Atelier PNG. Trois simples lettres, les trois initiales des prénoms de Pedro (Antoine pour l’état civil) Petit, Nicolas Debicki et Grichka Martinetti, en guise de signature. Une histoire d’amitié développée sous le sceau de l’architecture. Les trois associés se sont rencontrés en 1999 : ils étaient alors en première année d’études à l’école Paris-Val de Seine. Après leur diplôme et sans avoir encore trop d’expériences, les amis décident de se constituer en atelier, qu’ils ouvrent en 2007. Plus tard, les PNG feront le choix de s’implanter à Voiron, commune de 62 000 habitants au nord de Grenoble, aux portes du massif de la Chartreuse. Cette installation en territoire rural est motivée par des attaches familiales, l’attrait de la montagne et le désir d’accéder aux commandes localement. L’atelier se déploie désormais entre la capitale et l’Isère. La rencontre se fera donc avec Grichka dans leur « grotte » parisienne, un rez-de-chaussée du 13e arrondissement, et en visioconférence avec Pedro et Nicolas, depuis l’Isère.

Pour mieux comprendre la démarche des PNG, un retour en arrière s’impose. Leurs premières réalisations sont parisiennes, deux « petits » projets dont l’intitulé « ne faisait pas rêver a priori ». Les sites, en revanche, sont très emblématiques : le Jardin des plantes et l’Assemblée nationale. Le premier appel d’offres remporté est celui du Muséum d’histoire naturelle, pour un centre de tri des déchets, au milieu du Jardin des plantes. Mais le premier chantier livré est l’escalier monumental de l’Assemblée nationale. Ces deux premiers exemples illustrent déjà combien le rapport au site est essentiel dans leurs choix. « C’est à chaque fois ce qui module le programme beaucoup plus que les usages qui peuvent évoluer au cours du temps. » Un site considéré comme réservoir de matières, d’histoires, d’inspiration ou d’interrogations. « Construire des objets autonomes, ce n’est  clairement pas dans notre ADN », proclament de concert Grichka et Nicolas.

Faire résonner la matière

Pedro aime quant à lui parler de « matière située », pour qualifier l’essence de leur architecture. « Dès le départ, c’est la matérialité d’un projet qui nous a intéressés, explique-t-il. Il s’agit de la résonance entre le choix d’une matière et un programme, une histoire, un site. Cette dimension située réunit les éléments matériels et immatériels que l’on arrive à mettre dans une réalisation. C’est la capacité d’un projet à fabriquer un bâtiment qui ne peut être qu’à cet endroit. Une architecture faite “avec” (la maîtrise d’ouvrage, les artisans, les habitants…) autour d’une triple attention : au lieu, à la vie et à la matière. On pourrait aussi parler d’une architecture qui prend soin. » À ses étudiants de l’ENSA Nantes, Grichka a d’ailleurs proposé de réfléchir à ce que serait l’équivalent d’un serment d’Hippocrate pour la profession.

En 2012, le premier projet bâti en dehors de la capitale se pose à nouveau sur un site singulier. Dans un défilé à flanc de montagne, le fort L’Écluse, édifié à partir du XVIe siècle, bénéficie d’un point de vue unique sur la vallée du Rhône. L’histoire mouvementée de l’édifice va guider leur réhabilitation. Un nouvel espace de circulation est construit en gabion, casier métallique rempli de pierres issues des démolitions. L’utilisation de la pierre a été envisagée comme une évolution naturelle du monument », explique Pedro. « C’était aussi une réponse aux inquiétudes des élus qui craignaient que l’on touche à ce patrimoine auquel ils étaient très attachés. Utiliser les pierres de démolition était un moyen de prolonger l’histoire du fort, qui a toujours été dépassé par les progrès des armes à feu, et une façon de le reconstruire sur lui-même. » Même si, pour ses concepteurs, il s’agissait surtout de rebondir sur l’histoire, ce choix constructif pourrait constituer un cas d’école en matière de réemploi. De même, à Villard-de-Lans, pour le quai de transfert du plateau du Vercors, le choix du bois s’est imposé par le contexte. « La demande des élus, qui sont propriétaires forestiers, était de valoriser le bois des forêts communales », rappelle Nicolas. Ce recours au bois résonne désormais totalement avec les notions d’écoconception, de matériau biosourcé ou de filière courte. « Lors de nos études, la question environnementale n’était pas du tout centrale. Nous avons pris le train en marche », reconnaît sans détour Grichka. Autre réalisation emblématique, l’équipement public de Neuvecelle pour lequel l’équipe prend le contrepied des attendus de la commande. Au lieu de proposer un immeuble totem, elle imagine un ensemble de bâtiments (gymnase, écoles, restaurant scolaire, médiathèque…) avec un double rapport d’ouverture vers l’intérieur (à travers une rue centrale) et vers l’extérieur du village (parvis, façades transparentes, grandes baies sur le lac Léman). Conduite avec Julien Boidot et Émilien Robin comme architectes associés, cette réalisation leur vaut le prix de l’Équerre d’Argent en 2021, une récompense professionnelle qui les fait mieux connaître des maîtres d’œuvre et qui leur ouvre plus d’opportunités.

