CHRONIQUE

RUBRIQUE SUR UN SUJET D’ACTUALITÉ PAR BERTRAND LEMOINE,

architecte, ingénieur et historien spécialiste de l’histoire et de l’actualité de l’architecture, de la construction, de la ville et du patrimoine aux XIXe et XXe siècle

 

L’accord de Paris signé à partir d’avril 2016 à la suite de la COP 21 tenue l’hiver précédent est censé représenter une importante occasion de faire progresser la possibilité d’un consensus international en vue de réduire les conséquences des activités humaines sur le changement climatique, même si les États-Unis ont récemment décidé de se retirer de l’accord déjà signé ou ratifié par 195 pays. Le principal objectif affiché dans ce texte est de contenir le réchauffement climatique à moins de 2 °C, voire si possible à 1,5 °C, en réduisant l’usage des énergies fossiles. L’accord se focalise sur le gaz carbonique, considéré comme le principal gaz à effet de serre, en cherchant à en limiter la production et à en favoriser l’absorption, de façon à parvenir à une neutralité carbone. Notons que si la production de CO2 est bien en partie d’origine anthropique, elle ne concourt cependant que pour une faible partie à l’effet de serre, essentiellement dû à la vapeur d’eau et aux nuages (à hauteur des deux tiers) présents dans l’atmosphère dans un cycle naturel d’évaporation et de précipitations face auquel les activités humaines ne pèsent guère.

Gaz à effet de serre, réglementation et bâtiments

Si on admet cependant la légitimité de lutter contre la production excessive de CO2, il convient de bien distinguer les composantes de sa production et de sa séquestration. La première provient à la fois de l’activité naturelle de la décomposition des matières organiques et de la combustion de sources d’énergie fossile comme le charbon, le pétrole ou le gaz. Les principaux usages des énergies fossiles sont le chauffage et la ventilation des bâtiments, la circulation routière, l’industrie et, suivant les pays, la production d’électricité, notamment à partir du charbon. Il ne faut cependant pas confondre les dualités énergies fossiles vs renouvelables, les énergies importées vs locales, les énergies pauvres en CO2 vs fortement émettrices et les énergies bon marché vs chères. Le solaire photovoltaïque est ainsi renouvelable, généralement local mais pas toujours, très producteur de CO2 à cause du process de fabrication du silicium des cellules et d’un prix qui se situe aujourd’hui dans la moyenne des prix énergétiques.

Le secteur du bâtiment a été de longue date identifié en France comme le plus gros consommateur d’énergie (42,5 % de l’énergie finale totale en 2011) et l’un des plus gros générateurs de GES (23 %). Pour lutter contre ce phénomène et inciter les ménages à réduire leur consommation énergétique, une nouvelle réglementation thermique nationale a été produite il y a cinq ans, dite RT 2012, avec l’objectif de diviser par trois la consommation des bâtiments neufs par rapport à 2005. Cette réglementation prévoit en particulier que les nouveaux bâtiments ne doivent pas consommer plus que 50 kWh/m2.an, un seuil très bas dit « bâtiment à basse consommation ou BBC », avant l’objectif dans la nouvelle réglementation dite RBR 2020 de bâtiments à énergie presque positive, qui prenne en compte la question du poids carbone des bâtiments et de leur exploitation. La France entend ainsi montrer la voie en assumant des objectifs ambitieux : plus d’économies d’énergie, moins de carbone.

Si la nouvelle réglementation en préparation durcit et complète les exigences de la RT 2012, elle ne remet pas en cause son moteur de calcul. L’application concrète de la RT 2012 et partant son évolution en RBR 2020 pose ainsi problème car si elle répond bien aux objectifs de réduction des consommations, elle favorise intrinsèquement l’utilisation d’énergies fossiles responsables de l’augmentation des GES. Son mécanisme complexe prévoit en effet de prendre en compte l’énergie primaire mobilisée dans les bâtiments et non l’énergie finale effectivement consommée. La transformation de l’une en l’autre est affectée d’un coefficient arbitraire de 2,58 censé rendre compte des pertes de production, de transformation et de transport. Or on considère dans la RT 2012 que l’énergie électrique n’est pas une énergie primaire mais finale, car elle a dû être produite par un processus de transformation comme une turbine à gaz ou à vapeur, ou une centrale à charbon. Ainsi l’objectif de consommation est-il ramené dans le cas du chauffage électrique à seulement 19,38 kWh/m2.an au lieu de 50 (soit 50 divisé par 2,58)

Barage de Plan d’Amont Maitre d’ouvrage : Électricité de France (1951 – 1956) © D.R

Les énergies renouvelables sont électriques

Cela exclut de fait le chauffage électrique de la construction neuve, sauf à surisoler son logement pour rester en dessous de ce seuil très bas. Sa part dans les logements collectifs neufs est ainsi passée de 68 % en 2008 à moins de 20 %, au profit du chauffage au gaz, car énergie primaire. Cela se paie par des importations massives de gaz à hauteur de 14 M € en 2014, un gaz brûlé dans des chaudières importées à hauteur de 95 % et par une augmentation significative des émissions de CO2. Cependant, la plupart des sources d’énergie renouvelable telles que barrages hydroélectriques, éoliennes terrestres ou marines, cellules photovoltaïques, centrales d’incinération des ordures ménagères ou de biomasse ou turbines alimentées par du biométhane produisent bien de l’électricité. N’oublions pas par ailleurs qu’une centrale nucléaire produit 300 fois moins de CO2 qu’une centrale électrique au charbon. Or 74 % de l’électricité est produite en France dans des centrales nucléaires, à la différence par exemple de l’Allemagne qui a opéré une transition du nucléaire, certes vers les énergies renouvelables, mais surtout vers le charbon, particulièrement dommageable en termes de GES (…)

Texte : Bertrand Lemoine
Visuel à la une : Éoliennes en mer ® D.R

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