réduire les transmissions solidiennes entre les volumes. La toiture repose sur une charpente métallique légère afin de réduire le poids global des charges et d’intégrer un gril technique à l’usage des salles de spectacle. En sous-face, une nappe d’absorption acoustique a été installée pour répondre aux exigences de confort sonore.

Matérialité d’un ouvrage en béton

L’utilisation du béton répond donc à plusieurs exigences techniques et envi-
ronnementales. La matérialité du projet s’inscrit tout d’abord dans une continuité avec la rugosité brutaliste de la gare maritime et de ses portiques. Ensuite, sa portance s’adapte aux contraintes structurelles liées aux conditions marines. Enfin, il offre des performances élevées en termes d’isolation acoustique et de durabilité.

L’ouvrage repose sur une alternance marquée entre des surfaces pleines et vides qui dessinent un damier induit par la répartition intérieure de deux salles de spectacle de part et d’autre du foyer. Ce damier se distingue par une combinaison d’effets visuels : les surfaces opaques de béton matricé se mêlent aux panneaux de verre et aux éléments métalliques afin de créer une vibration optique sensible aux variations d’angles de vue ou de lumière.

Aménagements de l’équipement culturel

L’édifice peut accueillir simultanément 3 400 spectateurs tout en répondant aux exigences de sécurité, de circulation et de fonctionnalité.

Les circulations sont conçues dans l’objectif de dessiner un parcours fluide évitant les entrées et sorties répétées. L’entrée principale, orientée vers la Liane, est desservie par une zone de stationnement alors que l’accès logistique se situe à l’opposé.  La distribution intérieure répond aux impératifs d’isolation acoustique et de séparation des flux. Ainsi, les deux salles de spectacle sont indépendantes ; peuvent donc s’y tenir sans interférences sonores deux événements simultanés.

Les niveaux supérieurs sont réservés au public, le foyer articule les espaces intérieurs et extérieurs et relie les deux salles. Situé à 3,50 mètres au-dessus du sol, cet espace s’élève sur deux niveaux et accueille un bar, souligné par le décor d’un mur doré. Les étages logent également des salles de conférence et de réunion favorables à un usage du site en palais des congrès. Le rez-de-chaussée, dédié aux besoins techniques et fonctionnels des deux salles, abrite des loges mutualisées ainsi qu’une cafétéria des artistes. Un espace de livraison est aménagé avec un accès direct aux scènes.

Fonctionnalités et polyvalence

L’Embarcadère est conçu pour offrir une grande polyvalence et accueillir divers types d’événements : congrès, expositions, spectacles ou manifestations événementielles.

La grande salle, d’une superficie de 1 800 m², propose une capacité de 3 000 spectateurs en configuration assise/debout et de 1 500 à 2 000 en configuration assise. Sa conception modulaire permet d’adapter l’espace au nombre de spectateurs grâce à des rideaux de jauge qui peuvent isoler certaines parties de la salle. Le parterre peut également être divisé en deux sections de façon rapide. Le balcon bénéficie d’une acoustique optimisée, tandis que l’ensemble de la salle offre un confort visuel conforme aux normes cinématographiques du CTC. La salle de musiques actuelles, d’une capacité de 400 personnes debout et 250 assises, comprend une tribune télescopique, surplombée d’un balcon-régie fixe.

Enfin, à l’entrée extérieure du site, deux extrusions en forme de pyramidion dissimulent des escaliers de secours, qui, habillés d’une résille métallique, complètent l’esthétique architecturale du bâtiment tout en les affranchissant d’un système de désenfumage interne. Cet espace se veut également fonctionnel puisqu’il peut éventuellement accueillir une scène extérieure, les pyramidions servant de support technique pour des installations scéniques.

Entretien avec Stéphane Millet, Architecte DPLG – Scénographe – Ingénieur EPCM, Fondateur, Clé Millet Architectes

Comment votre équipe a-t-elle rejoint ce projet ?

