DOSSIER SOCIÉTAL
SOPHIE TRELCAT
Dans son acception la plus courante, le terme standard renvoie au carcan de la normalisation et à l’absence d’originalité formelle. Alors qu’à partir des années quatre-vingt-dix, avec le développement de logiciels de conception et de fabrication numériques, l’architecture s’était éparpillée dans un feu d’artifice de créativités désinhibées – dont Bilbao reste aujourd’hui le paradigme inégalé – la notion de standard paraît inappropriée. Pourtant loin de rejeter cette idée en bloc, une partie notoire de la production architecturale montre combien il y a tout intérêt à examiner les nouvelles marges de liberté à l’intérieur d’un jeu de contraintes.
Ré-envisager la notion de standard rend nécessaire d’élargir la réflexion à la fabrication des composants, à la logistique de leur distribution et à la rationalisation de la mise en œuvre. Abordant la thématique de manière prospective, au delà de la simple question de l’architecture numérique, l’exposition « Non-standard » présentée au Centre Pompidou de décembre 2003 à mars 2004, montrait qu’à la construction traditionnelle peut s’opposer une production par prototypage d’éléments préfabriqués de l’architecture. « La question ici posée étant de savoir comment la chaîne numérique, tout comme dans le domaine de l’édition, a changé toute l’économie de la production architecturale, de la conception à la réalisation », expliquait le synopsis de l’exposition.
A la production industrielle de masse se substitue une stratégie de spécialisation flexible comme étant un type de production supérieur pour certaines niches de marchés.
A cette interrogation s’accompagne celle sous-jacente de l’industrialisation de l’architecture. Un rapide retour sur l’aventure américaine fondatrice des Case Study House permet d’éclairer le rapport qui se joue entre les éléments standard et industriels, ainsi que leur usage et assemblage inventif.
Produire en masse
En 1945, John D. Entenza, rédacteur en chef de la revue californienne Arts & Architecture lançait le programme Case Study House. Il engageait les architectes à réaliser des maisons expérimentales en utilisant les méthodes de construction modernes – éléments standards commandés sur catalogue, livrés et assemblés sur place au moindre coût et ne nécessitant pas une mise en œuvre sophistiquée. Ce programme qui avait l’ambition de transformer durablement le cadre de vie domestique d’après-guerre – avec la post-war house – fit date sans faire école. En effet, la maison requérant sur une petite échelle des savoir-faire variés et imbriqués, opposait à la division du travail des résistances très fortes que la grande industrie se souciait peu de vaincre, surtout pour quelques prototypes dont le succès populaires fut loin d’être assuré. Le Case Study House Program n’étendra guère la rationalisation à la mise en œuvre elle-même. Même si l’industrialisation apparaissait clairement nécessaire, les structures étaient montées sur place et non en usine, Les toitures d’un Craig Ellwood ou d’un Raphael F. Soriano exigeaient un assemblage pièce par pièce de nombreuses pièces de bois. Ainsi, bien que loin de répondre aux idéaux qui présidaient à sa création – répondre aux problèmes du logement de masse – le programme reste un laboratoire d’expérimentation architecturale inédit.
texte : Sophie Trelcat
Visuel à la Une : Immeuble VDC, opération de six logements collectifs réalisés à partir du système de préfabrication modulaire Gomos, Vale de Cambra, Portugal, Summary architectes, Samuel Gonçalves ©Summary
Retrouvez l’intégralité du dossier sociétal de Sophie Trelcat au sein du numéro 98 d’Archistorm, daté septembre-octobre 2019 !