« Si la dimension artistique d’un architecte s’épanouit dans l’intérêt que le commanditaire porte à son oeuvre, chaque fois, le message du client est aussi bref que clair »
Jean-Paul Viguier

Philippe Gastebois, Frédéric Morel, Laura Gelso, Jean-Paul Viguier, Christophe Charon et Francesco Zaccaro
© Alex Crétey

Une agence en marche

Dans toute vie, comme souvent, surviennent ces moments uniques et singuliers où les choses doivent changer, ces passages, ces points d’inflexion, ces instants charnières nécessaires à la confirmation d’une continuité désirée. L’histoire d’une entreprise d’architecture ne fait pas exception à la règle, et la pérennisation de la marque VIGUIER est ainsi aujourd’hui rendue possible par l’aboutissement d’un processus de transmission muri depuis plusieurs années.

Transmission de savoirs, transmission de valeurs, et surtout, transmission d’un projet humain, au moyen d’un relais entre un fondateur émérite et reconnu, Jean-Paul Viguier, des associés, collaborateurs de l’agence de longue date, Christophe Charon, Laura Gelso, Frédéric Morel et Francesco Zaccaro ainsi que Philippe Gastebois, directeur général adjoint. Tous sont porteurs de l’ADN VIGUIER qui leur a été confié.

Ainsi, il s’agit de la naissance d’une agence, « ni tout à fait la même ni tout à fait une autre », qui perpétuera une approche, des convictions, des idées recherchées et renouvelées selon un même processus, une réponse aux questions posées selon un mode opératoire connu et apprécié, une  restitution des projets à ses donneurs d’ordre d’un niveau de qualité toujours optimal, dans cette aventure unique et sans cesse renouvelée qu’est le rojet architectural.

Bridge, siège social d’Orange, Issy-les-Moulineaux, 2021
©Nicolas Grosmond

VIGUIER, une marque et la force d’une architecture

Du Pavillon français de l’Exposition universelle de Séville en 1992 à Bridge, l’audacieux siège d’Orange en 2022, VIGUIER, c’est à la fois une agence, une épopée et une marque. La production de l’équipe frappe par la diversité des projets complexes qui lui attirent la confiance de grands maîtres d’ouvrage publics et privés. Jean-Paul Viguier, son fondateur, et les associés s’accordent à comparer l’agence à un organisme vivant dont l’état d’esprit et la méthode font la singularité. Riche d’une transversalité et d’une réputation nationale et internationale, elle intervient souvent là où l’on ne l’attend pas, avec un potentiel d’innovation qui lui donne une couleur particulière. Installée depuis 1995 rue du Champ-de-l’Alouette, dans les beaux espaces d’une ancienne usine de métal avec forges et wagonnets entièrement revisitée du 13e arrondissement de Paris, VIGUIER réunit des savoir-faire et des compétences qui en font l’une des grandes agences françaises. Dotée d’antennes à Bruxelles et Casablanca, elle emploie 90 collaborateurs de divers horizons culturels.

Depuis le Pavillon de Séville (1992), le parc André-Citroën, l’aménagement du site archéologique du pont du Gard, l’hôtel Sofitel Water Tower à Chicago, le centre d’exposition Jane and Arthur Stieren du McNay Art Museum de San Antonio au Texas, les sièges sociaux de groupes importants, la tour Maroc Télécom, les bâtiments de l’Institut de traitement et de recherche sur le cancer à Toulouse, qui réhabilitent l’ancien site de l’ancienne usine AZF, et jusqu’aux réalisations récentes pour l’ambassade et le Centre culturel du Canada, l’archipel VINCI ou une grande maison de couture, l’oeuvre de l’agence se signale par la puissance d’une architecture sobre et élégante. Avec les tours Coeur Défense et Majunga, elle a modifié durablement la skyline de la Défense et la silhouette du quartier d’affaires. Avec le parc André-Citroën, le siège de France Télévisions et celui d’Orange, elle a triplement transformé le paysage des bords de Seine. Avec MUSE  et Néo Europa, elle a conçu à Metz et à  Bruxelles des projets urbains mixtes qui font école. Avec la médiathèque Jean-Falala, qui partage le parvis de la cathédrale de Reims, l’aménagement du site du pont du Gard doté d’un musée dédié et d’autres réalisations en sites historiques, elle a tissé des liens entre le patrimoine et l’architecture contemporaine.

