Dans le monde du coronavirus, ce qui était habituellement soustrait à notre regard est réapparu brusquement dans notre champ de vision, bouleversant la dialectique visible-invisible à l’œuvre dans nos territoires. Ainsi, l’hôpital, bien souvent appréhendé comme un objet autonome à l’écart de la dynamique urbaine, est devenu le cœur vibrant de nos villes. Agglomérant toutes nos attentions et préoccupations, les établissements hospitaliers ont bel et bien révélé leur grande capacité d’adaptation face à une crise sans précédent. Le C.H.U. Henri Mondor de Créteil fait partie de ceux-là, et son projet d’extension « RBI » – pour « Réanimation, Bloc, Interventionnel » – imaginé et réalisé par l’agence d’architecture Brunet Saunier Architecture, le bureau d’études WSP et l’entreprise Rabot Dutilleul, en est la brillante illustration. Mis à disposition 6 mois avant la livraison initialement prévue, pour accueillir les malades souffrant de la Covid-19, le projet porté par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris a connu un dessein peu commun, digne d’être raconté.

Le blanc, le bleu, l’horizontalité… le bâtiment reprend le vocabulaire architectural de l’ensemble hospitalier existant.

Fruit d’un travail solidaire qui a permis son ouverture anticipée, le bâtiment RBI a démontré que l’hôpital était avant tout une architecture vivante, portée par l’engagement passionné de tous ses acteurs ; de ceux qui le conçoivent à ceux qui l’utilisent, en passant par ceux qui le font fonctionner. Renommé « Reine », en hommage à une cadre de l’AP-HP décédée de la Covid-19, l’édifice hospitalier est donc une œuvre collective qui réunit sous un même toit services de soins critiques et blocs chirurgicaux, le tout au profit de ses usagers, patients comme personnel soignant. Au-delà même de l’épisode Covid, il est un espace fonctionnel et rationnel qui ménage une place pour chaque fonction et un lieu pour chacun, et où le moindre geste est soin. Mais l’humain ne s’oppose pas à la technique, bien au contraire. S’il est un projet de femmes et d’hommes, le bâtiment Reine est également un savant outil de travail qui conjugue technologies médicales de pointe et systèmes logistiques performants, faisant de cet édifice un modèle d’innovation. Plateau technique ultra-moderne, le projet n’en est pas moins compact et économe, comme en témoigne la certification HQE obtenue pour toutes les phases (programme, conception, réalisation). Rendu possible par les médiums numériques actuels, ici, chaque geste architectural et technique est maîtrisé, et la sophistication est au service d’une architecture soucieuse de son environnement.

Équipement majeur et innovant, l’extension de l’Hôpital Henri Mondor offre aujourd’hui au centre hospitalier un nouveau bâtiment à la pointe de la technologie pouvant répondre aux besoins de prises en charge d’urgence et programmées. Auparavant éparpillés au sein du grand hôpital, les services de réanimation et de blocs opératoires se trouvent ainsi regroupés au sein de cette unique entité à la compacité avérée. Implanté sur la totalité de l’emprise allouée au projet, le bâtiment Reine abrite un plateau technique composé de 21 blocs opératoires et de 85 chambres de réanimation organisées autour de modules, totalisant une surface de près de 20 000 m². Pour rendre possible l’accueil de ce programme complexe, les concepteurs ont déployé une structure primaire poteaux-poutres ultra tramée s’étendant sur la totalité de la parcelle. Cette matrice régulière permet de rationnaliser au maximum l’espace, et d’accueillir sur 6 niveaux la diversité des fonctions attendues. À l’intérieur de celle-ci, toutes les configurations sont en théorie possibles, libre aux architectes d’imaginer la plus optimale pour créer un environnement de travail et de soins fonctionnel et agréable. Pour cela, le bâtiment s’organise en 3 strates superposées horizontalement : la base sur pilotis, surmontée de deux étages accueillant les blocs opératoires et les locaux techniques, couronnées par deux derniers niveaux abritant les soins critiques. Une répartition conçue pour se connecter aux services existants et libérer l’espace du rez-de-chaussée. En effet, si la surélévation du bâtiment répond en partie à une contrainte induite par le PPRI – l’établissement se trouve en zone inondable – elle facilite également les déplacements des ambulances et du personnel au niveau du sol. Connecté à son environnement en rez-de chaussée, le bâtiment Reine l’est aussi en étages. Un jeu de 4 passerelles prenant place sur deux de ses côtés l’amarre à la barre IGH et distribue, sur 3 niveaux, les flux en provenance des services existants. Assimilée à un plateau stratifié, la nouvelle extension organise la convergence des lieux de soins, des blocs opératoires, et des espaces techniques, le tout en continuité avec le reste de l’hôpital.

