ART ET ARCHITECTURE

Regard transversal entre art et architecture

 

C’est tout Orléans qui s’est mis à l’heure de la Biennale d’Architecture orchestrée par le nouveau directeur du Frac Centre – Les Turbulences, Abdelkader Damani. des fanions imaginés par la jeune scène espagnole ponctuent la rue Jeanne d’Arc, des étudiants de l’ENSA Nantes ont investi l’une des friches prochainement reconverties en « fabrique artistique et culturelle », Les Vinaigreries Dessaux, tandis que la collégiale Saint-Pierre-Le-Puellier accueille une exposition collective.

La Biennale s’attache pour sa première édition à célébrer le fantasque et transgressif Guy Rottier aux tanneries d’Amilly et l’affranchi Patrick Bouchain qui n’a jamais voulu s’inscrire à l’ordre des architectes.

Alors qu’il vient de léguer l’intégralité de son fonds (65 maquettes, 180 carnets de recherche et plusieurs milliers d’archives) au Frac Centre (Val de Loire), Patrick Bouchain en est l’architecte invité d’honneur. Proche des arcanes du pouvoir, du ministre de la culture Jack Lang, il entend dès les années 1980 « construire autrement ». Sa vision pragmatique chère à John Dewey cadre mal avec l’approche purement fonctionnelle. Mais « au fond ce qu’on lui reproche parfois, c’est peut-être son audibilité : ses mots essaimeraient « trop » largement ou « trop » facilement ; ils auraient « trop » pris le devant de la scène, contribuant à fixer ses productions « trop » en dehors ou « trop » en-deçà de l’architecture »[1]. Patrick Bouchain se fait le narrateur d’une méthode de travail, de celle qui consiste à s’immerger dans des mondes aussi divers que les forains (monde qu’il connait bien par son père artiste forain), les politiques (il a réalisé des éléments de campagne pour Georges Marchais en 1981), les laissés pour compte (atelier des délaissés avec Gilles Clément) et les migrants avec ses réflexions autour de ce qui fut la jungle de Calais avec le collectif PEROU. Son architecture revendique des valeurs bien actuelles : replacer l’habitant au centre du projet, faire confiance, économiser les moyens et dépasser les contraintes et obstacles des « bloqueurs professionnels ».

Dominian Chapel, Ibadan, Nigéria. Courtesy Ugochukwu-Smooth Nzewi, 2017.

 

L’exposition révèle aussi tout un pan méconnu de ses collaborations avec les artistes dont Daniel Buren pour les deux plateaux du Palais Royal (1986), Joseph Kosuth pour « la Pierre de Rosette » à Figeac (1989), Claes Oldenburg, « Le vélo enseveli » du parc de la Villette (1990). Il assure la reconversion de friches en lieux culturels tels que le Lieu Unique à Nantes (1999), le Magasin à Grenoble (invitation de Jean-Luc Vilmouth en 1985), et imagine des formes nomades (le Centre Pompidou Mobile, l’unité mobile inspirée de Jean Prouvé). Parmi ses nombreuses propositions, les fosses conçues pour le théâtre de Zingaro à Aubervilliers (1989) s’inspirent de ses relevés topographiques de jeunesse alors qu’il était en Afrique (1967-69) avec Jean Rouch.

Parallèlement à cette monographie d’envergure, la Biennale d’Architecture offre un rapide tour d’horizon de projets étrangers issus des résidences (Saba Innab, Mengzhi Zheng), un focus sur la scène expérimentale espagnole méconnue, ou encore des idées plus spéculatives comme le tapis volant du grec Aristide Antonas (The narrative of the flying door, Flying Floor#017, 2015), forme résiduelle d’intimité à l’ère post-internet.

[1] Marcher dans le rêve d’un autre, « Tracer, Transmettre », Abdelkader Damani, Aurélien Vernant, Patrick Bouchain, , catalogue de l’exposition, Frac Centre, Les Presses du Réel, 2017, p.62.

 

Texte : Alexandra Fau
Image à la une : Patricia Bouhain, Le Grenier, Nantes, 2011. Collection Frac Centre-Val de Loire, donation Patrick Bouchain

Retrouvez cet article au sein d’ArchiSTORM #88