LA RÉSIDENCE POUR CHERCHEURS JULIE-VICTOIRE DAUBIÉ, CITÉ UNIVERSITAIRE, PARIS XIVe

RÉALISATION

Bruther Architecte

S’inscrivant au cœur de la fameuse Cité internationale universitaire de Paris et côtoyant plusieurs édifices iconiques, cette nouvelle résidence, qui affiche fièrement son architecture contemporaine de facture à la fois radicale et sophistiquée, a été réalisée avec minutie et talent par l’agence Bruther architecte.  

Inaugurée début 2019, la résidence Julie-Victoire Daubié, destinée à accueillir des étudiants et chercheurs internationaux, fait partie d’un vaste projet de développement de la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP), Cité 2025. Un siècle après sa création, la CIUP verra à terme sa capacité d’accueil augmenter de 30 %. Située dans le XIVe arrondissement de Paris, ce prestigieux campus, doté d’un vaste parc de 34 hectares, détient un riche patrimoine architectural moderne, avec des bâtiments édifiés entre 1925 et 1969. Certaines maisons ont en effet été bâties par des architectes de renom, comme le pavillon suisse de Le Corbusier (1930) ou la maison de l’Iran (devenue la fondation Avicenne) de Claude Parent, André Bloc, Moshen Foroughi et Heydar Ghiai (1969), dernière maison érigée à cette époque. Depuis 2017, dix nouvelles maisons sont en train de voir le jour, s’ajoutant ainsi à la quarantaine de maisons existantes. Si 140 nationalités sont déjà présentes sur le campus pour accueillir chaque année 12 000 résidents, 26 pays sont représentés par les maisons en place. Parmi les projets réalisés et à venir, la maison Île-de-France a été inaugurée en 2017 (agence A/NM/A, Nicolas Michelin architecte) et la maison de la Corée en décembre 2018 (agences française Canale 3 et coréenne GA.A), tandis que la construction du second pavillon de la Tunisie est prévue pour 2020, celle des fondations de l’Égypte pour le printemps 2019, et celle de la Chine courant 2021.

Triple lames parallèles

C’est dans ce contexte attractif que la résidence Julie-Victoire Daubié a été réalisée par l’agence d’architecture Bruther pour le compte de la RIVP : son nom rend hommage à la première femme, – journaliste et militante des droits des femmes-, qui obtint le baccalauréat en France en 1861. L’édifice prend place sur une parcelle exiguë de 1 023 m² jouxtant le boulevard périphérique (1960). « Afin de se protéger des nuisances du boulevard périphérique, la résidence opte pour une stratégie de coupe efficace : le sol est creusé et le bâtiment soulevé. », expliquent les architectes Stéphanie Bru et Alexandre Theriot. Ils ajoutent qu’« il faut composer avec des édifices plutôt unitaires aux silhouettes simples et reconnaissables qui ont su traverser le temps. ». De plus, il s’agit de prendre en compte les spécificités de la Cité internationale en matière de valeurs de vivre-ensemble, de rencontres et d’échanges.  Modelé par de sérieuses contraintes liées au site et à des règles urbaines strictes, ce nouveau bâtiment, au volume compact et minimaliste, dessine « un cube fendu, aussi haut que large. » Sa morphologie lisible comporte trois lames parallèles, où les deux lames extérieures bâties (10,30 m de large, 29 m de long et 25 m de haut), regroupant 106 logements, se déploient de part et d’autres d’une faille centrale (7,30 m de large par 29 m de long) abritant les circulations et divers espaces communs.

 

 

Coursives de distribution

« Cette partition en bandes parallèles permet un jeu de transparences et des variations de profondeurs visuelles rompant avec l’aspect monolithique que pourrait induire un tel volume. », précisent les architectes. L’ouvrage de huit étages, situé en contrebas du terrain naturel, est accessible par un jeu subtil de rampes et de dénivelés. Telle une boîte vitrée, le hall d’accueil donne sur un espace extérieur taluté et végétalisé en rez-de-jardin le protégeant des nuisances sonores et polluantes du périphérique. Le niveau du dessus est, pour sa part, pourvu de pilotis à profilés d’acier contribuant à décoller le bâtiment du sol et à dégager des vues sur le paysage arboré. Côté organisation des fonctions, les étages sont desservis par deux cages d’ascenseurs enserrées dans un bloc en béton occupant le cœur du dispositif, et par un escalier à triple volée inscrit dans un triangle : un escalier en métal de secours hélicoïdal, extérieur et ouvert, se greffant sur l’une des coursives. Ces circulations verticales mènent aux étages et aux doubles coursives extérieures vitrées qui distribuent, de chaque côté du vide central, des batteries de logements variant du T1 eu T4. Chaque studio est équipé d’une kitchenette, de placards et de mobilier formant « une bande équipée économe en surface » fonctionnelle, une salle de bains et un coin lit complétant l’ensemble. Concernant le T2, la chambre se ferme à l’aide d’une cloison amovible qui, ouverte, transforme l’espace en une pièce unique. (…)

 

TexteCarol Maillard
Visuel à la uneMaxime Delvaux, Julien Hourcade, Marvin Leuvrey, Salem Mostefaoui

 

Découvrez l’intégralité de l’article sur la réalisation de la Bruther Architecte au sein du numéro 96 d’Archistorm, daté mai – juin 2019 !

