Les Grands Projets Présidentiels Labellisés Patrimoine du XXe Siècle

Texte : Simon Texier

Dix édifices et ensembles urbains, dix grands équipements publics, chacun témoignant de l’engagement de l’État dans les politiques architecturales et d’aménagement du territoire sous la Ve République, ont récemment obtenu la labellisation au titre du « patrimoine du XXe siècle ». Cette labellisation permettra, indique le ministère de la Culture, « d’ouvrir le regard sur ces édifices qui sont des lieux exceptionnels architecturalement mais aussi des lieux de vie et de travail ».

Le parc de la Villette © William Beaucardet

Parmi les dix grands équipements publics ayant récemment obtenu le label « patrimoine du XXe siècle », car témoignant de l’engagement de l’État dans les politiques architecturales et d’aménagement du territoire sous la Ve République, une large majorité a été réalisée sous le septennat de François Mitterrand. La série de grands projets mis en œuvre est de fait l’un des temps forts de la politique urbaine dans Paris au XXe siècle. Facilitée par un accord tacite entre l’Élysée et l’Hôtel de Ville, elle constitue une tentative, unique par son ampleur, pour renouveler la structure monumentale de la capitale.

Image à la une : Institut du Monde Arabe, architectes : Jean Nouvel, Architecture Studio, Gilbert Lèzenes et Pierre Soria © A. Sidoni

Entrée sud du parc de la Villette, architecte : Bernard Tschumi. La grande halle, architecte : Reichen & Robert. Le conservatoire de musique et la cité de la Musique, architecte : Christian de Portzamparc.

Moins d’un an après son élection à la présidence de la République, le 9 mars 1982, François Mitterrand annonce un programme de huit « Grands projets » pour Paris. La Villette, site de 55 hectares – encore entaché par la faillite du marché d’intérêt national de la viande –, devra accueillir un parc, une cité de la musique et un musée des sciences dont l’étude avait été lancée par Valéry Giscard d’Estaing ; il est ensuite prévu un opéra populaire à la Bastille, une salle de concert rock sur l’échangeur de la porte de Bagnolet – abandonnée en 1983 –, la reconstruction du théâtre de l’Est parisien, un monument à La Défense abritant deux ministères et un centre international de la Communication, un nouveau ministère des Finances à Bercy permettant de réaliser le « Grand Louvre » et, enfin, un Institut du monde arabe à Jussieu. S’ajoute à cela l’achèvement du projet de musée du XIXe siècle dans l’ancienne gare d’Orsay. Trop conscient des échecs auxquels ont conduit les différends entre la Ville et l’État, Mitterrand s’est préalablement assuré, le 11 février 1982 auprès du maire de Paris, Jacques Chirac, de l’accord de la municipalité. Inquiet du coût de ce programme, ce dernier fera néanmoins remarquer que « le chef de l’État a, pour Paris, une série de projets qui recoupent très largement les préoccupations de la Ville [1] ». Et pour cause, la géographie des « Grands projets » épouse, pour l’essentiel, les contours du programme de réhabilitation de l’Est parisien.

Opéra Bastille; architecte : Carlos Ott © D.R.

« Si on disait qu’il y a un style MITTERRAND, je serais flatté, mais il n’y en a pas. J’ai un certain goût pour les formes géometriques, pures. La Géode, l’Arche de la Défense correspondent aux formes pures et simples qui me plaisent plus que les autres…dans mon adolescence, je me suis beaucoup promené dans Paris, je rebâtissais. » 
François Mitterrand – 1988

Cour Napoléon, Pyramide. Architecte : Ieoh Ming Pei © 2013 Musée du Louvre / Olivier Ouadah

Les vœux du président prendront rapidement forme. Ministres et conseillers ont pour mission de faire vite : le choix des sites, celui des architectes, mais surtout les modes de financement doivent être entérinés avant les élections législatives de 1986. Le retrait du président en cas de victoire de l’opposition n’est pas exclu et la droite a déjà fait savoir qu’elle différerait la mise en œuvre de certains chantiers. Les exigences du calendrier, comme la volonté de François Mitterrand d’imposer sa marque dans l’esthétique générale des « Grands projets », ont alors compromis le caractère démocratique des consultations – lorsqu’il y en eut. (…)

[1] Cité par François Chaslin, Les Paris de François Mitterrand, Paris, Gallimard, 1985.

Retrouvez l’intégralité de cet article au sein d’archiSTORM #84, maintenant disponible en kiosque !