EXPÉRIENCE HÔTELIÈRE

SURÉLÉVATION BLEU… HORIZON
RÉNOVATION-EXTENSION HÔTEL WALLACE, PARIS
SILVIO D’ASCIA, ARCHITECTE, HAUVETTE & MADANI, ARCHITECTES D’INTÉRIEUR

Le tout jeune groupe hôtelier Orso vient de métamorphoser un petit trois-étoiles suranné du 15e arrondissement — à 200 mètres du métro Cambronne — en un quatre-étoiles mêlant « remarquablement » modernité et tradition. L’architecte d’origine napolitaine Silvio d’Ascia est à la manœuvre de ce « redimensionnement » tout aussi astucieux qu’économique ! Le bleu nuit du zinc prépatiné est devenu la dominante chromatique de l’architecture intérieure signée de Samantha Hauvette et Lucas Madani.

Reconstruire la ville sur la ville

Avant la pandémie qui la frappe aujourd’hui de plein fouet, l’hôtellerie parisienne poursuivait sa croissance en prévision des Jeux olympiques de 2024. Celle-ci s’opérait non seulement en investissant les abords du périphérique, mais aussi en rénovant, restructurant et/ou agrandissant nombre d’établissements indépendants s’étant laissés dépasser par leur époque.

En à peine quelques années, les fondateurs du groupe Orso — Anouk et Louis Solanet — ont su s’imposer sur ce dernier créneau de la scène hôtelière parisienne. Militant contre la surnumérisation des services et prônant « un retour aux vraies valeurs de l’hôtellerie — bonnes manières, simplicité et générosité — », ils ont ressuscité pas moins de huit adresses « assoupies » (dont l’Hôtel Rochechouart), leur ont donné un nouveau souffle. Toutes différentes d’esprit, elles affichent néanmoins un air de famille où le pragmatisme batave d’Anouk fait bon ménage avec la latinité corse de Lucas.

C’est en visionnaires qu’ils se sont intéressés à l’Hôtel Wallace — sis 89, rue Fondary, quasiment à l’angle de la rue de la Croix-Nivert — abritant 34 chambres dans deux modestes bâtiments R+1 + comble sur rue et R+2 sur cour desservi par coursives. Ils confient le challenge à Silvio d’Ascia qui signe ici sa deuxième rénovation-extension hôtelière (après le Moxy Bastille l’an dernier).

Une subtile et complexe restructuration-surélévation

Au premier coup d’œil, difficile d’imaginer qu’une bonne partie de l’existant a été « recyclée » grâce à une ambitieuse reprise en sous-œuvre — micropieux en fondation, poteaux et IPN avec ceinture acier — ayant permis de créer un vaste sous-sol et de surélever de quatre niveaux[1] l’immeuble côté rue. Décaissée de plusieurs mètres et en partie recouverte d’une grande verrière télescopique implantée au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée, la cour est devenue le cœur lumineux d’un généreux bar — où se prennent les petits-déjeuners — que ceinturent des locaux techniques (office, vestiaires, laverie, chaufferie), une belle salle de séminaire éclairée en second jour, un jardin de 12 m2 sur lequel prend jour une salle de fitness.

Ainsi exempt de tout autre service que la réception — précédée d’un double sas —, le rez-de-chaussée a pu accueillir six chambres dont deux pour personnes à mobilité réduite, les trois bureaux situés neuf marches plus haut, à l’arrière de l’atrium, pouvant être ultérieurement convertis en habitations complémentaires. Les cages des circulations verticales originelles ont été conservées, mais avec changement complet de l’ascenseur et inversion du sens de l’escalier principal afin d’optimiser les paliers (recevant la lumière naturelle) et la distributiondes étages. Un escalier accessoire parachève désormais la sécurité de l’immeuble sur rue.

Chacun des deux premiers étages comporte 12 chambres, parmi lesquelles quatre des sept donnant sur cour sont distribuées par la coursive préexistante. Les deux niveaux suivants n’en offrent plus que sept, dont les deux sur cour présentent un plan en sifflet, leur façade — en léger redan biseauté — étant revêtue d’un bardage zinc prépatiné bleu (RAL 5008) à joint debout. La toiture à une pente de l’immeuble arrière a cédé la place à une bien inattendue terrasse de 70 m2, communiquant avec le troisième étage, parquetée de teck, joliment plantée de roseaux, oliviers et arbustes, avec vue au nord sur la tour Eiffel. La clientèle y viendra flâner, boire un verre ou recevoir, à la belle saison, à moins qu’elle préfère un sauna ou un bain scandinave. La suite du cinquième étage en attique « comblera » les plus fortunés avec son ample terrasse méridionale (28 m2), également accessible par une double porte vitrée depuis la salle de bains, et sa panoramique baie libre mansardée septentrionale cadrant la Dame de fer. La partie occidentale du comble — dûment ventilé et isolé phoniquement — escamote avec élégance les disgracieux édicules techniques habituels.

Un hôtel des faubourgs revisité

Il importait à l’architecte des Bâtiments de France que l’architecture s’intègre au caractère faubourien de la rue Fondary tout en affirmant sa spécificité hôtelière. Silvio d’Ascia a donc proposé de recourir à un enduit parisien sur isolation extérieure en façade principale, façade dont il a conservé la modénature préexistante aux rez-de-chaussée et premier étage tandis qu’il a amplifié la dimension des baies carrées (1 950 x 1 950 mm) à doubles vantaux de l’extension avec jardinière et cadre, le tout en alu thermolaqué du même bleu nuit que la couverture et les stores pilotés par GTC. En résulte un très graphique jeu d’ombres et de lumière mouvant au fil de la journée, du climat et des saisons.

Pour le jeune duo d’architectes d’intérieur, « ce lieu sans histoire s’est révélé libre pour être réinventé. Il est désormais teinté d’inspirations seventies, mélange de Riviera italienne et de rétro parisien élégant. » Granito surdimensionné au sol, comptoir avec baguettes de marbre blanc et plateau de bois rouge pour la réception. Moquette tropicale dans les circulations. Parquet blond avec insert de moquette rouille sous le lit, Componibili de Kartell en chevets, guéridon laiton, téléphone en bakélite, appareillage électrique en porcelaine, sanitaires en granito. Un bien-être quelque peu décalé… mais efficace !

  1. 1. Structure mixte métal et bois (charpente et bac acier collaborant type Cofradal®230 + construction en ossature bois en façade) du deuxième au quatrième étage, ossature acier pour le cinquième étage en attique.

Elevation

Fiche technique 

Surface : 1 376 m² (dont 577 m2 d’extension)
Coût : 5 M€ HT
Livraison : 2020
Chambres : 45
Maîtrise d’ouvrage : Orso Hôtels – Solanet SAS Gestion Hôtelière
Maîtrise d’œuvre : Silvio d’Ascia Architecture
Architecture d’intérieur : Hauvette & Madani
BET : Make Ingénierie (structure), Pinard Ingénierie (fluides), Moex Venatech (acoustique)
Couverture zinc : Rheinzink
ITE : STO-Ventec

Texte Lionel Blaisse
Photos Courtesy Silvio d’Ascia © Takuji Shimmura

Retrouvez l’expérience hôtelière sur l’hôtel Wallace à Paris par Silvio d’Ascia, architecte, Hauvette & Madani, architectes d’intérieur dans le daté janvier – février 2021 d’Archistorm