Sur ce dossier, un premier appel d’offres de maîtrise d’œuvre avait été ouvert, qui n’avait pas abouti pour des raisons budgétaires. Par la suite, un second appel d’offres a été lancé selon le modèle « conception-réalisation », et nous avons constitué une équipe en collaboration avec Eiffage Construction, entreprise avec laquelle nous travaillions notamment sur le chantier de réhabilitation du palais de Chaillot, dans le 16e arrondissement de Paris.

Lors de la phase de conception du projet de Boulogne-sur-Mer, le dialogue au sein de l’équipe a permis de définir les grandes lignes du projet et de dégager un consensus en faveur d’un volume monolithique, de l’emploi du béton comme matériau principal, et d’une méthode de construction en préfabrication. D’autres aspects, comme la signalétique, l’éclairage extérieur et le traitement paysager, faisant initialement partie du marché, ont été in fine gérés par la communauté d’agglomération, tandis que l’équipement scénographique relevait d’une assistance à maîtrise d’ouvrage.

Entretien Anthony Vasseur, Directeur de travaux, Eiffage Construction Nord-Pas-de-Calais

Quelles ont été les difficultés techniques rencontrées et comment ont-elles été résolues ?

Grâce à un travail collaboratif entre tous les membres du groupement, le projet a été soigneusement préparé en phase de conception. Cette rigueur a permis d’assurer une exécution fluide du chantier, avec une vision claire et partagée des étapes décisives.

Sur le plan technique, plusieurs contraintes ont nécessité des adaptations spécifiques. Tout d’abord, comme le terrain de construction présentait un risque pyrotechnique en raison des bombardements subis durant la Seconde Guerre mondiale, des diagnostics approfondis ont été menés pour écarter tout danger.

Ensuite, le bâtiment repose au-dessus du Quai Napoléon construit en maçonnerie et en blocs rocheux massifs. Cet ouvrage historique devant être préservé, une solution technique a été mise en œuvre pour adapter les fondations de l’Embarcadère. Un système en poutre permet de franchir la structure existante large de 9 mètres sans l’endommager.

Enfin, la construction de l’édifice constituait un enjeu structurel. Les façades du bâtiment atteignant 22 mètres de hauteur, la stabilité de ces murs représentait un défi jusqu’à l’achèvement de la structure métallique de la toiture. Des solutions d’ingénierie ont été mises en place pour assurer la durabilité et la stabilité de l’ouvrage face aux intempéries durant toutes les phases de construction.

Fiche technique :

Maîtrise d’ouvrage : Communauté d’Agglomération du Boulonnais
Surface / Jauge : 6 915 m2 / 400 et 3 000 places
Missions : Marché de Conception – Construction – Exploitation
Équipe de Maîtrise d’Œuvre : Coast Architectes, Eiffage construction Nord Pas-de-Calais (Entreprise générale Mandataire)
Entreprises (liste non exhaustive) : Engie Cofely, Clé Millet, BETEM Île-de-France, JLL Ingénierie, PROJEX, Altia, Les Ateliers de l’Eclairage, Diagobat

Par Cléa Calderoni
Toutes les photos sont de : © David Coppieters

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Entretien | Jacques Ferrier et Pauline Marchetti, une architecture de la relation

Si leur agence est devenue une institution, impossible de les classer ou de les enfermer dans une case. Au gré d’une discussion passionnante, Jacques Ferrier et Pauline Marchetti révèlent leurs réflexions et savoir-faire, leur envie d’une ville dont l’intelligence ne se borne pas à la technique mais s’inscrit davantage dans une intelligence de la relation.

Votre agence considère la ville comme une possible contribution à l’équilibre écologique de la planète. Qu’entendez-vous par cela ?

Suite à la livraison du Pavillon France à l’Exposition universelle de Shanghai et à notre mission de conseil pour les gares du Grand Paris Express, nous avons beaucoup travaillé dans le cadre de la ville, voire de la très grande ville. Cela nous a menés à un constat : « la ville a créé le problème, la ville doit trouver la solution ». Si les villes sont la cause principale des problèmes climatiques, elles sont originellement vertueuses : elles occupent 2 à 3 % des surfaces habitables de la planète pour loger plus de 50 % de la population, et permettent ainsi de concilier l’accroissement extraordinaire de la population mondiale avec une consommation raisonnable du territoire.
De plus, l’omniprésence de l’infrastructure technologique, grande consommatrice de ressources, constitue un axe d’action prometteur pour rendre la ville plus désirable.

