Les architectures se construisent au rythme de leur époque et leur matérialité souvent les date. Il y a, pourtant, quelques exceptions à cette règle. Parmi elles, les tuiles et les briques de terre cuite. En témoigne le concours Architendance de la Fédération Française des Tuiles et Briques organisé depuis dix ans. La redécouverte de ses palmarès successifs ne laisse pas d’étonner ; de nombreuses réalisations se révèlent en effet tout aussi contemporaines aujourd’hui qu’elles ne l’étaient hier. S’il y a, en cause, le talent des architectes, le matériau choisi explique aussi l’atemporalité de propositions exemplaires.

 

Extraits d’interview
Anne-Sophie Kehr, architecte, Présidente du jury du concours la Tuile Terre Cuite Architendance, Présidente du Rma
Jean-Baptiste Fayet, Président du Groupement des tuiliers de la Fédération Française des Tuiles et Briques

Architendance fête ses dix ans, comment se porte-t-il ?

ASK : Le panorama offert par  les lauréats de cette décennie illustre combien la matérialité de la tuile de terre cuite donne du sens et du caractère à une architecture mais aussi à un lieu. Autrement dit, la tuile sert une architecture du quotidien, située, sensible et sobre ; elle est un matériau d’architecture contemporaine, qui, en plus de sa diversité formelle, porte dans son ADN un lien étroit avec les territoires et l’histoire. Elle contribue aussi à une démarche intelligente à travers des valeurs d’écologie, de recyclage, de ressources locales et de mise en œuvre des savoir-faire présents localement. La toiture en tuiles forme des lieux et, plus avant, une relation de proximité avec le monde. Appropriable, ce matériau se révèle présent aussi bien à l’échelle de la vie privée qu’à celle de la vie en commun.

JBF : Depuis sa création en 2012, en partenariat avec le Réseau des maisons de l’architecture, ce sont plus de 400 agences qui ont proposé des réalisations au Grand Prix la Tuile Terre Cuite Architendance. Au travers des réalisations primées, nous observons combien les mises en œuvre évoluent : faible pente, formes complexes et retournement du toit en façade où la tuile est utilisée en bardage pour, par exemple, protéger des ossatures légères notamment en bois. Du point de vue formel, nous observons combien la palette de teintes et de finitions s’est enrichie : large, elle propose un spectre allant des coloris naturels et nuancés aux rendus allant du blanc au noir mat ou brillant, émaillés et vernissés, sans compter les créations sur mesure… La tuile permet donc aux architectes de jouer avec des enveloppes différentes, non pas d’adapter l’architecture au matériau, mais d’apporter avec le matériau des réponses architecturales pertinentes et ajustées sur des sites et dans des contextes différents. Il me semble aussi que le toit redevient un « objet d’architecture », un sujet pour les architectes. Les périodes troublées – que nous avons traversées et que nous connaissons encore – appellent à une forme de réassurance, à une réhumanisation de notre cadre de vie. Le toit et la tuile y ont toute leur place.

© Nicolas Waltefaugle

Catégorie Équipement/tertiaire

Charles-Henri Tachon, architecture & paysage

En Bourgogne, à Saint-Léger-sur-Dheune, un nouvel équipement public attire les regards. Son auteur ? Charles-Henri Tachon, architecture & paysage, agence récipiendaire, en 2019, de la prestigieuse Équerre d’Argent pour la résidence Julia-Bartet située à Paris. La modestie d’une commande et le contexte pittoresque d’un village n’ont nullement contraint cet architecte. Il y poursuit, comme à chaque projet, sa réflexion sur la matérialité.

Une attention particulière a été portée sur les détails de mise en œuvre, notamment avec des arêtiers corniers encastrés posés à sec pour la tuile plate et des arêtiers à emboîtement pour la tuile losangée. Ces couvertures reposent soit sur une charpente en bois contrecollé pour les toitures hautes des deux salles de restaurant, soit sur des fermettes industrielles pour le corps de bâtiment abritant les vestiaires et les locaux techniques.

Catégorie Habitat individuel

Benoit Rotteleur Architecture

Entre Vendée et Paris, l’agence de Benoit Rotteleur, architecte, développe des projets d’habitat individuel mais aussi collectif. Aux Sables-d’Olonne, dans le quartier de la Chaume, à mi-chemin de la côte sauvage et du port de plaisance, Benoit Rotteleur livre la nouvelle adresse d’un « jeune couple de retraités ».