Luigi Ghirri, Cartes et territoires

ART

La tentation d’un art total ? 

Luigi Ghirri

Cartes et territoires

Jusqu’au au 02 juin 2019

Jeu de Paume, Paris

Première rétrospective française de l’Italien Luigi Ghirri, Cartes et Territoires réunit des séries photographiques réalisées sur une décennie dans les années 1970. Un parcours qui télescope le visiteur dans le décor d’une Italie silencieuse et poétique.

 

Une plage. Un palmier. Une place. Une carte…

Avec son objectif, le photographe Luigi Ghirri emprunte des chemins multiples. Les 14 séries de photographies exposées au Jeu de Paume sont autant d’allers-retours discontinus sur un territoire qui semble sans limites tant les images de Luigi Ghirri kaléidoscopent la réalité. À l’origine de cette sélection, Vera Fotografia, une exposition à Parme en 1979, peut-être la première exposition d’envergure du photographe. Cette dernière y dessinait déjà ce même monde ponctué de signes, de simulacres et d’âmes seules définitivement anonymes.

À la même période les architectes américains Denise Scott Brown et Robert Venturi partaient sur le Strip de Las Vegas pour en dresser le portrait. Mais Luigi Ghirri, photographe et géomètre de formation, nous porte dans une frénésie moins folle : il nous emmène à pied sur les traces d’architectures vernaculaires. Dans cette course lente, ses images argentiques ont une tendresse surannée. Elles portent en elles une forme d’élégie, tant on sent que Luigi Ghirri documente l’évanescence de toutes choses et il nous fait entrer par la petite porte dans la traque vaine des formes qu’il a capturé. Ainsi, avec son appareil photo, il s’empare des signes d’une culture en transition, entre modernité et identités plus anciennes. Italia Ailati représente par exemple neuf années de récolte d’images en marge des villes de carte postale, entre 1970 et 1979. Cette série, comme il le souligne lui-même, « déchiffre » l’étrange cohabitation qui réside en une Italie provinciale et les signes orgueilleux de la modernité. Peut-être plus prosaïque, la série au long cours Catalogo — comme son nom l’indique — catalogue des façades et des motifs décoratifs. Fruit d’une déambulation dans les rues de Modène, il observe et fossilise les variations d’un paysage en pleine mutation.

 

Salzburg, 1977, Luigi Ghirri, Collection privée. Courtesy Matthew Marks Gallery © Succession Luigi Ghirri

 

S’il délaisse peu à peu les instruments de mesure pour un appareil photo assez ordinaire, les images qu’il saisit abritent encore l’œil du topographe : souvent frontales et sobres, cadrages mathématiques, compositions géométriques.

Le leporello (livre-accordéon) Km.0,250 (1973) est peut-être le projet qui reflète le plus la formation initiale de l’artiste. S’enchaînent, comme sur une pellicule photo, les images d’affiches collées sur le mur d’enceinte du circuit de courses automobiles de Modène. Sillonnées par les lignes de l’architecture extérieure, ses images cisaillent sujets et environnements dans une chorégraphie illusionniste qui nous laisse parfois penser que nous observons un collage.

Cet ensemble s’insère dans une démarche plus conceptuelle, une réflexion sur la surabondance des images et notre expérience de la ville. Une dérive urbaine poétique — presque initiatique — qui inspira d’autres italiens comme le groupe d’intellectuels et architectes Stalker.

Texte : Camille Tallent
Visuel à la une : Modena, 1937, Luigi Ghirri-CSAC, Università di Parma © Succession Luigi Ghirri

Retrouvez l’article « Art » de Camille Tallent au sein du numéro 96 du magazine Archistorm, daté mai – juin 2019 ! 

Immeuble Window à La Défense par KFP Architecture

IMMEUBLE WINDOW

KFP ARCHITECTURE, SRA

 

Texte : Jean-Philippe Hugron

Photo : Kamel Hhalfi et Thierry Lewenberg-Sturm

 

Élysée-La Défense n’est plus. Vive Window !  Cet immeuble dont l’architecture a été pensée par deux agences, l’une américaine et l’autre française, KPF et SRA, est un projet majeur du quartier d’affaires de l’ouest parisien. Outre le défi technique de transformer un ensemble réalisé au détour des années 1980, il en allait d’un véritable enjeu économique pour son propriétaire, Groupama, et entrepreneurial pour son futur occupant, RTE. Window incarne l’essence même d’une utopie moderne, changeante, mais aussi tout une époque contemporaine aspirant sans doute à plus de transparence et de vérité.

