La crise que traverse actuellement de nombreux acteurs du secteur de l’immobilier, les pousse aujourd’hui à repenser leur offre. En 2022, Bouygues Immobilier a revu sa proposition de valeur en matière de logement, pour proposer une plus haute valeur d’usages, a formalisé son engagement en faveur de la rénovation et développé de nouvelles offres, inspiré du design, pour repartir des aspirations réelles des habitants. Explications avec Niki Fontaine, directrice de la communication, de la marque et de la RSE.

Bouygues Immobilier ! « Nous sommes un des trois premiers promoteurs français », affirme, avec fierté, Niki Fontaine, directrice de la communication, de la marque et de la RSE de l’entreprise. Il y a près de soixante-dix ans, Francis Bouygues, fondateur du groupe éponyme associait à ses activités naissantes de constructeur une société de promotion immobilière. L’enjeu était stratégique puisqu’il s’agissait de maîtriser une chaîne complète de production. Pour autant, l’essor de la filiale immobilière lui a assuré, avec les années, une part d’autonomie face à la maison mère : « Nous ne travaillons pas systématiquement avec Bouygues Construction, qui n’assure, in fine, la réalisation qu’une petite partie de nos opérations », dit-elle.

Depuis 2011, le spectre des compétences a largement évolué. Bouygues Immobilier fonde alors UrbanEra pour maîtriser l’aménagement de territoires entiers. Et pour cause, les municipalités, ont besoin d’être accompagnées pour assurer leur développement urbain. Si des aménageurs publics et des sociétés d’économie mixte ont pu venir en aide pour mettre en œuvre des plans conséquents, l’ouverture du marché à la concurrence privée a permis l’avènement de nouveaux acteurs dont UrbanEra. Niki Fontaine assure aussi que cette évolution est également le fait d’un contexte différent : « il est désormais essentiel pour un promoteur d’être aménageur. Les enjeux environnementaux nous obligent à élargir notre vision pour agir sur l’ensemble d’un quartier. L’échelle d’un bâtiment ne suffit plus pour répondre à des objectifs écologiques ambitieux à l’heure même où le secteur de la construction se montre l’un des plus polluants au monde », dit-elle. Elle ajoute volontiers une précision à qui verrait malice dans cette politique d’entreprise : « les trois entités, aménageur, promoteur et constructeur, ne sont pas obligatoirement mobilisées dans un seul et même projet. »

L’évolution du marché et les crises successives – sanitaire, environnementale, énergétique et économique – obligent par ailleurs de multiples adaptations. Depuis la COVID 19, Bouygues Immobilier a recomposé son offre pour, au dire de la directrice de la communication, « repenser le rôle du groupe dans la réalisation des villes ». En 2022, Nouveau Siècle est constitué pour aborder avec précision la rénovation patrimoniale dans le cadre de dispositifs Malraux. Moulins, casernes, châteaux, hôtels particuliers, manufactures font l’objet d’une attention particulière. Parmi les opérations remarquables engagées depuis, l’ancien magasin du Printemps à Metz – un élégant édifice Grunderzeit en grès des Vosges – bénéficie d’une intervention signée GHA Architecte pour y créer quatre-vingt-neuf appartements. À Strasbourg, l’Hôtel des Postes, conçu en 1896 par Ewald von Rechenberg et Ernst Hake, a été entièrement rénové,  dans le respect de son architecture néo-gothique. En lieu et place de ces anciens bureaux de poste, on peut aujourd’hui découvrir des logements, une résidence service séniors, des bureaux et une brasserie.

En 2023, Bouygues Immobilier lance Coverso, filiale qui s’attache cette fois-ci à la transformation de bureaux en logements : « lutter contre l’immobilier vieillissant et revitaliser les actifs tertiaires sont dorénavant des enjeux majeurs du marché. Reconstruire la ville sur elle-même permet de réduire l’empreinte carbone de la construction mais aussi limite l’artificialisation des sols. En outre, la crise sanitaire, en développant le télétravail, a eu d’importantes conséquences sur l’offre tertiaire. Les bureaux sont aujourd’hui de moins en moins recherchés. Il nous faut dès lors agir sur ce patrimoine délaissé », résume Niki Fontaine. L’entreprise bouleverse de ce fait ses habitudes à la lumière d’une actualité brutale. « Ces offres n’ont été développées que très récemment car, il y a peu encore, ces projets étaient rares. Par ailleurs, la législation en matière environnementale évolue rapidement. Il nous faut, dans ces circonstances, être particulièrement réactifs », affirme-t-elle.

La désaffection pour l’immobilier tertiaire touche tous les acteurs du secteur. Côté habitat, Bouygues Immobilier livrait ces dernières années 10 000 logements par an, ce qui lui permet avec l’activité d’aménageur mais aussi avec des projets immobiliers développés en Belgique, en Espagne et en Pologne, d’engranger un chiffre d’affaires de 2,032 milliards d’euros pour l’année 2022.

