Sa double culture lui donne un juste équilibre, en dichotomie, dans une sophistication qui reste artisanale, là où la main de l’homme met en valeur les matériaux naturels. Concevoir des projets avec un raffinement intemporel, mettre en valeur ou redessiner les volumes architecturaux, apporter de la singularité dans la texture des matériaux, créer une atmosphère douce, chaleureuse, conviviale et penser l’objet dans sa dimension incontournable rythment son quotidien. Il est important que la personne qui traverse le lieu puisse s’imprégner d’une expérience.

« J’ai toujours pensé mes espaces de manière globale en imaginant le mobilier qui vient l’habiller et le structurer. J’aime beaucoup passer de l’échelle architecturale à la petite échelle de l’objet. Pour moi, cet ensemble se complète pour créer un lieu harmonieux.

En effet, je pense qu’il y a trois éléments primordiaux dans la relation avec son client pour réussir un projet privé : la confiance, la communication et une esthétique commune.

Il y a un réel sentiment de satisfaction et d’aboutissement à la fin d’un projet privé, lorsque l’on sait que ce lieu va devenir l’écrin des souvenirs d’une famille. »

Sa vision globale du projet lui permet de penser le lieu de l’échelle architecturale jusqu’au design d’objet, ainsi que le choix des matières qui l’habillent. Révéler les différentes perspectives est, pour Emmanuelle Simon, sculpter les volumes en pensant le lien entre l’intérieur et l’extérieur. Le style Art déco et la philosophie Wabi-Sabi dont elle se réclame sont deux approches complémentaires dans ses projets, qui lui permettent de créer des espaces dessinés tout en laissant place à l’irrégularité.

Franco israélienne, Emmanuelle Simon puise dans la culture française le pouvoir de sophistication et bon nombre de savoir-faire. Elle apporte d’Israël, où elle a beaucoup voyagé durant l’enfance, le côté artisanal, les teintes terre, désert, sable, terracotta, l’imprévu aussi, qui, là, rejoint le concept esthétique japonais du wabi-sabi et justement : cette fameuse patine du temps, ces reflets de tout un vécu où l’histoire s’inscrit en filigrane, se devine et garde sa part de mystère !

« Ma décision de devenir architecte d’intérieur est arrivée assez jeune, à l’adolescence, nous raconte-t-elle. Avoir baigné dans un univers artistique durant mon enfance a, sans aucun doute, joué un rôle. Je dessinais beaucoup. Mais la véritable force qui m’a poussée vers l’architecture d’intérieur est cette envie de créer des lieux où les gens vont se forger des souvenirs, des moments de vie.

Je suis arrivée à Paris à 17 ans pour suivre une année de prépa en arts appliqués avec l’idée d’explorer de multiples manières de m’exprimer. Puis j’ai suivi un cursus menant à un double diplôme d’architecture d’intérieur et de design à l’école Camondo. C’était la seule école qui proposait ce type de formation pluridisciplinaire. Cela correspondait à mon désir.

Mes premières expériences professionnelles ont eu lieu au sein d’agences de renom, notamment celles de Jean-Marie Massaud et Pierre Yovanovitch. »

Boulangerie Liberté © Jérôme Galland

Dès lors, la spécificité très française de l’architecture d’intérieur représente, pour elle, cette occasion unique de réfléchir à un lieu, de ses volumes architecturaux jusqu’aux détails de sa décoration. Car le va-et-vient entre le lieu et l’objet n’a de cesse. Elle imagine, projette la vie de son client dans le lieu qu’elle dessine :  Comment va-t-il accueillir ses invités ? Où va-t-il se poser pour lire ? Ou voudra-t-il prendre son café le matin ?…  Un concentré de toute cette multitude de choix que l’être fait, forgé le long d’une vie.

Depuis l’ouverture de son agence en 2017, une vingtaine de projets ont été livrés : des lieux intimes, des lieux de soin ou de dégustation. Pour l’aider dans cette tâche, elle a choisi une équipe riche en talents, engagée, dynamique. Elle est composée d’architectes d’intérieur, de designers et d’une équipe de développement commercial dédiée à l’autoédition des collections de design.

Ses hobbys sont les voyages, la passion de découvrir de nouvelles cultures et des paysages. Rome fut l’une de ses dernières destinations de voyage, ville qu’elle trouve extraordinairement inspirante avec tous ces enduits de couleurs, sa culture préservée, comme figée dans le temps. Un peu comme à Marrakech, où l’inspiration est différente, mais tout aussi puissante : cet incroyable travail sur les enduits, les formes, les motifs, là où les tonalités vibrent avec les matières, le grain qui donne la sensualité.

Appartement Saint-Germain © Damien de Medeiros

De toutes ses influences, il en résulte une palette de couleurs qui lui est propre, assez douce et harmonieuse, afin de mettre en valeur les textures des matières et afin que les volumes architecturaux se révèlent par les jeux d’ombre et de lumière.

Pour exemple, le projet Commandant dans le 16e arrondissement de Paris s’adressait à une famille avec des enfants. Les pièces sont séparées tout en étant ouvertes. Les arches permettent de jouer entre l’intimité et l’ouverture. Elles ont été pensées à la manière d’un cloître. Elles redonnent de la verticalité à la volumétrie. Le blanc des murs permet de renforcer la luminosité et d’accentuer la présence de la matière traitée dans le mobilier : table de marbre de la salle à manger dessinée, calibrée pour l’occasion, les fibres végétales tressées sur la bibliothèque.

Pour la maison franco-japonaise Évidence, toujours dans le dans le 16e arrondissement de Paris, première adresse de la marque à Paris, elle crée une volumétrie expérientielle : on y entre, on y voyage, on y trouve la paix, on y suspend le temps, on s’y apaise. Chaque étape est pensée dans l’aménagement par un jeu de niveaux qui crée une coupure progressive avec le monde extérieur. Matières brutes et textures y sont propices à l’introspection par l’éveil des sens et jouent leur rôle dans ce chemin initiatique.

Dans un tout petit appartement du 7e arrondissement de Paris, la conception est faite à la manière d’un espace hôtelier avec beaucoup de fonctionnalités et la mise en valeur des lieux communs telle la cuisine et son évier en laiton poli miroir. Le banc en bois y devient un fil conducteur à l’usage démultiplié : assise de salle à manger, étagère, méridienne, etc.

Les perspectives environnementales pour l’architecture d’intérieur résident, dans les projets d’Emmanuelle Simon, en l’utilisation de matériaux naturels en circuit court et le travail avec des artisans locaux.

Elle se dit impatiente de dévoiler son showroom qui ouvre en cette année 2023 et d’ici là, elle poursuit son œuvre sur les projets en cours avec une approche encore plus marquée et globale entre intérieur et extérieur, où la nature s’invite dans l’espace intérieur.

Texte : Anne-Charlotte Depondt
Visuel à la une : Boulangerie Liberté © Jérôme Galland