 

Window : de la disparition à la transparence

 

Une architecture évoque les aspirations d’une époque. Les tours, à La Défense, se sont – aux premières heures de l’architecture verticale en France- affirmées. Souvent de couleurs sombres et de lignes sobres, elles répondent d’une géométrie rigoureuse et moderne. Puis à l’heure de la contestation voire du rejet à l’égard des Modernes, ces immeubles de grande hauteur se sont transformés et camouflés.

En 1974, au moment même où Valéry Giscard d’Estaing arrive au pouvoir, les gratte-ciels sont honnis. La Tour Montparnasse est vécue comme un traumatisme. Il n’est donc plus bon de construire en hauteur. Ce, d’autant plus que la crise économique liée aux deux chocs pétroliers révise toutes les prétentions immobilières à la baisse.

 

 

À cette époque, les derniers projets de tours voient le jour. Le plus symptomatique est, sans aucun doute, celui porté par Emile Aillaud (1902-1988), à Nanterre. La cité Pablo Picasso est plus connue sous le nom de « tours nuages ». L’architecte a littéralement détourné, par cette appellation, l’imaginaire du gratte-ciel. Il en fait le motif d’une architecture inédite : les fenêtres se sont faites gouttes et les façades nuages. L’artiste Fabio Rieti (1927) a imaginé pour l’occasion une série de composition abstraite rappelant tantôt les branches d’un arbre en feuille, tantôt les nébuleuses d’un ciel crépusculaire. Certains y devinent des constructions en treillis qui cherchent à se fondre dans l’horizon. Nuage parmi les nuages. Ce camouflage tente de briser la présence d’une modernité triomphante.

 

Les tours se font ensuite faite, à La Défense, moins nombreuses. La première à surgir de cet horizon bloqué est la tour Elf – désormais Total. En lieu et place de la sombre et noire jumelle de la tour Fiat – aujourd’hui Areva – conçue par SOM et Saubot-Julien, un gratte-ciel conçu par WZMH Architects et Saubot-Julien a pris place. Ces façades en verre-miroir tentent de la faire disparaître. Elles adoptent en outre les teintes du ciel qu’elles réfléchissent.

 

 

 

La tour, en tant que typologie architecturale contestée, ne s’impose plus au regard et bien des immeubles cherchent à cette époque à disparaître sous un manteau réfléchissant.
Emile Aillaud – encore lui – avait logiquement proposé pour remplacer les tours Diapason de Ieoh Ming Pei (1917) – lesquelles devaient marquer la perspective de l’axe historique – un « immeuble miroir » aux allures de four solaire. Derrière cette volonté de reproduire sur ses façades l’environnement alentour, il y avait l’intention délibérée de s’effacer au sein d’un horizon bâti. Ce projet n’ayant pas été apprécié par les plus hautes autorités s’est trouvé très tôt remplacé par un autre projet désigné sur concours : les « immeubles-cristaux » de Jean Willerval (1924-1996). La proposition d’Emile Aillaud semblait cependant avoir fait mouche puisque l’architecte fraîchement retenu pour réaliser la « tête Défense » rêvait, lui aussi, de façades miroirs dont les lignes ne sont plus courbes mais cristallines.

 

 

En face du CNIT, un projet émerge dans ce curieux paysage où l’architecture ne veut plus s’affirmer. Le volume bâti est massif. Plus de 40 000 m². Depuis l’extérieur il n’en paraît rien. La masse est excavées d’atriums spectaculaires et les façades habillées… de verres teintés aux allures de miroirs. Elysée-La Défense s’efface subtilement. D’une théorie de la disparition est ainsi né un édifice en demi-teinte, oublié à mesure des années… Sa transformation décidée en 2015 appelle à rendre cet ensemble autrement plus présent et visible. Les matériaux verriers choisis seront, cette fois-ci, clairs voire diaphane. Ils doivent ainsi laisser le regard pénétrer jusqu’à l’intérieur de l’immeuble. En d’autres termes, ils exposent la vie du bâtiment aux yeux de tous. Ce choix exprime l’appétence d’une époque qui n’est plus à la dissimulation ni au camouflage mais à la transparence et à la vérité.

Chaque architecture se fait ainsi le témoin d’appétits contemporains et, d’Elysée-La Défense à Window, il y a que l’illustration d’un rêve collectif.

 

Atrium ? Atrium… Atriomania !

