Au bord de la Lys, à l’intérieur du périphérique de Kortrijk, le site scolaire du Collège Sint-Amand s’implantait là depuis de nombreuses décennies, bâtiments d’époque successives, éléments dissemblables construits au gré des nécessités.
La Tour du Collège, élevée en 1960, abritait un internat pour les collégiens. Son socle contenait des fonctions scolaires complémentaires. Cette Tour du Collège ne répondant plus aux besoins d’aujourd’hui, la Régie de Développement Urbain de Kortrijk lance, en 2005, un concours pour sa réaffectation et pour la réhabilitation des bâtiments du Collège lui-même.
Finalement, des analyses et études approfondies démontrent l’impossibilité de réaffectation de la Tour en l’état et entraîne sa démolition, tout en maintenant le socle alors réhabilité. Le programme de 65 appartements de qualité déployés dans la nouvelle Tour souscrit clairement à l’approche d’une ville dense et verticale afin de juguler l’habitat pavillonnaire dispersé, grand gaspilleur de terrains, de réseaux urbains (routes, eau, gaz, électricité, …) et de déplacements en voiture.
La nouvelle Tour, la K-Tower
Choix est fait d’implanter la nouvelle Tour, non pas à l’emplacement de l’ancienne, mais à l’Est du socle maintenu.
Élancée, la K-Tower limite ainsi son ombre portée et présente son côté le plus étroit et donc sa silhouette la plus fine à la ville (les plans sont dans un rapport de 1 sur 2).Cet élancement visuel se voit encore renforcé par le traitement des façades en tôles blanches, acier inoxydable et miroirs.
Orientée Est-Ouest, la Tour dégage des perspectives lointaines sur le fleuve et s’ouvre au Sud vers la ville historique. Autour du noyau central des circulations et des techniques, les aménagements sont variés : deux ou trois appartements sont possibles par niveau, le loft du dernier étage déploie aussi un living sur deux niveaux. Les plans organisent deux orientations au moins pour chaque logement et leurs larges terrasses alternées.
Basées sur le Nombre Plastique (cher à Hans Dom van der Laan) de valeur approchée de 1,3247, les proportions des grandes façades matérialisent l’harmonie visuelle de leurs sept ordres de grandeurs.
Les façades, divisées en sous-ensembles imbriqués, de dimensions de plus en plus réduites, proposent alors des traitements différenciés en fonction du confort intérieur des appartements et de la récolte de lumière naturelle.
En effet, au-delà de toute l’attention apportée aux qualités visuelles, olfactives, acoustiques et tactiles, l’emploi important de verres à haut indice de rendu de couleurs et de miroirs augmente fondamentalement la luminosité dans le bâtiment et sur ses terrasses.
Surfaces blanches, réfléchissantes satinées, miroirs se combinent aux tôles perforées en terrasses non seulement pour articuler l’enchaînement d’échelles, depuis le vaste paysage jusqu’à la poignée de porte mais encore pour surprendre à chaque heure du jour et en chaque jour de l’année par une image « cinétique » de la K-Tower à chaque fois différente.
Texte : Hugues Wilquin Visuel à la une : Carol Kohen et Quentin Olbrechts (SAMYN and Partners)
Découvrez l’intégralité de l’article sur la réalisation de la Tour au Bord de l’eau au sein du numéro 97 d’Archistorm, daté juillet-août 2019 !
Tour Ycone à Lyon, par les Ateliers Jean Nouvel
RÉALISATION
Tour Ycone, Lyon par les Ateliers Jean Nouvel
Au cœur de Lyon règne la dualité. Le fluvial s’y confronte au collinaire, et l’un comme l’autre ont à leur tour deux visages : l’eau, ce sont le Rhône impétueux et la Saône alanguie, à ce duo répondant celui des collines, Fourvière face à la Croix-Rousse. Ycone aussi allie développement vertical et teintes d’eau, à côté des bleus d’azur ou des ocres empruntés au Vieux-Lyon Renaissance. En brûlant les étapes, déjà l’on remarque deux autres points, que Jean Nouvel ne dit pas, mais qui renforcent l’accroche de son bâtiment au site lyonnais. Voyez : du Rhône et de la Saône tout proches, Ycone n’a pas seulement les touches bleu acier ou vert d’eau, mais aussi les alternances de reflets, de transparences et de matités, car les vitrages formant sa seconde peau prennent différemment la lumière selon qu’ils sont clairs, texturés, ou bien clairs avec couche extérieure réfléchissante. Quant à sa verticalité, elle n’est pas celle d’un gratte-ciel effilé mais bien celle, trapue, d’une colline. Parmi les 92 appartements, certains en effet s’étendent sur plus de 210 mètres carrés, les logements sociaux allant jusqu’au T5, et les logements les moins vastes ont été groupés jusqu’à huit par étage. De la sorte, l’ensemble n’atteint pas 50 mètres de haut au dernier plancher, seuil de la lourde réglementation des IGH.
