L’histoire des métaux est intimement liée à celle de l’humanité. Elle débute avec l’or, cinq milles ans avant notre ère, et se poursuit avec le cuivre, l’argent, le plomb, l’étain, le fer et le mercure, considérés comme les sept métaux initiaux qui de l’Antiquité jusqu’à la Renaissance, rythment et accompagnent l’évolution des civilisations.

Aujourd’hui encore, ils sont omniprésents dans nos vies, on les rencontre dans tous les secteurs d’activité, de la production artisanale à la technologie la plus évoluée, de l’objet le plus rudimentaire et futile, au dispositif le plus sophistiqué et vital.

La maitrise de la métallurgie est le fruit d’un long processus d’accumulation de savoir et d’expérience patiemment acquise. Elle est tout à la fois une science et un art, qui requiert connaissances, savoir-faire et habileté, ce que peu d’entreprises sont en mesure aujourd’hui, de revendiquer. La serrurerie de la Parette – Sarragala est de celles-ci.

En quarante ans d’existence, Alain Quénel, Compagnon du Devoir et cofondateur de l’entreprise, a écrit avec l’ensemble de ses partenaires, collaboratrices et collaborateurs, fournisseurs et clients, sous-traitants et concurrents, une histoire nourrie de projets hors norme, de défis techniques et esthétiques, où le métal se fait trait d’union entre les pratiques et les individus.

Le livre Une histoire du faire retrace cette histoire, à travers une sélection de projets emblématiques. Il aborde également la question de la matière et de son importance dans le processus créatif, ainsi que la relation ambigüe et complexe qui s’est toujours établie entre l’esprit qui conçoit et la main qui réalise.

Pozo de Tinta, crédit photo : Studio 5•5

Extrait d’entretien avec Alain Quénel, compagnon du devoir et fondateur de la Serrurerie de la Parette

Comment l’entreprise s’est-elle développée, et sur quel type d’activité ?

Au début, nous faisions des choses très classiques, mais qui comportaient, souvent, une part de défi. Et puis assez rapidement, ce goût du challenge et de la nouveauté nous a conduits vers des projets beaucoup plus ambitieux. Les premiers architectes avec lesquels nous avons travaillé, comme Charlie Bové, nous mettaient face à des projets qui sortaient complètement de notre champ d’action et de compréhension.

À force de travailler de la sorte, c’est devenu progressivement notre mode de fonctionnement, quasiment notre marque de fabrique que l’on pourrait résumer par : du traditionnel, non conventionnel, et la vraie spécialité, c’est de ne pas se spécialiser.

Quel rapport entretenez-vous avec le métal, avec la matière ?

Le métal a un côté subtil et sensible que l’on ne saisit pas toujours, il faut l’apprivoiser, lui faire la cour, surtout ne pas le brutaliser, d’ailleurs l’on voit de suite si le métal a souffert, il porte les stigmates des mauvais traitements qu’il a subis… Il faut au contraire apprendre à vivre avec lui et être très opportuniste, sinon ce n’est que de la souffrance.
Si on le contraint, c’est qu’on ne l’a pas bien préparé.

Comment la collaboration entre l’esprit du créateur et la main qui concrétise les idées s’instaure-t-elle ?

J’ai toujours mis un point d’honneur à respecter le dessin du créateur et à n’intervenir que ponctuellement lorsqu’une modification technique pouvait simplifier la fabrication, sans trahir l’esthétique du projet. Il est toujours intéressant de faire avancer un concept techniquement. Cela oblige à se remettre perpétuellement en question, or si l’on observe la longue histoire des métaux, on constate que la façon de les travailler relevait parfois d’une approche immuable et quasi religieuse. Personnellement je ne suis pas un mystique, ce qui compte pour moi c’est l’adaptation.

Aujourd’hui, on peut littéralement tout faire, c’est juste une question de temps, de moyens et d’ingéniosité, et de l’ingéniosité, nous en avons à revendre. C’est la raison pour laquelle au bout du compte, il y a toujours un peu de nous dans la pièce finale, même si on ne le revendique pas.

Ce savoir-faire exceptionnel mis au service des projets a conduit La serrurerie de la Parette à travailler avec de grands créateurs, artistes, designers, architectes qui reconnaissent en eux cette incroyable maîtrise de la matière, et une inventivité qui rend possibles et accessibles toutes les audaces.

Texte : Fabrice Pincin
Visuel à la une : Orgue de Notre-Dame d’Evreux, crédits photo : OPUS 5 Architectes, Luc Boegly
Cette rigueur mise au service de la création s’incarne avec maestria dans certaines réalisations hors norme, comme celle de l’orgue d’Évreux, dessiné par Bruno Decaris

— retrouvez le sur la Parette dans Archistorm 119 daté mars – avril 2023 !