 

Élysée-La Défense : un immeuble, deux atriums ! Sous ces allures d’ensemble unitaire, Élysée-La Défense abrite deux sociétés distinctes, l’une française : Usinor, l’autre américaine : Citybank. Ses architectes partagent ces mêmes nationalités. D’un côté Roger Saubot et François Julien. De l’autre, Whitson Overcash. Ce projet est, à sa livraison, une grande première à La Défense. Jamais un immeuble de bureaux n’a proposé en son cœur deux vastes vides dédiés à deux grands jardins aux allures de serres tropicales. Ces espaces sonnent comme des respirations dans un univers tertiaire répétitif de bureaux cloisonnés et de fenêtres carrées. Ces atriums sont à même d’augurer un nouveau genre, plus avant un élément inédit du vocabulaire architectural.

 

Ces dispositifs monumentaux peuvent être associé au désir d’agora ou de forum, de lieux de rencontres apaisants. Ils sont aussi à mettre en regard avec les aspirations d’utopistes marqués par les dessins d’Archigram ou encore les plans de Buckminster Füller (1895-1983) ou même ceux de Cedric Price (1934-2003). Toutes ces propositions font la part belle aux structures géantes accueillants des usages divers et variés, englobant généralement l’espace public et le démultipliant dans un vaste complexe « indoor ». Les atriums relèvent, à la fin des années 1970, de cette rêverie.   Appliquée à la réalité, cette aspiration sert l’ambition de promoteurs immobiliers, notamment ceux qui souhaitent développer des centres commerciaux. Jon Jerde (1940-2015), architecte américain, figure méconnue, s’est prêter à ce nouveau jeu. L’atrium s’est très vite fait, dans ces projets, l’endroit d’une véritable place centrale. Plus que des architectures, l’homme de l’art souhaitait ainsi créer des « lieux » dans un contexte « suburbain » qui en manquait cruellement.

Helmut Jahn (1940) est cette autre figure émérite ayant fait de l’atrium un exercice de style. L’architecte allemand, devenu par la suite américain, est de la même génération de Jon Jerde. Il a développé dans de nombreux projets de vastes respirations en tout point similaire aux grandes places couvertes de son confrère. Sa réalisation la plus spectaculaire est sans aucun doute le Thompson Center (1985) à Chicago, un « objet scintillant et gargantuesque » pour le critique Paul Goldberger. L’atrium y est monumental. Il reprend, en s’inspirant vraisemblablement de la « raffinerie » Beaubourg, des couleurs aussi vives que saturées. Il expose les circulations verticales mais aussi horizontales. L’architecture se fait organisme vivant. Richard Rogers expérimente, lui aussi, cette figure nouvelle au sein de la Lloyds Building (1986) au cœur de la City à Londres. Au centre même de la construction, un grand vide central expose ascenseurs et escaliers mécaniques. Piranèse et Fritz Lang ! C’est dans ce contexte d’expérimentation que naît le projet Élysée-La Défense. Roger Saubot, François Julien et Whitson Overcash pensent donc pour cet immeuble deux atriums. Pour ce faire, ils mettent en œuvre un système métallique dit « mero » contraction de Mengeringhausen Rohrbauweise, littéralement la méthode de construction tubulaire Mengeringhausen du nom de l’ingénieur qui développa, en Allemagne, la technique à partir de 1943. Cette structure n’est pas étrangère au développement tridimensionnel de Buckminster Füller aux États-Unis ou encore de Robert le Ricolais et David Georges Emmerich en France.

 

Les atriums, malgré les critiques que certains lui apportent – restent une figure majeure de l’architecture contemporaine. Quelques années après la création d’Élysée-La Défense, Paris accueil ce qui est sans doute le plus bel atrium jamais réalisé au monde : la Pyramide du Louvre. Un espace ouvert, transparent, sous une élégante verrière accueille les visiteurs du monde entier. L’évolution et la transformation d’Élysée-La Défense pose donc un cas d’école. Que faire de ce dispositif architectural ? SRA et KPF ont opéré conjointement pour lui donner une nouvelle actualité. Jusqu’alors la plupart des atriums ont été des espaces introvertis, tournés vers l’intérieur. Les façades d’Élysée-La Défense ne laissait d’ailleurs rien paraître des jardins qu’abritaient de vastes verrières. Seuls l’enchevêtrement structurel de nœuds et de tubes étaient, à travers les vitrages, visibles et signalaient depuis l’extérieur ces larges atriums.

Aujourd’hui, l’architecture, dans un désir de transparence, expose la vie d’une construction aux yeux de tous. En jouant de ces vides, en les magnifiant plus encore, SRA et KPF ont choisi de mettre en avant des circulations ; l’activité interne devient, depuis l’esplanade, un spectacle qui participe de la vie en ville. Les atriums se font ainsi, de plus en plus, des écrans, reflets d’une animation intérieure. Peut-être le projet de Jean Nouvel pour la tour Signal était-il déjà un hommage à ces vides et ces respirations expérimentées trente ans plus tôt et qui faisait d’Élysée-La Défense un immeuble innovant. Aujourd’hui, Window, sans perdre de cette avant-garde, présente ces mêmes respirations mais désormais selon une architecture transparente et vivante.