Votre agence, basée en France et en Chine, intervient sur des sujets très variés : bâtiments publics, institutionnels, culturels, industriels, projets de mobilités… Abordez-vous finalement chacun des sujets que vous traitez via une méthodologie commune ou une approche similaire ?

Nous assumons une vocation et un plaisir d’être touche-à-tout. Notre curiosité nous rapproche : c’est pourquoi nous enseignons, écrivons, et avons notamment créé en 2010 un studio de réflexion intégré à l’agence – Sensual City –, au sein duquel nous abordons des problématiques diverses qui nourrissent les projets. Nos recherches font l’objet de publications, de conférences et de communications dans des colloques ou journées d’études.

Cette démarche ne convient pas tout à fait au modèle économique actuel, mais il s’agit d’une approche à laquelle nous aspirons, celle que nous revendiquons : favoriser un mode de transversalité dans notre travail.

Il s’agit également d’une forme de résistance à une direction qu’est en train de prendre le marché immobilier, qui considère l’architecture comme un produit. Or, la qualité de l’espace ne peut pas être associée à l’idée de produit, qui abolit la pensée, la réflexion, l’innovation.

Pouvez-vous nous parler davantage de la démarche initiée avec Sensual City ?

Dans le cadre de nos réflexions, nous défendons l’idée qu’au-delà de ses performances environnementales essentielles, le futur de la ville réside aussi dans la relation qu’elle entretient avec ses habitants. Nous subissons une telle saturation et une technicisation tellement importante dans l’espace urbain aujourd’hui que la ville devient source d’anxiété. Le projet de la Ville Sensuelle réside dans l’établissement d’une relation sensorielle avec la ville : respirer de l’air pur, écouter des bruits de la ville plutôt que le vacarme des voitures, etc.  Aussi avons-nous regroupé sous le nom Sensual City toute notre activité de recherche. Il ne s’agit en aucun cas de nostalgie mais d’une prise au sérieux de nos sens, pour favoriser le passage d’une technologie écrasante, oppressante, à une technologie subtile, qui s’efface.

Existe-t-il, selon vous, une architecture idéale ?

Peut-être faut-il se dire qu’heureusement, elle n’existe pas ! La critique principale que nous faisons au modernisme est d’avoir sublimé le progrès : parce qu’elle est idéale, l’architecture moderne peut s’appliquer à toutes les situations, à toutes les cultures et à tous les pays. Les bâtiments dits « iconiques » continuent à parsemer le monde mais procèdent, en réalité, de cette vision d’une esthétique idéale, pouvant indifféremment être construite dans des villes comme Singapour, Paris ou New York. Nous pensons qu’il faut combattre cette idée d’une architecture idéale, conduisant fatalement à une triste monotonie.

Existe-t-il une figure de l’architecture que vous aimeriez saluer à travers cette interview ?

Le couple Charles et Ray Eames continue de nous inspirer.  Ce sont, précisément, des touche-à-tout. La Eames House représente notamment une inspiration formidable. La légende raconte qu’ils ont revu les dessins de leur maison lors de la livraison des poutres et poteaux sur le chantier : ils sont parvenus à réaliser un volume construit plus grand avec seulement une poutre supplémentaire. Nous aimons ce raisonnement qui ne limite pas la conception au plan, mais invite les décisions de conception à toutes les phases du projet. De formation design et beaux-arts, ils ne cochaient pas la case architectes !

