L’artiste coréen, à la carrière internationale, revient à galerie Perrotin pour une nouvelle exposition personnelle. Une occasion parfaite de (re)découvrir la pratique immersive et monochromatique de celui qui travaille depuis trente ans avec ce matériau si spécifique, le charbon.

Né en 1956 dans la ville de Cheongdo, en Corée du Sud, l’artiste Lee Bae a commencé sa carrière en faisant des dessins abstraits colorés, une étape de son travail étonnante quand on connaît son programme artistique actuel, fait de dessins, de peintures, de sculptures et d’installations. Arrivé en France en 1989, avec l’intention de renouveler sa pratique et de se mesurer à un nouveau marché, il pensait entre autres que le déplacement métamorphoserait son art. C’est donc à Paris, à Pantin plus exactement, qu’il fit la rencontre hasardeuse du charbon et que son travail prit toute la dimension plastique qu’on lui connaît.

Cette matière originelle, caractérisée par la profondeur et la luminosité de son noir, renverra notamment l’artiste à l’importance symbolique de l’absence de couleur dans la civilisation asiatique. Non sans évoquer la suie ou l’encre qui est utilisée dans la calligraphie coréenne, la pratique de Lee Bae est aussi structurée autour du dessin et du geste.

Vue de l’exposition « Promenade » à la galerie Perrotin, New-York, 2019

Sa série de sculptures, de tableaux et d’installations Issu du feu est certainement un des piliers de sa carrière faite de variations autour du charbon. Cet ensemble d’œuvres, toutes titrées du même nom, dessine une déambulation qui se définit par une tension de fragilité. Les sculptures, des tronçons d’arbre calcinés, sont installées au sol et peignent ensemble une forêt meurtrie d’arbres fragmentés. D’un équilibre qui semble précaire, les sculptures sont maintenues sur elles-mêmes grâce à des élastiques. On devine le processus : brûlés pendant deux semaines dans un immense four et retirés du feu avant qu’ils tombent en cendres, les arbres transformés ont été figés entre la vie et la mort, maintenus dans un entre-deux délicat. Métaphores à taille humaine du cycle de la vie, ces sculptures — toutes semblables et pourtant si différentes — agissent comme des figures totémiques et donnent au travail de Lee Bae une dimension particulièrement spirituelle.

Au sein de cette même série Issu du feu, on trouve un ensemble de tableaux, également composés à partir de charbon. De loin, ils évoquent le pinceau de la calligraphie, mais il s’agit en réalité de morceaux de charbon appliqués à même la toile. Poli et sablé, le charbon est assemblé en mosaïque et crée une constellation de formes et textures saisissantes. Comme les tableaux noirs de Richard Serra ou de Pierre Soulages, les œuvres nous invitent à une série d’allers-retours afin de percer les mystères de la matière et de sa physicalité.

Une œuvre aux qualités expérientielles également à découvrir dès le 8 janvier 2022 chez Emmanuel Perrotin, accompagnée de grands dessins de la série récente Brushstroke, réalisés avec de l’encre de charbon sur papier.

Texte Camille Tallent
Visuel à la une Vue de l’exposition « Promenade » à la galerie Perrotin, New-York, 2019

Retrouvez l’article Art et Architecture sur l’exposition de Lee Bae dans Archistorm daté janvier – février 2022