La fabrique collective

Au sein de l’Atelier, qui compte actuellement sept personnes, la fabrique est donc résolument collective. « Nous n’avons jamais envisagé de travailler tout seuls et nous nous sommes toujours dit que travailler à plusieurs serait plus facile. » D’autant que la création de leur entreprise se fait dans une période très compliquée, celle de la crise de 2008. « Notre génération a connu une période de démythification de l’individualisme de l’architecte, complète Grichka. Cela a d’ailleurs été très documenté par les travaux de recherche dans les écoles d’architecte. » En phase de conception, tous les sujets sont donc « traités à trois », et les décisions finales plus faciles à prendre du fait de ce nombre impair. Ensuite, un référent est délégué pour assurer les questions contingentes. « La répartition des tâches s’est beaucoup faite en fonction de l’emploi du temps de chacun et un peu au fil de l’eau. L’idée est de faire au plus efficace pour l’effort collectif. » La collaboration avec des artistes ou d’autres agences d’architecture est aussi naturellement inscrite dans leur démarche. Avec Julien Boidot par exemple, la collaboration se poursuit aujourd’hui pour la réhabilitation de la barre conçue par Édouard Crevel dans la ZAC Python-Duvernois.

En matière de dynamique collaborative et d’ouverture à la profession, leur sélection aux AJAP 14 a certainement marqué une étape. En 2014, avec les 17 autres agences lauréates, des architectes et des paysagistes, ils fondent le collectif AJAP 14 pour s’engager autour d’actions transversales. « C’est le moment où nous avons commencé à nous insérer dans un tissu plus large », se souvient Nicolas. Sélectionné pour la Biennale de Venise en 2016, le collectif présente des projets souvent qualifiés d’ordinaires, dans des territoires éloignés des grandes métropoles. Sous le titre programmatique des « Nouvelles Richesses », le pavillon français de la Biennale marquera les esprits.

Aujourd’hui, la force de l’Atelier est de ne pas être spécialisé dans un programme particulier. Logement, équipements sociaux ou culturels, réhabilitation… le trio entend se confronter à tout type de commandes. Il reconnaît cependant une appétence particulière pour le patrimoine. C’est ainsi que Grichka a obtenu le diplôme d’architecte du patrimoine à Chaillot afin d’asseoir la légitimité des PNG dans la restauration ou l’intégration de l’existant. Fin décembre 2022, l’atelier a ainsi livré la restauration du Grand Rex à Paris, menée en collaboration avec Stéphane Thomasson, missionné pour le ravalement de la façade. La proposition a été de revenir à l’état initial de 1932, en restaurant notamment une partie de la marquise d’origine.

Que souhaiter aux trois associés pour les prochaines années ? Les architectes veulent poursuivre dans la voie engagée depuis maintenant quinze ans. Ils ont notamment des envies de construire en montagne ou, pourquoi pas, de plancher sur l’astronomie, une des passions de Grichka. Signer leurs propres espaces de travail à Voiron fait également partie de leurs projets. Un ancien poste de tramway pourrait bien être le point de départ d’un nouveau chantier de reconversion. Ce bâtiment a aussi hébergé la Maison des anciens combattants : de quoi nourrir la réflexion des trois amis et leur permettre de livrer une nouvelle croisade en faveur d’une architecture située !

Texte : Mathieu Oui
Photos : Juan Jerez

— retrouvez le portrait d’agence sur l’Atelier PNG dans Archistorm 118 daté mars – avril 2023 !