Par Annabelle Ledoux
Visuel à la une : Îlot mixte Tour Lumière, Tours, Ferrier Marchetti Studio © Myr Muratet

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Dossier societal | Un nouveau souffle métropolitain : architecture et art au coeur du Grand Paris

La Métropole du Grand Paris, officiellement créée en 2016 après des années de concertation, ambitionne de rivaliser avec des mégapoles comme Londres ou New York. Ce projet, lancé en 2008 par Christian Blanc, incarne une nouvelle vision du territoire. Dans cet élan, le Grand Paris Express révolutionne la mobilité en connectant directement les pôles de vie des banlieues via un réseau de 68 gares conçues avec des artistes. Offrant davantage que l’infrastructure, ce projet intègre 500 œuvres d’art au cœur du quotidien des Franciliens. Les premières livraisons voient le jour.

L’inauguration, le 18 janvier dernier, de la station Villejuif-Gustave Roussy marque une nouvelle avancée dans la transformation des transports en Île-de-France. Située sur le prolongement sud de la ligne 14, entre Olympiades et Aéroport d’Orly, cette station représente un carrefour stratégique pour des millions de voyageurs. À quelques pas de l’Institut européen de recherche contre le cancer, qui lui donne son nom et qui génère 3 000 emplois, Villejuif-Gustave Roussy est appelée à jouer un rôle clé dans la mobilité régionale. Dès aujourd’hui, elle connecte les usagers à la ligne 14 et, dès 2026, elle sera également desservie par la ligne 15 Sud. Ce nœud de transports facilitera les trajets vers des sites stratégiques comme l’hôpital Gustave Roussy, l’aéroport d’Orly, le Marché d’Intérêt National de Rungis ou encore Châtelet. À terme, la station accueillera près de 100 000 voyageurs par jour, se positionnant ainsi comme la deuxième plus grande du réseau, juste après Saint-Denis Pleyel, inaugurée en juin dernier. Imaginée par l’architecte Dominique Perrault, la station Villejuif-Gustave Roussy se distingue par son audace architecturale et sa dimension artistique. Pensée comme un « connecteur entre le monde du dessous et celui du dessus », elle transcende la fonction classique d’une gare pour devenir un espace public d’exception. Sa toiture plissée, légère et transparente, semble flotter au-dessus d’un immense puits central habillé de résille métallique. Cette conception aérienne permet à la lumière et à l’air de circuler jusqu’aux quais, transformant chaque passage en une expérience à la fois fonctionnelle et esthétique. Descendre à 50 mètres de profondeur devient alors un véritable « voyage dans le voyage », avec des escalators et des escaliers monumentaux qui prolongent les dynamiques verticales de la ville en un espace spectaculaire, piranésien, taillé dans la chair du territoire. L’expérience sensorielle se prolonge grâce à l’artiste chilien Iván Navarro, dont l’œuvre, composée de 118 caissons lumineux et réfléchissants, rythme les plafonds des niveaux souterrains. Ces illusions d’optique, jouant sur la profondeur et les mouvements, transforment chaque instant en un moment poétique et immersif. Cette gare incarne le concept de « Groundscape » cher à Dominique Perrault et redéfinit la manière dont nous vivons et percevons les infrastructures de transport : elle connecte les usagers à une nouvelle vision du déplacement, où fonction et émotion se rencontrent.

Un bouleversement territorial

Considéré comme le plus grand chantier urbain d’Europe, le Grand Paris Express impressionne par des chiffres hors norme : 200 kilomètres de réseau composés de quatre nouvelles lignes de métro et de plusieurs extensions de lignes existantes. Ce projet gigantesque, représentant un investissement de 28 milliards d’euros, vise à révolutionner les déplacements en Île-de-France. Grâce à ses 68 gares, les trajets de banlieue à banlieue seront considérablement réduits, évitant le passage souvent contraignant par le réseau concentrique parisien. Les bénéfices de ce projet ne s’arrêtent pas là. Les aéroports d’Orly, de Roissy et du Bourget seront désormais accessibles en moins de 30 minutes grâce aux transports collectifs, reliant efficacement ces hubs stratégiques à toute la région. En parallèle, la construction des nouvelles lignes de métro automatiques aura un effet catalyseur sur les territoires desservis. Ces zones bénéficieront d’une restructuration urbaine majeure, accompagnée de la création de nouveaux quartiers, sur une superficie totale équivalente à une fois et demie celle de Paris intramuros. L’impact sur la mobilité et l’urbanisme sera colossal. À terme, la surface du réseau métro sera doublée, bouleversant le rapport entre la capitale et sa périphérie. L’actuel modèle centripète, où tout converge vers l’hypercentre, laissera place à une vision plus diffuse et connectée : celle d’une « ville archipel ». Ce bouleversement géographique, qui réorganise en profondeur les dynamiques territoriales, rappelle l’impact historique qu’avait eu le percement du premier réseau de métro souterrain il y a plus d’un siècle.