 

Couche sur couche

 

La Défense est, sans nul doute, l’une des plus grandes utopies modernes avec Brasilia, Chandigarh ou Le Havre. Jamais ville sur dalle n’a été réalisé dans de telles proportions. Ce quartier d’affaires incarne à lui seul la volonté de l’homme moderne de transformer la fabrique urbaine en séparant les circulations mais aussi les fonctions. Le tout s’organise en coupe et en plan. En coupe : les circulations piétonnes au-dessus, automobile en dessous. En plan, au nord, les bureaux, au sud, les logements. Juxtaposition et coprésence ont été longtemps la règle. La ville sur dalle permettait une telle organisation que bien des architectes ont, plus tard réinterprétée. Yona Friedman, pour ne citer que lui, a longtemps imaginé une « ville spatiale », tridimensionnelle. « Les constructions doivent toucher le sol en une surface minimum ; être démontables et déplaçables ; être transformables à volonté par l’habitant », note l’architecte. De vastes structures enjambent sur ses images dessinées et peintes la ville traditionnelle et esquissent une nouvelle topographie.

 

Construire à La Défense relève presque de cette fantaisie. La dalle couvre des sols naturels pour en suivre, parfois, les dénivelés jusqu’à la Seine. Eriger une tour dans ces conditions implique une savante ingénierie. Face au CNIT, alors que le quartier d’affaires poursuit son extension vers l’ouest, l’EPAD décide la réalisation d’un centre commercial. Comme chacun sait, le chaland n’aime que peu monter. Aussi, il en va d’une construction aux allures de nappe… une dalle sur la dalle ! Par-dessus, l’établissement public consent à vendre des droits aériens, autrement dit la possibilité de construire par-dessus le centre commercial un nouvel immeuble totalement indépendant. Ce sera Élysée-La Défense. Roger Saubot, François Julien et Whitson Overcash profite des structures d’appuis réalisés pendant le chantier du centre commercial pour supporter le poids d’un ensemble tertiaire de plus de 40.000 m².

 

Plus de trente ans après la livraison d’Élysée-La Défense, sa transformation pose la question de sa structure et de son sol artificiel : le centre commercial. L’établissement public Paris La Défense se plaît à rêver, à cet endroit, à des commerces en hauteur profitant d’une situation en belvédère sur l’esplanade…encore faut-il y accéder. Groupama, propriétaire de l’immeuble, souhaite, selon les plans de KPF et SRA créer un auditorium ouvert sur la ville ainsi qu’un restaurant d’entreprise. Tout invite donc à revoir cette structure sans gêner, bien entendu, le fonctionnement du centre commercial. Les appuis sont alors finement analysés. Certains matériaux doivent être restaurés voire remplacés. Élysée-La Défense est, à cette occasion, mis sur vérins. L’immeuble est surélevé, le temps des travaux, de quelques centimètres pour notamment changer la couche néoprène des éléments porteurs. D’aucuns devinent à cette occasion que la structure a été volontairement surdimensionnée. Elle supporterait une construction plus haute d’un ou deux étages. Mais les architectes préfèrent de loin travailler une « tour horizontale » qui ne répond pas des normes IGH. Aujourd’hui, la transformation des façades et la mise en scène des atriums affirment la présence de Window dans son paysage. Elles soulignent aussi ce jeu de strates et de superpositions qui font de La Défense un quartier aussi original qu’unique, par-dessus le sol, par-dessus la dalle…et même par-dessus le centre commercial.

 

 

Maîtrise d’œuvre  KPF, SRA Architectes

Maîtrise d’ouvrage Groupama Immobilier

Assistant maître d’ouvrage  Hines France

Entreprises Eiffage Construction Grands Projets

BET Façade Goyer

CFO/CFA : Eiffager Energie

Surface 44 000 m2

Coût 477 M €

 

Découvrez le focus sur l’immeuble Window à la Défense dans le numéro 95 du magazine Archistorm, daté mars-avril 2019 !

 

La matériauthèque de RDAI

TRIBUNE D’EXPERT

LA MATÉRIAUTHÈQUE RDAI

 

Comment parler d’un métier méconnu, en décrire le quotidien ? Carole Petitjean est en charge de la matériauthèque de RDAI, un métier assez récent, qui ne s’enseigne pas (encore) dans les écoles. Alors, elle se définit souvent comme une collectionneuse… Rencontre. 

