OEUVRE DE L’HOSPITALITÉ DU TRAVAIL

GERA ARCHITECTES

Entretien avec Claude-Yves Mazerand, architecte DE, GERA Architectes

Christophe Catsaros: Les bâtiments de l’OHT, avenue de Versailles, dans le 16e arrondissement de Paris, sont à présent opérationnels. Quelles ont été les grandes étapes de ce projet?

Claude-Yves Mazerand: Quand nous avons commencé à travailler sur le projet en mai 2009, très vite la solution d’une démolition – reconstruction s’est imposée à nous. En effet, les bâtiments existants, d’un faible intérêt patrimonial, était désuets et non fonctionnels. Ils ne correspondaient plus à l’évolution des conditions d’hébergement exigés d’un établissement de ce type. Par ailleurs, l’organisation des différentes composantes du programme qui comportait déjà des logements et un ESAT, était disparate. En quelques semaines nous avons fait une esquisse qui comportait déjà les grandes lignes du projet et fixait un programme qui n’a fait que s’affiner par la suite. Cette esquisse a été présentée en juillet 2009 aux tutelles, ( DASES et ARS ). Dès que cette proposition fut validée, nous avons commencé à travailler sur la mise au point, en nous efforçant de tenir la cap du parti pris initial adopté.

 

CC: Quel était ce parti pris?

CYM: Il s’articule en deux volets distincts: l’un relève de la nécessité, et l’autre de la volonté. Au coeur de cette grande parcelle de 3314m2, il y avait un beau jardin planté d’arbres séculaires. Respecter cet espace vert classé et répertorié comme EVIP, fut une des nombreuses contraintes qui ont conditionné le projet. Il s’agit là d’une nécessité, qui s’est transformée en principal atout du projet. Un EVIP, à Paris c’est sacré, et c’est très bien ainsi. Celui-ci avait une surface de 1400 m2 au PLU, que nous avons respecté scrupuleusement, allant même jusqu’à l’augmenter de 11m2, ce dont atteste le plan de géomètre.  Les arbres ont été répertoriés et la pleine terre a été restituée libre de tout sous sol, réseau ou équipement souterrain.

Ce jardin a été notre point de départ. On a essayé de tirer le meilleur profit de cette situation en déployant nos bâtiments tout autour ce cet espace sacralisé. Le bâti s’enroule autour du jardin, avec une seule exception: l’avenue de Versailles, où nous avons dû conserver la grille, dont l’histoire mérite le détour. Elle provient des invalides, D’ou elle avait été retirée en 1854. La présence ce bel élément de patrimoine récupéré a conditionné le traitement de la façade des deux têtes de bâtiment qui donnent sur l’avenue. Il faut s’imaginer ce qu’a été le chantier, entre la grue et les cantonnements, pour plus d’une centaines de personnes, placés entre les arbres. Des arbres qui faisaient par ailleurs l’objet d’un suivi rigoureux, pour s’assurer qu’ils tenaient le coup.

Aujourd’hui nous sommes rassurés de voir que tout est reparti et que le jardin est resplendissant.

Un peu comme les japonais qui construisent autour du vide, nous avons construit autour de ce jardin. Les volumétries des cinq bâtiments sont étroitement liées à cette contrainte, ainsi qu’à celle du PLU. Les volumétrie découlent aussi des prospects, des gabarits, des hauteurs de plafond ains que des héberges latérales, plus hautes côté rue qu’en coeur d’îlot. Tous les prospects et gabarits ont été tirés au maximum et les héberges habillées au plus juste. L’emprise en sol réduite et les exigence programmatiques en terme de superficie ne nous laissaient aucun choix.  A ces contraintes se sont ajoutées celles du PPRI ( La seine n’est pas loin ) qui nous a obligé de relever le Rez-de-chaussée de 1,20m. Cela a eu pour conséquence de devoir réduire les hauteurs de plafond. Nous entions coincés entre de rez-de-chaussée surélevé, les gabarits imposés et le nombre de niveaux requis.

Un autre point déterminant pour les grandes lignes du projet aura été la vision de Marie-Hélène Abeille, directrice de l’OHT, d’une organisation qui reprendrait celle d’un village, avec des hameaux et une place de village au centre. Le ton était donné. L’esprit du projet était là.  C’est une idée forte qui nous a accompagnée tout au long du projet. Le hall central fonctionne comme une place de village et les maisonnées organisées par étages en sont les hameaux.

Chaque hameau a des éléments distinctifs, qui vont de la forme globale des étages à leur couleur.

Nous avons essayé de varier l’apparence des couloirs et les circulations afin de constituer des ambiances différentes. Cela afin que les habitants n’éprouvent pas une perte de repères quand ils se trouvent à un autre étage que celui qu’ils habitent.

Nous somme proches de certaines conceptions de l’habitat coopératif, avec des lieux de vie individuels, identiques et plutôt standard, positionnés autour d’un espace partagé, un grand séjour cuisine ou les habitants vivent en collectivité. Ce sont là des choix très importants qui déterminent la qualité de vie dans l’ensemble. Pour chaque groupe de dix chambres il y a un lieu de vie partagé.

cc: L’ESAT et le foyer sont-ils la forme évoluée de l’hospice? La version actuelle d’un ancien lieu de relégation.

MAZ : Certes, mais il faut considérer le fait que tout cela a été construit sur un des terrains les plus chers de Paris! Nous sommes dans le 16 arr. Ce terrain, et le jardin dont il dispose faisait rêver les promoteurs. Il y avait la place pour faire près de100 appartements haut de gamme!

Finalement nous avons installer les plus fragiles d’entres nous, les plus démunis: 140 personnes déficientes mentales avenue de Versailles, sur un terrain de cette valeur, afin d’aménager pour eux et leur offrir ce qu’il y a de meilleur, avec les prestations les plus hautes. Tout cela ce sont nos institutions publiques qui le rendent possible, et l’idéal social et protecteur qui est encore la règle dans ce pays. Il y a de quoi en être fier. Je pense que cela honore aussi les commanditaires du projet, ainsi que les riverains qui n’ont pas opposé la moindre objection. On connait la réputation du 16e en matière de réaction à des projets sociaux.

Dès le départ, ils ont été consultés, rassurés sur l’avenir de l’espace vert, sur nos intentions aussi.  La ville de Paris a très tôt été impliqué également, avec des exigences et son propre cahier des charges: plan climat, sécurité des personnes, sans oublier la question du patrimoine avec les bâtiments de France, qui ont aussi dû donner un avis compte tenu de la présence dans l’environnement immédiat du projet de bâtiments art déco d’un grand intérêt patrimonial. On s’adosse par ailleurs sur un bâtiment de Jean Ginsberg. L’attitude des différents services qui ont donné leur avis a été dès le début favorable. Je pense qu’ils ont aussi été sensibles à un élément qui était très présent dans la commande: celui de ne pas faire un immeuble, mais plutôt un village dans un bâtiment.

Texte : Christophe Catsaros
Crédits photos : Florent Michel

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