Une marque de fabrique

Dès ses débuts, le métro parisien illustrait une ambition unique : marier performance technique et expression artistique. En 1900, la Compagnie du chemin de fer Métropolitain de Paris (CMP), insatisfaite du manque d’originalité des projets proposés pour l’identité visuelle du métro, se tourne vers un jeune architecte novateur, Hector Guimard, fervent représentant de l’Art nouveau. Chargé d’imaginer une esthétique emblématique pour le réseau, Guimard transforme le métro en une œuvre d’art urbain. Il donne libre cours à son style « coup de fouet » pour concevoir les édicules, les entourages, la signalétique et les pavillons marquant les entrées des souterrains. À travers ces créations, Guimard imprime une triple signature inimitable : la sienne, celle du métropolitain et celle de Paris. Parmi les 167 ouvrages réalisés à l’époque, 88 ont été préservés. Ces structures, faites d’éléments en fonte moulurée, continuent aujourd’hui de symboliser l’identité visuelle du métro et d’ancrer l’Art nouveau dans le paysage parisien.

La question de l’ancrage local et du lien territorial est au cœur du projet du Grand Paris Express, nécessitant une approche subtile : « Outre notre ambition structurelle de transformation, nous avons l’ambition culturelle de construire un imaginaire commun », déclarait José-Manuel Gonçalvès, directeur artistique du GPE. Il ajoutait : « Dans les gares, les œuvres d’art seront sublimes, tant d’un point de vue créatif que dans leur relation avec le public ». En effet, ce projet hors norme ne se limite pas à transformer la mobilité urbaine : il redéfinit également le rôle de l’art dans l’espace public. Ce qui rend cette initiative exceptionnelle, au-delà de son ampleur et de son impact sur la ville, c’est son processus d’implication artistique unique. Les œuvres permanentes qui s’installeront dans les gares sont le fruit d’une collaboration étroite entre deux univers créatifs : architectes et artistes travaillent en tandem, dès les premières phases du projet. Ce mode de co-conception va bien au-delà du traditionnel « 1% artistique » souvent relégué à la touche finale des chantiers.

Future station de La Courneuve, ChartierDalix © Société des Grands Projets

Entre mémoire et renouveau

Les quartiers autour des gares du Grand Paris Express seront des lieux de rencontre entre héritages locaux et identités en devenir, des espaces où de nouvelles histoires s’écrivent tout en renouant avec le passé. C’est dans cet esprit qu’a été imaginée la future gare de La Courneuve, dont la livraison est prévue en 2026. Pour cette réalisation, le duo d’architectes ChartierDalix s’est associé à l’artiste Duy Anh Nhan Duc. Tous deux partagent cette ambition : retisser les liens entre la ville et la nature tout en réactivant la mémoire de ce territoire. Longtemps marquée par les infrastructures et l’industrialisation, La Courneuve regorge de potentiels inexploités. Ses grandes bâtisses industrielles, chargées d’histoire, offrent des opportunités de reconversion en institutions publiques. À seulement 300 mètres de la future gare se trouve le Parc Georges Valbon, l’un des plus vastes espaces verts d’Île-de-France. S’inspirant de ce passé et de cette proximité avec la nature, les architectes revisitent la voûte originelle du métro parisien en utilisant la brique, matériau emblématique de l’industrie locale, et imaginent une gare profondément ancrée dans son environnement.