Comment en arrive-t-on à gérer une matériauthèque, lieu où sont collectés des matériaux selon une vision particulière ? Sans doute par la somme de parcours atypiques, de savoirs acquis au fil des expériences et au gré des rencontres. Un métier qui existe parce que des gens en ont fait leur spécialité. Tout au long de mes études en design, ma soif d’apprendre et ma curiosité m’ont toujours guidée. Et si finalement, déjà, j’avais su que chercher allait devenir mon quotidien ? Oui, il s’agit bien de cela : chercher, être une éponge, un réservoir. Trouver aussi, parfois, ce que l’on ne cherche pas. Archiver dans un coin de sa tête des références et des solutions pour plus tard, pour un besoin futur.

J’exerce chez RDAI depuis 2010, après avoir passé deux ans chez matériO, la bibliothèque des matériaux innovants parisienne. Intégrer RDAI a été pour moi une ouverture inattendue à la culture du détail, de l’exigence et de l’élégance. Cette agence, fondée par Rena Dumas en 1972 et dirigée par Denis Montel depuis 2009, réserve depuis toujours une place privilégiée à la matière et aux savoir-faire d’exception. L’équipe d’architectes et de designers y cultive au quotidien cette sensibilité. Chaque projet permet d’aborder cette question sous des angles différents, qu’ils soient artisanaux ou envisagés à travers une approche technologique. Le vrai luxe est de pouvoir passer de matières rares et précieuses à des matériaux plus modestes, considérés comme pauvres, que l’on aime sublimer. La matériauthèque est un laboratoire qui nous permet de pousser les développements jusqu’à parfois même créer nos propres matériaux. Par sa philosophie et ses projets, RDAI offre une incroyable liberté pour traiter de la matière.

Éduquer son regard à la ligne esthétique de l’agence à laquelle nous sommes liés est essentiel car cette culture permet de créer des filtres. Sans ces filtres l’information n’est pas synthétisée. Cet angle permet aux équipes d’accéder à l’information plus pertinente possible. Il est fréquent que nous nous intéressions à un matériau qui ne s’inscrit pas directement dans notre démarche, mais ce qu’il pourrait devenir, ou la projection qu’on en fait nous incite à pousser son potentiel. Notre profession a là un rôle important à jouer, celui de soutenir les savoir-faire. Une facette fascinante de ce métier.

Le sourcing matière arrive très vite dans le projet, dès son commencement. Cette recherche se mène en complète collaboration avec l’équipe d’architectes. Ensemble nous rencontrons des entreprises, des artisans, pesons les alternatives pour atteindre le résultat attendu. L’expérimentation est au cœur du process. Nous essayons de garder une vision très large pour ne rien s’interdire, pour envisager toutes les options et s’assurer de l’impossibilité d’une piste avant de la mettre de côté.

Référencer un matériau passe d’abord par une rencontre. Apprendre de la matière signifie comprendre des techniques, artisanales comme industrielles, parler de cultures et surtout parler d’humain. Notre matériauthèque est un lieu qui regorge d’histoires où bon nombre d’échantillons sont sources d’anecdotes : comment telle initiative a permis à cette manufacture, qui risquait d’emporter dans sa chute un procédé rare et singulier, de renaître ? Ou comment tel savoir-faire traditionnel a inspiré ce développement innovant ?

Veiller en permanence. Chaque situation quotidienne est prétexte à s’inspirer, à s’imprégner et à collecter de l’information. J’envisage notre matériauthèque comme un centre de ressources, jamais figé, et sans cesse en mouvement. Elle est avant tout un lieu d’inspiration, de partage et d’énergie.

On ne peut pas parler de ce métier sans évoquer l’aspect organisationnel, essentiel. Gérer une matériauthèque signifie ranger, référencer, catégoriser, trier, archiver et réfléchir à la meilleure classification. Notre organisation est en perpétuelle évolution. Les moyens informatiques sont incontournables, ils me permettent de décharger ma mémoire et de gagner du temps. Nous avons une base de données, organe indispensable au bon fonctionnement du quotidien, place virtuelle qui fonctionne en parfaite complémentarité avec la matériauthèque physique axée sur le sensoriel.

De par ses projets développés à l’international, RDAI, a depuis toujours collecté des matières venant des quatre coins du monde. Son ouverture au-delà des frontières est sans doute la plus grande spécificité de notre matériauthèque. Les mêmes matériaux existent partout dans le monde, ce qui diffère, ce sont les chemins qu’ils parcourent, selon les artisans et leurs techniques de mise en œuvre. Cette diversité de procédés de transformation pour un même sujet est captivante. À l’heure de la mondialisation, l’enjeu est d’être capable d’identifier toutes ces spécificités, toutes ces techniques particulières qui participent à l’identité d’un projet. Je suis consciente de la chance qui m’est offerte d’évoluer dans cet univers confidentiel et d’exercer ce métier passionnant, grâce auquel chaque jour est un nouveau challenge apportant son lot de surprises, de découvertes et de belles rencontres !