Rhône et Saône coulent de part et d’autre d’Ycone, ils se marient un kilomètre plus au sud. L’immeuble se trouve donc quasiment au centre de Confluence, qui fait l’objet depuis deux décennies d’une très ample recomposition urbaine. Une première la précéda voici deux siècles et demi, quand l’ingénieur Michel-Antoine Perrache entreprit de combler les multiples bras d’eau par lesquels rivière et fleuve communiquaient, pour repousser le confluent là où il se situe depuis, et ainsi donner 200 hectares supplémentaires à un Lyon affamé d’espace, car surpeuplé. Sur les terres gagnées fut installé tout ce dont nos bons Lyonnais ne voulaient plus près de chez eux – prisons, abattoir… -, de même qu’un ensemble d’équipements liés à la révolution industrielle. Les voies ferrées et la gare (1857) puis l’autoroute Paris-Marseille avec son centre d’échanges (1976) achevèrent de couper les lieux de la cité ancienne. La fin du XXe siècle a vu le début d’un nouvel intérêt de la Ville et sa Communauté urbaine pour ce quartier Perrache. Par le biais de la SEM Lyon Confluence, devenue Société publique locale, elles ont lancé sa mutation en un quartier tout à la fois comme et pas comme les autres.
De fait, Confluence relève du mouvement mondialisé de métropolisation, avec son mix d’habitat, tertiaire, commerces, services et équipements culturels, tout en faisant pénétrer les composantes aquatique et végétale plus abondamment peut-être qu’ailleurs. Une première ZAC côté Saône a permis à une moitié du projet de sortir de terre. Une seconde côté Rhône commence à se concrétiser depuis la livraison en 2018 de l’îlot A3. C’est à la jonction des deux qu’Ycone a pris place, et c’est de chacune qu’elle tient, stylistiquement. La ZAC 1 juxtaposait des couleurs tranchées, et Ycone réunit en elle-même 21 coloris, par touches disséminées sur le bardage de cassettes d’aluminium formant sa première peau. Mais Jean Nouvel a également souscrit à la blancheur prescrite par les architectes en chef de la ZAC 2, en entremêlant les cassettes colorées de cassettes blanches, et en diluant leurs teintes par un soupçon de blanc, pour des effets qualifiés de « pastel ». Quant à la coiffe métallique de l’édifice, on a évoqué sa fonction d’ombrière pour les terrasses des deux appartements sommitaux, mais jamais relevé, semble-t-il, que son geste structurel – deux pans disjoints avec un faîtage à 11 m – faisait écho aux démonstrations de porte-à-faux prodiguées naguère en ZAC 1.
Toujours est-il que cette coiffe au dessin aérien achève de dissoudre le bâtiment dans le ciel, après qu’aux derniers étages, les pixels de bleus plus ou moins légers et de blanc aient commencé à le faire. Tandis que, plus bas dans les étages, les touches d’ocres divers, et autour du socle les chênes et poiriers au haut port fastigié, cadeaux pour les habitants comme pour le voisinage, ancrent sans conteste la construction à la terre.
Maîtrise d’œuvre Ateliers Jean Nouvel Maîtrise d’ouvrage Vinci Immobilier – groupe Cardinal BET Structure Cogeci BET façade Arcora BET Fuildes Katene BET Thermique Katenz BET HQE Etamine Acousticien Génie Acoustique Surface 7 150 m2 SDP
Découvrez l’intégralité de l’article sur la réalisation de la tour Ycone à Lyon, dans le numéro 96 du magazine Archistorm daté mai – juin 2019 !
Faut-il vraiment construire des tours ?
DÉCRYPTAGE: LES TOURS, UN MAL DU SIÈCLE À COMBATTRE ?
