CRÉATION

MÉTROPOLISATION

Mobilité, Mixité, Hauteur, Matérialité, Durabilité, Art contemporain. Le projet de Maison Édouard François (MEF) au sein du vaste projet des Rives du Bohrie porte en son ADN les mutations nécessaires à ce que se doit d’être désormais le vivre-ensemble au sein d’une ville nouvelle génération.

Comment imaginer, rêver, penser (panser ?) le futur de la ville et de l’urbanité ? Vaste sujet, surtout en cette période de crise sanitaire (Covid-19) qui nous oblige pourtant à revoir la copie de l’ensemble de nos modèles. Le mode dit « en silo » est-il encore utile ? La minéralisation à outrance, la volonté de dompter la nature — héritage du siècle des Lumières — sont-ils encore des sujets d’actualité ? Clairement, non. Le visionnaire urbaniste-artiste-architecte Édouard François est reconnu comme l’un des fers de lance de l’architecture verte en France. Depuis 1986, il n’a eu de cesse de porter des projets au sein desquels Homme et Nature vivent en harmonie. On se souvient de ses Gîtes ruraux (Jupilles), de L’immeuble qui pousse (Montpellier), de la Tower Flower (Paris) ou encore de l’Hôtel Barrière Le Fouquet’s (Paris). Des régions ont également pensé, voire anticipé, ces mutations fondamentales. Pour exemple, l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), en collaboration avec la Ville d’Ostwald, a mené depuis les années 2000 des études sur le secteur des Rives du Bohrie (à l’ouest de la commune d’Ostwald, délimité au nord par le ruisseau de l’Ostwaldergraben, à l’ouest par la voie ferrée Strasbourg-Bâle) en vue d’y réaliser un vaste nouveau quartier d’habitation. Ces études et les échanges lors de la concertation ont permis de faire émerger un projet ambitieux mettant en œuvre les piliers d’un nouveau vivre-ensemble et d’un développement très durable, où l’homme vit au sein de la nature et non la nature au sein de l’humanité. Pour preuve, sur les 50 ha du périmètre du projet, seuls 30 % seront « urbanisés », c’est dire ! Ce projet urbain se répartit en trois secteurs clairement identifiés : L’île, La ville à quai et Le quartier du Point d’Eau. Leurs enjeux particuliers ont conduit à définir des formes urbaines différentes pour plusieurs manières d’habiter ce nouvel espace (peut-on encore dire quartier ?), en tenant compte des contraintes liées à l’eau (étang, etc.). À chaque secteur correspond une attitude de projet, un programme d’habitation et d’équipement, ainsi qu’un autre rapport à l’eau et au paysage. Dans de telles circonstances, un tel projet se devait de rencontrer la vision artistico-architecturo-sociologique d’Édouard François. C’est chose faite via un appel à projets pour un bâtiment dit Signature. Si Vinci Immobilier a été désigné MOA de l’îlot D1 au sein du secteur La ville à quai en décembre 2017, c’est à l’issue d’un concours que Maison Édouard François a été désignée en juin 2018 pour construire cet îlot. L’architecte, passionné de cuisine, fin cuisinier lui-même, proche des chefs étoilés, cultive des sels IGP de Guérande entièrement naturels, produits et récoltés artisanalement, séchés par les vents et le soleil (Grand cru de Batz). Ainsi file-t-il la métaphore : « Aujourd’hui, tout est anorexique en architecture. Il n’y a pas de fusion, on ne fait que coller ensemble des choses qui n’ont pas de liant. Bien bouffer et bien construire, c’est un même combat. » Ce projet dans le projet sera donc goûteux, savoureux, épais, fusionné. « Ostwald, dans la dynamique de la métropole de Strasbourg, est en mouvement pour capter, fixer les énergies et attirer de nouveaux habitants. C’est la métropolisation : une nouvelle et grande aventure urbaine des villes de demain. Le grand défi de la génération écologie, pose Édouard François. L’enjeu est simple : croître à travers la modernisation, la création d’emplois, en attirant de nouveaux habitants. Notre projet répond à cette volonté forte de créer une nouvelle polarité dans le territoire le plus peuplé de la région Grand Est, en tissant des liens avec la métropole, son patrimoine architectural et culturel, comme une véritable alternative à l’architecture périurbaine passée, sans aucune référence ni appétence contextuelles ». Les trois bâtiments Signature de l’îlot D1 que propose MEF s’inscrivent dans une volonté forte de tisser des liens avec la métropole, son patrimoine architectural et culturel — une architecture contemporaine sans nostalgie qui puise dans le patrimoine culturel séculaire. Pour ce faire, Édouard François a fait appel à l’artiste protéiforme François Mangeol (Galerie Anouk Le Bourdiec, Paris), adepte de projets multifacettes et qui sollicite toujours les ressorts d’un imaginaire commun. Le langage est pour lui une source d’inspiration brute, inépuisable, dont il stratifie et articule le sens. Son travail se nourrit de références historiques, artistiques et littéraires diverses. Les mots, le texte y sont un matériau brut qu’il s’attache à mettre en forme. Aux Rives du Bohrie, l’artiste puise dans l’histoire alsacienne la notion de carambolage, la notion d’ossature, de colombages et d’interdépendance. Il mixe cela avec des mythes fondateurs alsaciens, en particulier la légende de la cigogne. L’artiste a ainsi travaillé la transcription du « poème de la cigogne » sur les façades, à l’aide d’un alphabet inspiré par les colombages. C’est par une étroite collaboration et un respect des savoir-faire mutuels avec la Maison Édouard François qu’ont été élaborées ces façades pour une parfaite intégration au projet. Somme toute… un futur archaïque.

PROGRAMME ÎLOT D1 : 80 LOGEMENTS EN ACCESSION
CLIENT : VINCI IMMOBILIER
ÉQUIPE : MAISON ÉDOUARD FRANÇOIS, FRANÇOIS MANGEOL ; INTERVENTION ARTISTIQUA, H.N. INGÉNIERIE (STRUCTURE), SEPT INGÉNIERIE (TCE)
SURFACE : 5 000 m² SDP
BUDGET : 6 M€
PHASE : APD
LIVRAISON : 2021
LOCALISATION : Ostwald (Bas-Rhin)

Texte : Yves Mirande
Visuel à une : Perspective du projet © Metrochrom

Retrouvez l’article dans le numéro daté Juillet-Aout d’Archistorm