Situé en zone inondable, le bâtiment est décollé du sol par des pilotis, libérant ainsi l’espace du rez-de-chaussée pour la circulation des ambulances et du personnel.

« Nous avons cherché à investir le lieu sans le surcharger. Il nous semblait important de concevoir un bâtiment qui s’intègre le plus harmonieusement dans l’environnement bâti, sans réinventer le vocabulaire architectural du site. »
Michel Roux-Dorlut, architecte, Brunet Saunier Architecture

« Ce bâtiment est un concentré de salles techniques à risques, ce qui signifie un ratio de complexité au m² très élevé. »
Laurent Guyenot, chef de projet, WSP

L’entrée de lumière naturelle participe au confort des usagers

« Dans le cadre du projet, cinq chambres de réanimation permettent une gestion de la pression. Elles peuvent être mises en surpression lorsqu’elles sont occupées par un patient immunodéficient, ou en dépression dans le cas de la prise en charge d’un patient à maladie infectieuse. Les 80 autres chambres étaient initialement conçues pour être uniquement en surpression. Suite à l’arrivée de la Covid-19, l’AP-HP nous a demandé de mettre les chambres à pression neutre. Nous sommes donc réintervenus sur l’installation pour permettre un processus réversible de la pression de ces chambres. Aujourd’hui, ces 80 chambres peuvent donc être soit en légère dépression, soit en surpression. »
Clara Charriau, responsable d’affaire, ENGIE Axima

« Un des plus grands enjeux du chantier était de mener les travaux sans gêner l’activité du CHU Henri Mondor. Pour créer le minimum de perturbations, nous avons beaucoup échangé avec les différents services du centre hospitalier afin de comprendre finement leur fonctionnement et trouver des solutions adéquates. »
Romain Fillebeen, directeur technique et innovation, Rabot Dutilleul Construction

Croquis par Jérôme Brunet réalisés pour la phase concours

Fiche Technique :

Maître d’ouvrage : Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP)
Architecte mandataire : Brunet Saunier Architecture
Équipe : WSP (BET TCE), Us&Co (économiste de la construction), Sigma acoustique (acousticien), Casso et Associés (préventionniste), EODD (BET HQE), FL Conseil (consultant logistique), Golem (perspectivistes)
Entreprise : Rabot Dutilleuil Construction (mandataire)
Bardage : SMAC
CVC/Plomberie : ENGIE Axima
Bras chirurgicaux, Anesthésiste blocs, Eclairage opératoire : Dräger
Procédure : Conception-Réalisation
Programme : Bloc opératoire de 21 salles, salle de Surveillance Post-Interventionnelle (SSPI) et 85 lits de soins critiques connecté à l’IGH existant
Surface : 13 800 m²
Coût des travaux : 38 M € HT (valeur 2016)
Livraison : 2020

Texte : Amélie Pouzaint
Photos : Juan Jerez
Visuel à la une : Le bâtiment s’organise en trois strates superposées horizontalement : la base sur pilotis, les blocs opératoires et l’étage technique, et enfin les deux derniers niveaux accueillant les soins critiques.

— Retrouvez le focus sur l’extension du C.H.U. Henri Mondor, Bâtiment Reine par Brunet Saunier Architecture, dans Archistorm 114 daté mai – juin 2022