La symbolique de cette gare se déploie dans son architecture : ses façades, colonisées par une végétation luxuriante, s’ouvrent sur une toiture qui accueille une forêt dense. Cette nature extérieure pénètre l’intérieur de la gare grâce à la vision poétique de Duy Anh Nhan Duc. Lui-même lié à ce lieu depuis l’enfance, où il explorait le Parc de La Courneuve, l’artiste a récolté une multitude de végétaux provenant du parc, choisis pour leur richesse formelle et leur capacité à inspirer la rêverie. Séchées et encapsulées dans des résines transparentes, ces plantes composent les parois de la gare souterraine, donnant l’impression que la nature flotte dans les airs et accompagne les voyageurs dans leur descente vers les quais. Au plafond, l’artiste a créé une installation unique en plaques de laiton, où s’entrelacent les lignes agrandies des mains d’usagers du parc. Ces empreintes, moulées et collectées auprès des habitants, forment une fresque collective symbolisant les histoires et les mémoires individuelles. Ce mariage entre végétal et humain, passé et présent, fait de la gare de La Courneuve un lieu de récit et de connexion profonde entre la ville, ses habitants et leur environnement.

Agora urbaine et vides sublimés

À Clichy-Montfermeil, l’architecte catalane Benedetta Tagliabue imagine une grande agora urbaine située sur la place du marché constituant le cœur vibrant du quartier. Au centre de son projet se déploie une nappe métallique légère et colorée, inspirée des textiles chatoyants qui reflètent la richesse et la diversité culturelle de ce territoire monde. Sous cet élégant abri – qui accueille la station (ouverture en 2026) – une fresque monumentale en grès cérame vient marquer les esprits. Elle est signée JR, artiste mondialement reconnu et enfant du quartier. Avec cette œuvre, JR revisite l’histoire de Clichy-Montfermeil à travers un montage de portraits de 850 habitants, pris en 2016. Ces visages, qui racontent la vie et les histoires des lieux, deviennent un miroir de la population locale, immortalisant l’âme de ce territoire pour les générations futures.

À la gare de Saint-Maur Créteil (ouverture en 2026), conçue par Cyril Trétout, la descente vers les quais devient une expérience saisissante. Un gigantesque escalier central, semblant flotter dans le vide, relie l’espace public au niveau des quais dans un mouvement spectaculaire et aérien. Cet espace, déjà impressionnant par son architecture, est sublimé par l’intervention de l’artiste Susanna Fritscher. Elle y intègre, sur toute la hauteur, des trames filaires fines et vibrantes, parfaitement intégrées à la logique du garde-corps. Ces fils captent la lumière avec finesse et offrent une expérience sensorielle unique, intensifiant la perception des déplacements dans ce grand volume vertigineux.

Et l’on pourrait évoquer encore la gare de Châtillon-Montrouge
(ouverture en 2026) par Périphériques architectes et avec l’artiste Laurent Grasso, où l’infrastructure se fait esthétique et sublime le moment du déplacement avec ses envolées d’escaliers, d’escalators et de passerelles traversantes. L’intervention artistique de Laurent Grasso est un ciel inspiré des tableaux de la Renaissance. L’une de ses peintures a été photographiée pour recomposer un fichier graphique. Celui-ci est appliqué sur les lames métalliques plissées formant un plafond de 800 m2 au-dessus du vide. Ainsi, quelle que soit la position du voyageur dans la gare, le ciel reconstitué l’accompagne vers la surface.