Mais à côté de ces projets d’envergure qui mobilisent souvent de hautes technologies, VIGUIER est aussi l’auteur du petit groupe scolaire pilote et low tech en terre crue du village de Besely, à Madagascar, au coeur de la brousse. Conçu avec l’association Écoles du Monde, l’équipement, qui intègre les maisons du directeur et des enseignants ainsi qu’une bibliothèque, dessine une petite urbanité. Cette construction a perpétué des savoir-faire locaux et intégré des matériaux respectueux de l’environnement. Les villageois ont ainsi fabriqué 25 000 briques d’argile crue séchée au soleil, validées par le laboratoire CRAterre de Grenoble, spécialisé dans l’architecture de terre.

Hyperion, Bordeaux, 2021
© Alban Gilbert

État d’esprit et esprit d’équipe

L’approche du métier a été nourrie dès l’origine par la double formation française et américaine du fondateur. Diplômé de l’École nationale des beaux-arts en 1970, titulaire d’un Master of City Planning in Urban Design de l’université de Harvard et ancien élève du MIT, Jean-Paul Viguier a su faire partager la conviction qu’il est essentiel de comprendre son époque pour en faire un matériau de création architecturale.
À son retour des États-Unis, son travail a rapidement fait de lui l’un des grands architectes français.

« C’était l’époque des grands concours d’architecture publique du président François Mitterrand. Nous sommes arrivés premiers ex æquo avec Johan Otto von Spreckelsen sur celui de l’arche de la Défense (1982) où ce projet, réalisé avec Jean-François Jodry, avait les faveurs du jury, mais pas celles du président de la République. Un an plus tard, nous avions le plus grand nombre de voix du jury pour l’opéra Bastille (1983). Le succès fut de remporter ensuite le Pavillon de l’Exposition universelle de Séville (1992) avec François Seigneur, et l’aménagement du site archéologique du pont du Gard (1991). Gagner le concours international du parc André-Citroën, autre grand projet de la ville de Paris, avec le paysagiste Alain Provost et nos colauréats Patrick Berger et Gilles Clément, était un autre challenge tant cette première étape de l’aménagement du quartier des anciennes usines Citroën était disputée », précise l’architecte.

Ambassade et Centre culturel du Canada, Paris, 2018
©Takuji Shimmura

Défenseur engagé de l’architecture et de son rayonnement, ce chef d’orchestre charismatique a donné de son temps pour présider l’AFEX, puis l’Académie d’architecture, et leur donner du souffle dans l’action collective. À l’agence, il a su s’entourer d’une équipe solide et polyvalente, et offrir de vraies perspectives à ses associés, Frédéric Morel, Laura Gelso, Christophe Charon et Francesco Zaccaro. L’agence étant connue pour être à l’écoute des clients, tous partagent la culture de la gouvernance collégiale. Philippe Gastebois, qui occupe les fonctions de directeur général adjoint reponsable de l’administration et des finances, précise :

« En France, on a longtemps cru que travailler à la fois pour le secteur public et le secteur privé était incompatible. Or, parallèlement aux grands projets publics qu’elle réalise, le secteur privé a très vite offert à l’agence des perspectives d’exploration très intéressantes. Au gré des circonstances, elle s’est ainsi qualifiée sur des sujets inédits qui élargissent la curiosité de l’équipe et constituent un savoir-faire unique pour rechercher dans chaque projet des potentialités d’innovation. Cela trouve un écho dans les talents et les centres d’intérêt de chacun des associés. Si les décisions sont collégiales, leur complémentarité permet de faire coïncider la richesse d’une mosaïque de personnalités et la culture d’agence pour fabriquer l’éclectisme des projets. Dans l’intensité des concours et des commandes, les talents s’assemblent. Jean-Paul a inspiré une écriture multiple assumée et une accumulation positive qui laisse aux autres des opportunités créatives. »

(…)

Texte : Christine Desmoulins
Visuel à la une : © Alex Crétey

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