Alors que les métropoles du monde entier se couvrent de tours, symboles jugés indispensables de leur accession à un statut mondialisé, Paris est en passe de faire de même avec quelques projets ponctuels mais ô combien visibles et emblématiques.
Après la tour du Tribunal de Grande Instance par Renzo Piano, d’autres sont en projet. Ce retour aux années 1960, où les portes de Paris et les quartiers rénovés se sont vus ponctués de tours, suit donc la mode mondiale. Mais est-ce bien judicieux ?
De nombreux arguments plaident en défaveur des tours, particulièrement dans le contexte parisien. La prolifération de tours dans le monde renvoie d’abord une image banalisée où toutes les villes tendent à se ressembler. Mais Paris n’a pas besoin de tours pour exister, à la différence d’autres villes qui en ont fait une référence identitaire, comme Dubaï. Vu de la Tour Eiffel, le paysage parisien se présente comme une étendue extrêmement homogène, d’où n’émergent que les grands monuments et quelque soixante-dix tours de La Défense. Car le Grand Paris est la métropole d’Europe qui possède le plus de tours. Cette typologie architecturale née à la fin du XIXe siècle aux États-Unis grâce aux progrès de l’ascenseur et de la construction métallique, théorisée par les modernes dans les années 1920 comme nouveau paradigme de la ville, a finalement conjugué image symbolique de modernité, logique de promotion immobilière et forme apparente de densité.
Une fausse densité
Car il existe une croyance naïve, assez largement partagée, que les tours permettent de la densité face à l’étalement urbain. Or si une tour est localement dense à l’échelle du terrain sur lequel elle s’élève, ce n’est plus le cas à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier. Une densité forte ne s’obtient que si on plante des forêts de tour les unes contre les autres, comme dans certains quartiers de Chine. C’est une fausse alternative à l’étalement urbain. Il existe bien d’autres formes de densité, qui en plus utilisent mieux l’espace public. Paris intra muros a ainsi une densité comparable à celle de Manhattan, ville la plus dense des États-Unis et exemple même d’une ville de tours.
Même si dans cette ville les tours suivent l’alignement des rues et le tracé des îlots, les tours font la plupart du temps perdre le rapport à la rue, au sol, à l’échelle du piéton. Une tour est souvent entourée d’un pseudo espace public qui ne profite pas à la communauté. De plus une tour annexe la troisième dimension, occupe l’espace, ne le partage pas, s’approprie la lumière. Plus grave, les quartiers de tours ne favorisent pas l’innovation, la vie sociale, l’interaction, la proximité, la continuité, le voisinage, la vie culturelle, l’économie partagée, même la santé. En réalité la motivation d’une tour, c’est avant tout le prestige, le pouvoir, le statut social, le sentiment d’avoir la ville et le monde à ses pieds. Car cette solution de facilité se voit de loin et impose les vues de ses promoteurs et de ses concepteurs.
De la difficulté de concevoir une tour
Le paradoxe est qu’il est très difficile de dessiner une belle tour parce qu’elle résulte nécessairement de la répétition d’étages identiques et que cette répétition sur une grande hauteur est délicate à gérer sans engendrer un effet de monotonie. Différentes astuces permettent d’y palier. La classique référence au paradigme de la colonne, avec sa base son fût et son chapiteau, déjà mis à profit par les premiers architectes de tours, permet de magnifier le sommet de manière originale et de qualifier ainsi l’ensemble du bâtiment. Le décalage progressif des niveaux, comme dans la tour Sears à Chicago ou dans la tour du TGI à Paris offre une solution pour casser l’empilage des niveaux. Mais la grande majorité des tours ne s’embarrasse pas de ces subtilités.
Au delà de ces question urbaines et formelles, l’inconvénient des tours est leur coût excessif en terme d’exploitation et de maintenance. L’usage des ascenseurs – moyen de transport le plus cher du monde en termes de passagers-kilomètres – induit nécessairement des charges importantes. Le bilan énergétique des tours est plus que médiocre, même pour les plus performantes, et très loin des normes BBC, sans même parler de BEPOS. En réalité les tours sont toxiques pour la planète. La tour n’est pas un simple outil pour résoudre des questions locales de densité. Ce modèle urbain qui s’est progressivement répandu pendant le XXe siècle est désormais prévalent dans de larges parties du monde. Il faut en changer pour faire des villes durables, vivables et viables. Il ne faut pas construire plus haut, il faut construire plus intelligemment (…)