RÉALISATION

PHILIPPE GAZEAU, ARCHITECTE & URBANISTE

 

Un des meilleurs spécialistes de l’architecture hospitalière, lui-même concepteur inspiré de multiples hôpitaux, Jérôme Brunet (de Brunet Saunier Architecture), vous le dira sans détour : un hôpital, avant toute chose, doit être un bloc de fonctionnalité. Pas question d’états d’âme, tout y est prioritairement pensé pour l’efficacité des circulations et des actes, depuis les urgences jusqu’aux séjours de longue durée en passant par l’accueil des malades et le confort professionnel des équipes médicales.

 

Philippe Gazeau, lorsqu’il prend en charge en 2003 le projet de restructuration de l’hôpital parisien Necker – Enfants malades, a bien en tête cet imperium avec lequel on ne transige pas : efficacité d’abord. Mais pour y ajouter aussitôt sa touche propre, dans ce but de réactiver l’espace urbain, en concevant un bâtiment signal et pivot à la fois, ayant le pouvoir d’accroître l’urbanité du site.

Énergiquement planté sur le flanc ouest du carrefour Duroc, le nouvel hôpital Necker – Enfants malades s’affiche à l’entrée du quartier Montparnasse, à l’angle du boulevard éponyme et de la rue de Sèvres, comme un fanal urbain tout de compacité et d’élégance mêlées. À son bâtiment d’angle s’élevant sur cinq niveaux bardé d’une double peau vitrée vient s’ajouter, à l’entrée de la rue de Sèvres, un second bâtiment plus massif. En forme de bloc, ce dernier est doté d’une façade rideau doublée d’un habillage de verre dépoli selon un damier irrégulier. La principale caractéristique esthétique de cette double structure à la fois différenciée et homogène (un même rideau mural court en continu à la base des deux bâtiments, formant jonction), c’est la clarté générale, une clarté qui diffuse sans excès mais n’en illumine pas moins l’alentour, requalifié et valorisé. Le passage du jour ajoute à cette impression de raffinement sobre en créant sur les deux façades une diversité d’effets plastiques colorés, d’une forte capacité d’animation visuelle.

Le carrefour Duroc, transfiguré, y gagne incontestablement, en même temps que se diffuse dans la tête du passant cette petite musique excitante : oui, une ville telle que Paris n’est pas vouée uniquement à se patrimonialiser, la nouveauté radicale peut encore, intra muros, venir faire son nid.

Construire la ville sur la ville, un enjeu
Philippe Gazeau : « Notre idée était de créer un bâtiment avec un triple objectif : faire un bâtiment qui fonctionne bien, faire un bâtiment qui restructure l’intérieur du site de l’hôpital, et enfin ouvrir le site de l’hôpital sur la ville, faire un hôpital urbain, qui s’intègre bien dans son quartier. Pour changer l’image de l’enceinte hospitalière refermée sur elle-même. » Construire la ville sur la ville, tel est un des crédos de Philippe Gazeau. Les vieilles cités, sans fin chéries, dorlotées, ripolinées, « vieilles-pierrisées », rejettent l’architecture contemporaine sur leur pourtour, en banlieue, dans les périphéries. Il en résulte le sentiment pénible que seul ce qui fut a le privilège d’être, contre l’actualité et contre la dynamique créative elle-même. Le projet Necker – Enfants malades, à l’architecte parisien, offre sur ce point une opportunité formidable, sous réserve d’audace. Créé au xviiie siècle, le site hospitalier a vu plusieurs centenaires durant s’accumuler services et bâtiments afférents, plantés çà et là au gré des opportunités immobilières. La saturation – « l’asphyxie », dit Philippe Gazeau –, le désordre cadastral y sont de longue date à leur comble, au détriment de toute logique, l’obligation par exemple, pour déplacer malades ou convalescents d’un service à l’autre, de devoir passer par l’extérieur. L’audace, en quoi consiste-t-elle ? Un, à casser, deux, à ramasser, en ne gardant du patrimoine local que ce qui en vaut la peine – la haute cheminée sur laquelle le tagueur Keith Haring a exercé naguère ses talents, notamment.

Fiche technique :
Maîtrise d’oeuvre : Philippe Gazeau
architecte & urbaniste
Maître d’ouvrage : Assistance Publique-
Hôpitaux de Paris
Entreprises et fabricants :
Gros Oeuvre, Sicra
Faux-Plafonds, Dbs
Menuiserie intérieure, Sedib
Revêtement de sol, France Sol
Peinture, spr
Electricité, Colefy Inéo
Fabricant verre, Eurover
Fabricant plafond métal, Echame
Fabricant revêtement de sol souple, Tarkett
Fabricant sanitaire, Allia
Fabricant luminaires, Biolume
Fabricant acoustique, Tda Agence Idf
Fabricant chaises, Vitra
Shon : 58 660 m²
Coût des travaux : 141,5 euros HT (jardin compris)

 

Texte : Paul Ardenne
Visuels : © Philippe Ruault