Texte : Carole Petitjean, responsable matériauthèque et documentation

 

Retrouvez la tribune d’expert de RDAI au sein d’Archistorm daté janvier – février 2019

49 logements et 2 locaux commerciaux à Clichy-Batignolles, Paris

RÉALISATION

BIGONI MORTEMARD ARCHITECTES

 

Implantée sur une friche ferroviaire de 54 ha du 17e arrondissement de Paris, la ZAC Clichy-Batignolles continue à se déployer dans le quadrant nord-ouest de la métropole, tandis que dans la zone est, d’ultimes opérations se construisent. Sur le dernier lot de cette zone, l’agence Bigoni Mortemard a réalisé 49 logements attrayants qui bénéficient de prolongements extérieurs et de vues multiples sur le paysage.  

 

Ce nouveau quartier en plein essor est désormais bien desservi par les transports en commun, avec la ligne 13 de métro, le RER C et le tramway T3, prolongé depuis fin novembre 2018 jusqu’à la Porte d’Asnières. Destinés à 7 500 habitants, ce projet urbain de grande ampleur, initié en 2010, représentera à terme quelque 34 000 logements, dont la moitié est allouée à de l’habitat social, alors que 20 % sont privés et 30 % libres (accession majoritaire) : une place importante est faite aux grands appartements, notamment pour les programmes locatifs à loyer maîtrisé. Le projet affiche également une vocation affirmée de mixité fonctionnelle et sociale, en associant à l’habitat, des commerces, bureaux, activités et services, créateurs d’environ 12 700 emplois. Aussi, le plan d’urbanisme s’organise selon trois secteurs, les deux ZAC Clichy-Batignolles et Cardinet-Chalabre étant dominées par la forte présence du Parc Martin-Luther King, un espace vert conséquent de 10 hectares créé en 2007. À proximité immédiate, se dresse l’édifice prestigieux du nouveau Palais de Justice qui, dessiné par l’architecte renommé Renzo Piano, a ouvert ses portes au printemps 2018. Et c’est dans ce contexte spécifique et porteur, que l’opération de 49 logements, conçue par l’agence d’architecture Bigoni Mortemard et livrée en juin 2018, vient s’inscrire dans la zone est du plan urbain d’ensemble, sur le lot e3.

 

© Bigoni Mortemard

 

De multiples orientations

Occupant l’extrémité sud-ouest d’un des îlots, à l’angle de l’avenue de Clichy et de la rue Bernard Buffet, cet ensemble résidentiel, qui s’étire sur 40 m de long et environ 13 m de large, est totalement intégré au tissu urbain parisien et marque l’une des entrées du parc. En face de ce dernier, prend place le hall d’accueil de l’immeuble de neuf étages (32 m de hauteur), doté de boîtes à lettres d’un côté et de l’autre d’une installation artistique et cinétique, baptisée MASK 2 et réalisée par le studio Nonotak. Le rez-de-chaussée, qui est également équipé de locaux poubelles et vélos, de deux commerces aux vitrines bordant la rue, et d’un logement, donne accès à deux ascenseurs et à un escalier de desserte des logements. Sous le bâtiment, se glisse un niveau de sous-sol logeant des caves et des locaux techniques. Sur le plan de l’organisation des fonctions, « La distribution des logements s’effectue par une série de coursives dont l’extrémité révèle la vue sur le parc. Elles surplombent une cour-jardin implantée au premier étage. », relatent les architectes Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard. Cette desserte des appartements, à chaque niveau, par une coursive arrière nord-ouest linéaire (1,20 m de large), est propice à les rendre traversants. Ainsi, la grande majorité d’entre eux bénéficient d’une double ou d’une triple orientation, notamment ceux positionnés en angle sur la rue et le jardin. Sachant qu’environ 30 % des appartements sont de grands logements, dont la surface est d’au moins 75 m² (4 pièces).

 

© Bigoni Mortemard

 

Fiche technique

Maitrise d’ouvrage : Elogie – SIEMP
Maitrise d’oeuvre : Agence Bigoni Mortemard, Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard architectes associés.
Economiste : BMF
Strucutre : BATISERF BET
HQE : ALTO BET fluides
Acousticien : ALTIA
Entreprise générale : Sicra
Surface totale : 3 679 m²
Cout des travaux : 6,48 M €

Texte : Carol Maillard
Photos : Bigoni Mortemard

 

Retrouvez l’intégralité de l’article sur les logements et locaux commerciaux de la ZAC Clichy-Batignolles au sein d’archistorm daté janvier – février 2019

Faut-il vraiment construire des tours ?

DÉCRYPTAGE: LES TOURS, UN MAL DU SIÈCLE À COMBATTRE ?

 

Alors que les métropoles du monde entier se couvrent de tours, symboles jugés indispensables de leur accession à un statut mondialisé, Paris est en passe de faire de même avec quelques projets ponctuels mais ô combien visibles et emblématiques.

