RÉALISATION

HERZOG & DE MEURON

 

Dreispitz. C’est le nom d’une zone d’activité, à cheval entre deux cantons, dont le plan évoque le fameux chapeau triangulaire porté au xviiie siècle. C’est un projet urbain que l’on pourrait supposer d’initiative publique mais qui est en fait, au départ, une initiative privée. Celle d’une grande famille de rentiers de la région bâloise qui fonde au xixe siècle une institution à but non lucratif, d’utilité publique. Aujourd’hui, la zone en question est toujours gérée par la fondation Christoph Merian.

 

C’est en étroite collaboration avec la Ville de Bâle que cette dernière mène un audacieux projet de reconversion urbaine : la transformation de la zone d’activité en quartier mixte, avec le maintien d’une partie de l’activité sur place. En deux mots, le projet prévoit de faire venir des habitants et des employés de bureau, sans déloger l’activité logistique et manufacturière qui s’y déroule actuellement. Pour en avoir établi le plan-masse, Herzog & de Meuron est au coeur de ce projet qui commence à donner les premiers résultats tangibles. Après l’inauguration d’une école d’art en 2014, par le bureau Morger + Dettli, la zone vient d’accueillir un premier ensemble de logements pour le moins atypique, compte tenu de la prudence helvétique en matière de typologie d’habitat.

Helsinki Dreispitz Münchenstein/Basel Switzerland Herzog & de Meuron © Photo : Katalin Deér

L’immeuble, dont la forme inhabituelle cache la hauteur réelle, est composé d’une partie opaque et d’une partie plus ouverte. La base est un volume en béton disposant de quelques ouvertures latérales. Elle recèle rien de moins que l’archive d’Herzog & de Meuron. Sur plusieurs étages, la grande agence, dont le nom est intrinsèquement lié à l’agglomération bâloise, y entrepose ses maquettes, ses échantillons, et tout ce qui peut servir à comprendre son développement et sa démarche créative. Maquettes historiques, modèles en polystyrène sont précieusement gardés dans des étagères vitrées, ou pas. Le lieu ne va pas sans évoquer l’exposition historique du bureau à la Tate Modern en 2005. Là aussi, il s’agissait d’étaler sans hiérarchie tout ce qui rend compte du processus créatif.

Au-dessus du bunker aux aspirations muséales se trouvent sept étages d’habitation. Des appartements spacieux, configurés pour des célibataires ou des jeunes couples. Des volumes ouverts, quasiment sans cloisons, avec une vue imprenable et des jardins d’hiver. Aussi bien les petits que les grands appartements sont configurés selon le même principe : le séjour est séparé de la chambre à coucher par le bloc cuisine.Ce principe s’applique aussi à la salle de bains, contiguë à la chambre.

À cette audace, qui conçoit l’espace habitable comme un volume unique séparé par des modules fonctionnels, viennent s’ajouter des coursives périphériques disposant de grands stores en bois. Chaque habitant peut configurer le degré d’ouverture ou d’opacité de son lieu de vie. S’il souhaite prendre un bain à la vue de tous, il le peut. S’il souhaite étendre l’espace habitable sur la coursive, pour y installer un daybed, il le peut aussi.

Le résultat est une habitation de type loft d’une grande flexibilité. Les loyers, compris dans la fourchette haute de ce qui se pratique à Bâle, ciblent une population aisée et disposée à se prêter à l’expérimentation de ce nouveau mode d’habiter. Car le lieu reste imprégné du caractère logistique et industriel qui caractérise la zone. Si le musée Schaulager apparaît proche, si la vue sur Bâle émeut, le soir on promène son chien entre des 16 tonnes en attente de déchargement. Ce premier contraste entre luxe et activité semble se répercuter sur l’ensemble de l’immeuble. Les huisseries de qualité contrastent avec le dallage en béton des coursives habituellement utilisées pour les bovins. […]

Coupe © Herzog & de Meuron

 

Retrouvez la suite de l’article dans le n°74 d’archiSTORM

Fiche technique :
Maître d’ouvrage : EG Basel Dreispitz, St. Gall, Suisse
Maître d’oeuvre : Herzog & de Meuron : Jacques Herzog,
Pierre de Meuron, Robert Hösl (Partner in Charge)
Équipe de projet : Wim Walschap (Associate, Project
Director), Jan Ulbricht(Project Manager) Abdulfatah
Adan, Philip Albrecht, Oliver Cooke, Inga Federe,
Daniel Fernandez, Luis Guzman, Yuki Hamura,
Volker Jacob, Martin Knüsel,Slavcho Kolevichin,
Andreas Reeg, Marc Schmidt, Christian Schmitt,
RalfSchwaller, Michaela Stolcova, Fumiko Takahama,
Katharina Thielmann, Jonas Vistesen, Léonie Wenz
Entreprises :
Ingénierie électrique :
ETAVIS Engineering AG, Bâle, Suisse
Ingénierie mécanique :
Waldhauser Haustechnik AG, Münchenstein, Suisse
Ingénierie plomberie :
Locher Schwittay Gebaüdetechnik GmbH, Bâle, Suisse
Ingénierie structure :
zpf. Ingenieure AG, Bâle, Suisse
Représentant de maître de l’ouvrage :
Rapp Arcoplan AG, Bâle, Suisse
Écologiste de construction :
Büro für Umweltchemie, Zürich, Suisse
Physicien de construction :
Kopitsis Bauphysik AG, Wohlen, Suisse
Planificateur de protection d’incendie :
Visiotec Consulting AG, Bâle, Suisse
Géomètre :
Amman AG, Bâle, Suisse
SDP Surface de plancher : 12 187 m2

Texte : Christophe Catsaros