PORTRAIT

MIKOU STUDIO

 

C’est bien parce qu’elles se ressemblent qu’elles sont si différentes. Grâce à leur vision complémentaire, Salwa et Selma Mikou enchaînent des projets importants qui leur valent la bonne reconnaissance du milieu architectural en France comme à l’étranger.

Natives de Fès au Maroc, Selma et Salwa Mikou prétendent que leur vocation d’architecte est née dans la médina où elles ont grandi : « Ces ruelles labyrinthiques nous ont appris très tôt la sensation de l’espace, l’étroitesse et la dilatation, la cohue et le calme, la lumière et l’ombre, les murs et le ciel, les fermetures et les ouvertures, le dépouillement et l’ornement… » se rappelle Selma. Cette perception sensorielle de l’espace ne les quittera plus, qui motive leur choix professionnel. Les deux soeurs jumelles commencent donc par s’immerger trois ans dans le bain artistique de Paris-Malaquais avant de s’ouvrir aux enseignements théoriques de Bernard Huet et Patrick Berger à Belleville. Puis elles entrent, Salwa chez Nouvel, Selma chez Piano, où elles travaillent sur de gros projets (notamment la grande mosquée d’Abu Dhabi où les deux équipes sont en concurrence) avant de s’engager, ensemble, en 2005, sur leur propre chemin qu’elles choisissent de tracer en France, plus confortable que le Maroc en termes d’organisation de la profession, de cadrage juridique et de maîtrise technique.

Habiter qualitativement l’espace

Depuis dix ans, le Studio Mikou enchaîne les projets ambitieux – équipements éducatifs, sportifs… L’exercice de créativité commence dès la lecture du programme. Un programme que Salwa épluche attentivement pour l’interpréter avec une idée fixe : trouver un moyen d’habiter qualitativement l’espace pour concevoir un bâtiment qui se vit. Ce n’est qu’à l’issue d’un long processus itératif, largement appuyé par des formalisations sur maquette, ce n’est que lorsque le « principe spatial d’articulation des éléments » semble avoir trouvé ses qualités intrinsèques, des qualités génératrices de plusvalues en faveur de l’usage, que commence le travail sur la « figure » esthétique. « Dès que la spatialité intérieure s’installe, la figure peut s’enrichir et trouver son sens. Nous aimons l’architecture expressive, mais nous tendons davantage vers le registre de l’abstraction. Non par goût mais parce qu’il faut bien se résoudre au compromis et trouver la bonne équation qui intègre toutes les données contextuelles – budget, géographie, normes écologiques,fonctionnalités, cartésianisme. En revanche, nous ne transigeons jamais sur la générosité spatiale. » Le choix du matériau arrive ensuite, qui contribue à donner une vérité au projet.

Répondant à des concours ouverts internationaux au Maroc, au Congo-Brazzaville, le Studio Mikou est souvent retenu… Exprimant le souhait d’élargir leur champ de références, les deux soeurs rêvent de réaliser des programmes culturels « pour la liberté de fonctionnement qu’ils soustendent », mais surtout une tour, « édifice emblématique s’il en est d’une ville ». Faut-il y voir un désir prononcé de s’affirmer ou l’expression d’une volonté de puissance puisqu’à les entendre, l’architecture est une manière de se construire personnellement . Le propos mériterait une analyse approfondie. Quoi qu’il en soit, la gémellité serait sans conteste un atout puisque, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, l’une idéaliste, l’autre pragmatique n’entonnent jamais le même refrain, convoquant systématiquement des références et des concepts différents dans une succession de points et de contrepoints dont on sait combien elle est source d’harmonie dans les polyphonies. […]

 

 

Texte : Delphine Désveaux
Visuels : ©Sami Trabelsi

Retrouvez la suite de ce portrait dans le n°72 d’ArchiSTORM