« Quand les contraires travaillent ensemble, ils créent de la richesse et de la connaissance. Si la quête du savoir précède l’action, il y a évolution. Si la dynamique de l’action précède la réflexion, il peut y avoir destruction. »
Mahabharata

Texte : Claude Labbé

[…] Impossible de rendre compte ici de tous les projets qui le mériteraient, et nous ne pouvons qu’inciter le lecteur à faire le voyage jusqu’à Venise. Place donc à quelques morceaux choisis en relation avec notre thème de prédilection : les rapports entre architecture et ingénierie.

Voûtes de grande envergure de type diagride en briques traditionnelles. S. Benitez © C. Labbé

« We need to consider value engineering options » 

On ne pourra pas reprocher à cette 15e édition de ne pas avoir placé sur le devant de la scène architecturale un certain nombre de thèmes liés étroitement à l’actualité et l’évolution du monde actuel : les crises migratoires, l’épuisement des ressources de la planète, la pollution, le gaspillage des produits, l’insécurité, les inégalités exacerbées, les catastrophes naturelles, les tensions violentes entre communautés, la croissance démographique, etc., constituent une sorte de fil rouge de la biennale. Leur seul énoncé pourrait conduire au plus profond des pessimismes. Mais la volonté d’Alejandro Aravena, tout jeune Pritzker Price et commissaire de cette biennale, a été de sélectionner et de montrer à un large public qu’il existait des « success stories » capables d’apporter des solutions « pour lesquelles l’architecture a fait, fait, et continuera de faire la différence1 ».
S’il convoque prioritairement (et naturellement) les architectes dans cet exercice, les arts de la technique (autrement dit ce qui pourrait constituer l’essence même de l’Ingénierie) sont loin d’être absents ; en particulier à l’Arsenale. Il faut souligner que cette Ingénierie est présentée sous une forme non conventionnelle : en harmonie avec la démarche architecturale (et non en opposition), dans un souci d’économie de matière et d’exploitation raisonnée des ressources, et en support ou en prolongement d’un savoir-faire traditionnel. […]


« We could build knowledge and bring housing back to the people »

Économie de matière conjuguée à l’emploi de matériaux locaux correspond à la démarche qui est au coeur des préoccupations d’Anupama Kundoo4 depuis de nombreuses années. Elle se fait le chantre du détournement des matériaux du quotidien, revisités avec ingéniosité afin de leur donner des qualités mécaniques supérieures. Elle propose même d’accompagner les communautés en les initiant à des technologies constructives dans un partage de connaissances fructueux, « by helping communauties a set of simple building components, we could build knowledge and bring housing back to the people », dit-elle.
À des milliers de kilomètres du continent indien, au Paraguay, Solano Benitez, de l’agence Gabinete de Arquitectura, développe des projets adaptés à la double contrainte de la rareté des matériaux et de la non-qualification de la main-d’oeuvre locale. Elle parvient, en se servant avec intelligence de la science de la résistance des matériaux (diagride + voûte), à construire des bâtiments de grandes portées capables d’accueillir des programmes collectifs avec des espaces généreux. […]

« L’architecture intéresse tout le monde »

Un mot du pavillon français qui tente de mettre en lumière les richesses trop anonymes qui émergent de territoires trop « ordinaires », et qui affirme sur un panneau d’affichage de banlieue : « L’architecture intéresse tout le monde ». Mais parle-t-on de l’impact de l’architecture, ou bien du centre d’intérêt culturel qu’elle représente, ou bien des deux ? Et s’il avait été écrit (enfin ?) : « Comment faire de l’architecture un art populaire ? »