Après la tour du Tribunal de Grande Instance par Renzo Piano, d’autres sont en projet. Ce retour aux années 1960, où les portes de Paris et les quartiers rénovés se sont vus ponctués de tours, suit donc la mode mondiale. Mais est-ce bien judicieux ?

Tour DUO par les ateliers Jean nouvel © Ivanhoé Cambridge

De nombreux arguments plaident en défaveur des tours, particulièrement dans le contexte parisien. La prolifération de tours dans le monde renvoie d’abord une image banalisée où toutes les villes tendent à se ressembler. Mais Paris n’a pas besoin de tours pour exister, à la différence d’autres villes qui en ont fait une référence identitaire, comme Dubaï. Vu de la Tour Eiffel, le paysage parisien se présente comme une étendue extrêmement homogène, d’où n’émergent que les grands monuments et quelque soixante-dix tours de La Défense. Car le Grand Paris est la métropole d’Europe qui possède le plus de tours. Cette typologie architecturale née à la fin du XIXe siècle aux États-Unis grâce aux progrès de l’ascenseur et de la construction métallique, théorisée par les modernes dans les années 1920 comme nouveau paradigme de la ville, a finalement conjugué image symbolique de modernité, logique de promotion immobilière et forme apparente de densité.

 

Une fausse densité

 

Car il existe une croyance naïve, assez largement partagée, que les tours permettent de la densité face à l’étalement urbain. Or si une tour est localement dense à l’échelle du terrain sur lequel elle s’élève, ce n’est plus le cas à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier. Une densité forte ne s’obtient que si on plante des forêts de tour les unes contre les autres, comme dans certains quartiers de Chine. C’est une fausse alternative à l’étalement urbain. Il existe bien d’autres formes de densité, qui en plus utilisent mieux l’espace public. Paris intra muros a ainsi une densité comparable à celle de Manhattan, ville la plus dense des États-Unis et exemple même d’une ville de tours.

Le paysage urbain de Manhattan est caractérisé par ses innombrables tours © Vtravelled

 

Même si dans cette ville les tours suivent l’alignement des rues et le tracé des îlots, les tours font la plupart du temps perdre le rapport à la rue, au sol, à l’échelle du piéton. Une tour est souvent entourée d’un pseudo espace public qui ne profite pas à la communauté. De plus une tour annexe la troisième dimension, occupe l’espace, ne le partage pas, s’approprie la lumière. Plus grave, les quartiers de tours ne favorisent pas l’innovation, la vie sociale, l’interaction, la proximité, la continuité, le voisinage, la vie culturelle, l’économie partagée, même la santé. En réalité la motivation d’une tour, c’est avant tout le prestige, le pouvoir, le statut social, le sentiment d’avoir la ville et le monde à ses pieds. Car cette solution de facilité se voit de loin et impose les vues de ses promoteurs et de ses concepteurs.

 

De la difficulté de concevoir une tour

 

Le paradoxe est qu’il est très difficile de dessiner une belle tour parce qu’elle résulte nécessairement de la répétition d’étages identiques et que cette répétition sur une grande hauteur est délicate à gérer sans engendrer un effet de monotonie. Différentes astuces permettent d’y palier. La classique référence au paradigme de la colonne, avec sa base son fût et son chapiteau, déjà mis à profit par les premiers architectes de tours, permet de magnifier le sommet de manière originale et de qualifier ainsi l’ensemble du bâtiment. Le décalage progressif des niveaux, comme dans la tour Sears à Chicago ou dans la tour du TGI à Paris offre une solution pour casser l’empilage des niveaux. Mais la grande majorité des tours ne s’embarrasse pas de ces subtilités.

Le quartier de la Défense contraste avec le paysage du coeur de Paris © Yann Caradec

 

Au delà de ces question urbaines et formelles, l’inconvénient des tours est leur coût excessif en terme d’exploitation et de maintenance. L’usage des ascenseurs – moyen de transport le plus cher du monde en termes de passagers-kilomètres – induit nécessairement des charges importantes. Le bilan énergétique des tours est plus que médiocre, même pour les plus performantes, et très loin des normes BBC, sans même parler de BEPOS. En réalité les tours sont toxiques pour la planète. La tour n’est pas un simple outil pour résoudre des questions locales de densité. Ce modèle urbain qui s’est progressivement répandu pendant le XXe siècle est désormais prévalent dans de larges parties du monde. Il faut en changer pour faire des villes durables, vivables et viables. Il ne faut pas construire plus haut, il faut construire plus intelligemment  (…)

 

Texte : Bertrand Lemoine
Visuel à la une : À Shanghai de nouveaux gratte-ciel ne cessent d’émerger, et définissent entièrement le paysage urbain © Haoyihaoyihaoyi

 

Retrouvez l’intégralité de la chronique de Bertrand Lemoine, au sein d’Archistorm #94