La parcelle proposée se situe en cœur d’îlot ; elle est de fait encerclée de murs et de voisins formant un terrain carré. « Le projet aborde cette clôture d’enceinte comme une frontière entre intérieur et extérieur, privé et public. Placée au centre de la parcelle, l’emprise de la maison est une réduction en plan du terrain », explique l’architecte.

Le travail volumétrique est, ensuite, une déclinaison de cette géométrie parfaite et imposée. « Pour offrir un rapport privilégié avec le jardin et profiter des multiples orientations, la maison s’ouvre sur ses quatre angles. À l’intérieur, un espace libre en étoile relie les quatre orientations. Entre ces deux diagonales viennent s’implanter quatre volumes regroupant l’ensemble des usages de la maison », précise Benoit Rotteleur. Parfaitement symétrique, cette organisation génère des perspectives mais aussi des rétrécissements et des ouvertures. « Cette danse des volumes apporte une grande flexibilité et une diversité d’usages », renchérit-il.

© Jean-Pierre Duplan

Catégorie Habitat collectif

FRESH Architectures

D’aucuns, à l’évocation du nom de Versailles, imaginent un château et ses jardins. S’il est question d’architecture et d’urbanisme, l’esprit échafaude aussitôt un carcan normatif assurant la préservation d’un environnement bâti exceptionnel. Pourtant, ici et là, quelques opérations récentes complètent un patrimoine royal.

Fresh Architectures a, dans ce contexte, développé un ensemble de 58 logements dans le quartier de Montreuil, au nord-est de la ville. « En prenant en compte le caractère historique du lieu, nous avons structuré notre proposition en articulation avec les volumes existants et, par-delà, nous avons imaginé l’interprétation sensible des matériaux de façades », résument Luca Battaglia et Ulisse Gnesda architectes associés et co-fondateurs, et Ramzi Lasram, directeur de projets de l’agence.

Fresh Architectures a dès lors jeté son dévolu sur une matière évidente : la terre cuite. Elle permet d’abord un habillage complet, de pied en cap, de cet ensemble. Elle assure aussi l’élégance d’une proposition qui vient en écho aux autres constructions du quartier.

Habitat groupé

ZoomFactor Architectes

Bruxelles ou le champ d’expérimentation des avant-gardes. La capitale belge s’est toujours montrée enthousiaste à l’égard de la nouveauté, laquelle a trouvé ses expressions dans la grande échelle de projets imposants ou dans la petite échelle de constructions domestiques. Dans la banlieue, Uccle offre, dans cet esprit, un paysage composé de la plus belle variété d’expressions architecturales. Renouvelant cet appétit pour la contemporanéité, un projet de deux maisons individuelles mitoyennes est l’occasion par sa volumétrie et sa matérialité de réinterpréter quelques formes archétypales du tissu pavillonnaire traditionnel.

Le système constructif choisi pour cette opération est mixte. Le socle partiellement enterré est en béton. Les niveaux hors-sols sont quant à eux réalisés en ossature bois. Si la base est traitée en enduit d’imperméabilité, les volumes présentent un revêtement unique en tuile de terre cuite mise en œuvre aussi bien en toiture qu’en façade.

MAGNUM architectes & urbanistes

Son nom est évocateur : la ZAC du Verger. Il témoigne d’un passé agricole marqué par des terres que Nantes a fini par conquérir. Cette expansion urbaine de la métropole régionale est aussi l’occasion de développer des projets exemplaires. Parmi eux, les douze maisons individuelles et les cinq logements intermédiaires en accession sociale conçus par MAGNUM architectes & urbanistes, agence locale, qui revendique « une approche sur mesure, délivrée de tout systématisme ».

À Carquefou, elle a eu soin d’inscrire ces logements dans l’histoire du lieu et même d’en préserver les traces. « Le projet mêle l’architecture au paysage », explique Bertrand

Aubry, architecte, associé fondateur de l’agence. « Préservant d’anciennes haies bocagères constituées de chênes têtards, le projet a été conçu comme un petit village organisé autour de sentes piétonnes, et d’un espace plus aéré aux allures de placette situé à la croisée des parcours piétons et véhicules ».

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Texte : Jean-Philippe Hugron
Visuel à la une : © Javier Callejas

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