Une révolution urbaine et culturelle

Le Grand Paris Express s’affirme comme une œuvre collective où chaque station témoigne d’un dialogue étroit entre architecture, art et territoire. Sous-tendu par une attention constante aux contextes locaux et aux sensibilités des lieux, ce réseau constitue un projet unique en son genre. Une fois achevé, il offrira une expérience métropolitaine d’une richesse incomparable, où chaque gare se dévoilera comme une pièce maîtresse d’une vaste collection publique mêlant innovation urbaine et expression artistique. Paris, ville-monde dotée d’une influence économique, politique et culturelle majeure, ne pouvait ignorer l’importance de la culture dans cette transformation. Ce chantier monumental est porteur d’un défi de taille : tenir la promesse de faire coexister utilité publique et création artistique dans une harmonie qui transcende les contraintes techniques et budgétaires. Ce projet incarne un tournant pour la métropole, une opportunité de repenser les espaces publics et de redonner une place centrale à l’imaginaire collectif. Garder cette ambition intacte nécessitera un engagement sans faille pour que la culture, inscrite au cœur de cette initiative, continue de façonner un réseau où chaque passage, chaque lieu, devient une rencontre entre l’usager et une vision métropolitaine renouvelée.

Par Sophie Trelcat
Visuel à la une : Station Villejuif-Gustave Roussy, Dominique Perrault Architecture © Michel Denancé

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Histoire de marque | MODELEC, magnifier l’univers de l’appareillage électrique

Fabricant français d’appareillage électrique, MODELEC est devenue une société de référence dans son domaine d’expertise depuis sa création en 1976. Travaillant la matière brute pour aboutir à des solutions aussi pratiques que design, la maison française démontre par l’ampleur de son catalogue que l’appareillage électrique peut lui aussi être qualifié d’objet design à part entière. Portrait.

Depuis ses débuts, la marque MODELEC trouve son identité dans quatre valeurs majeures. La première est le travail de la matière. Dans son catalogue, la maison française offre un éventail de matériaux tendant à anoblir les différents appareils électriques, des prises de courant aux interrupteurs. Travaillant la matière brute, ses artisans créent chaque jour des objets alliant fonctionnalité et design. “Experts dans le choix des matières, nous travaillons des matériaux nobles tels que le laiton, l’aluminium et l’acier, ou encore le bois et la porcelaine. La conception de matériaux de caractère est également au cœur de notre métier, comme la résine Terrazzo et le Soft Touch. De l’usinage aux finitions, ces matières brutes sont façonnées directement dans la masse, de façon artisanale” confie la marque.

La deuxième valeur de la marque découle naturellement du choix de la matière : le design. Une esthétique épurée, des lignes nettes, qui viennent encore valoriser le laiton ou le bois. Un travail qui se met au service de la beauté des appareillages, mais également de leur fonctionnalité, le design s’adaptant aux besoins des différentes installations électriques. Des installations que MODELEC souhaite avant tout simplifier, à travers sa troisième grande valeur : la création de solutions intuitives et universelles. « Nous avons pensé à simplifier l’installation.

Nos produits prennent place dans des boîtiers d’encastrement standards et sont compatibles avec tous les protocoles domotiques existants. Pour réduire le délai de pose, les mécanismes sont disponibles rapidement et la façade, touche finale qui vient habiller les projets, est aimantée ».

Enfin, MODELEC se distingue par son offre de personnalisation, dernière valeur visant à apporter un caractère unique à chaque appareillage électrique. Dans ses ateliers de gravure, il est alors possible d’ajouter pictogrammes, textes ou illustrations aux différents éléments.

Quatre piliers qui se voient complétés par un attachement profond au made in France. C’est en effet dans son usine à taille humaine que la marque continue de produire ses créations, cherchant sans cesse à atteindre l’excellence en termes de qualité. Une recherche qui a abouti à la naissance d’un très large catalogue, continuant encore aujourd’hui son développement. Parmi les collections les plus récentes, nous retrouvons notamment la gamme Iris Horizon, caractérisée par le travail du métal et l’élégance de la forme. Des collections inédites, mais aussi de nouveaux produits, tels que les prises de sol Bubox pensées pour des installations en extérieur,  proposant un design alliant robustesse et élégance.

Une évolution de la marque qui se constate également par son développement au-delà des frontières françaises. En effet, MODELEC arrive sur le marché italien pour lequel la maison a imaginé une offre lui étant spécifiquement dédiée. Une histoire de valeurs et d’excellence qui continue de s’écrire.

Par Aurore De Granier
Visuel à la une :
Collection Iris Horizon, MODELEC© DR

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