Les lofts du lac à Bordeaux © LD3D

Pour autant, le marché résidentiel est lui aussi en crise. La COVID 19 a vu les attentes changer et l’augmentation des taux d’intérêt vient désormais contrarier de nombreux Français dans leur projets d’acquisition. Dans l’intention de répondre à de nouvelles demandes, Bouygues Immobilier a développé Loji, une offre de lofts configurables. « Les ménages évoluent de même que les familles se composent et se recomposent. Les appartements doivent suivre ces changements. Nous proposons non plus des configurations en pièces mais des plateaux libres. Il en existe de quatre types différents, de 34 à 92 m² avec une hauteur sous  plafond de 2,70 mètres. Chacun, au moment de l’acquisition, compose la distribution de son appartement, laquelle, peut, à l’avenir, moyennant quelques travaux modificatifs, facilement s’adapter », explique Niki Fontaine.

En parallèle, Bouygues Immobilier repense son offre de logements « traditionnels » et développe Cœur de Vie, une démarche fondée sur deux enquêtes aux contours sociologiques et commerciaux menées par l’Observatoire Société & Consommation. « Ces études nous ont montré que l’espace extérieur est devenu encore plus important ; tous nos logements, en réaction, proposent un balcon ou une terrasse. Il importe aussi de réserver, dans un appartement, un recoin de 4 à 5 m² pour un usage flexible : les uns l’organisent en bureaux, les autres y mettent un lit ou un vélo. Cette organisation spatiale a été testée avec succès à Argelès-sur-Mer, une opération conçue par l’architecte Barthélémy RUIZ», dit-elle.

Pour autant, la crise de l’immobilier est bien là. Malgré ses efforts, les chiffres sont en baisse : les réservations entre 2022 et 2023 ont baissé de 30 % pour les appartements et de 40 % pour les bureaux. « Nous avons la chance d’être un grand groupe et de ne pas être mis en danger par cette conjoncture. Il importe toutefois que le gouvernement apporte rapidement des réponses efficaces », espère Niki Fontaine. En attente, face à l’augmentation des prix de l’énergie ou des matériaux de construction, l’entreprise mène d’ores et déjà une réflexion pour diminuer les coûts de construction tout en répondant à un objectif ambitieux en matière de réduction carbone de ses activités : -28% d’ici 2030 par rapport à 2021. Pour ce faire, la direction des achats, de l’ingénierie, du climat et du BIM sont pleinement mobilisées. « Nous cherchons à industrialiser certains dispositifs – notamment les escaliers – et à signer des contrats-cadre avec des fournisseurs, par exemple, de pompes à chaleur, de matériaux moins carbonés comme le béton bas-carbone, ou les matériaux biosourcés ou géosourcés », indique la directrice de la communication. Il est aussi nécessaire de changer la philosophie en matière de logement. Deux mots d’ordre sont donnés : « modularité » et « biodiversité ». La première est testée à travers l’offre Loji. La seconde fait l’objet d’une réflexion plus large à toutes les échelles de projets. Parmi les 1500 collaborateurs de la société, une équipe de six personnes se dédie à la recherche sur le dérèglement climatique et la biodiversité. « Nous travaillons sur ce thème à l’échelle du bâtiment mais aussi de la ville. A Bordeaux, l’écoquartier Ginko (32 hectares) offre 6 hectares d’espaces vert dont 4,5 constitués par un grand parc. 1300 arbres ont été plantés. Ce quartier est aussi le premier du genre chauffé à 80 % par des énergies renouvelables. A l’échelle de l’immeuble, nous sommes toujours plus vigilants au paysage. Les jardins ont longtemps été le parent pauvre des projets. Nous mettons désormais en place un cahier des charges qui implique le passage d’un écologue et d’un paysagiste sur l’ensemble de nos opérations pour réaliser un diagnostic flash et pour créer un socle de nature, un jardin, lequel peut être décliné de trois manières : sensorielle, comestible, rafraîchissant. Le premier est d’agrément, le deuxième s’organise autour de la production alimentaire, le troisième est pensé comme un moyen de lutter contre les îlots de chaleur », résume Niki Fontaine.

L’ensemble de ces initiatives, technique, paysagère, patrimoniale ou sociale ont pour vocation d’affronter les crises que traverse la société. Néanmoins Bouygues Immobilier ne peut agir qu’avec ses partenaires et tient, plus que jamais, à défendre, notamment auprès des élus, son rôle d’ « accompagnateur ».

Visuel à la une : Ginko, Bordeaux © Grégoire Crétinon
Texte : Jean-Philippe Hugron

— retrouvez l’article Bouygues Immobilier, repenser le métier pour réinventer la ville dans Archistorm 123 daté novembre – décembre 2023 !