Architecte de formation, Maxime Bonnevie se voit confier la transformation statutaire des Grands Ateliers en 2017 par le ministère de la Culture. Il ne cesse depuis lors de partager sa passion de l’expérimentation collective. Son objectif ? Poursuivre l’idée initiale des fondateurs de cette plateforme unique : la mise en œuvre d’une pédagogie, inspirée du Bauhaus, mêlant architectes, artistes et artisans en liant constamment enseignement et production.
En France, nous disposons d’un lieu incroyable où expérimenter la matière à l’échelle un, dans une approche de transversale. Maxime Bonnevie, pouvez-vous nous parler des Grands Ateliers ?
Les Grands Ateliers sont avant tout une plateforme technique qui a été imaginée pour permettre de former différemment les étudiants en école d’architecture, d’ingénierie et d’art et offrir la possibilité à ces étudiants mais également aux autres acteurs de la ville, de se croiser dans un même lieu.
Cette structure est née de la mobilisation d’enseignants afin de déployer la partie pratique de leurs enseignements, avec cette idée première de l’expérimentation grandeur nature.
Aujourd’hui, notre lieu abrite quatre grandes activités. Les ateliers pédagogiques restent notre priorité car nous portons au plus profond de notre ADN la volonté de former les futurs professionnels en tenant compte des problématiques environnementales et sociales.
La formation continue, ouverte à tous les acteurs de la ville, constitue notre second socle d’activité. À l’image des ateliers initiaux, ces formations lient théorie et pratique. Les Grands Ateliers ont notamment développé au fil des années une véritable expertise sur les matériaux bio et géosourcés ou encore le réemploi. Afin de dispenser ces formations continues, nous travaillons avec des partenaires experts comme Amaco, Bellastock, RFCP.
Grâce à notre équipement, nous proposons ensuite une activité de prototypage.
Nous permettons à des entreprises ou à des laboratoires de recherche de réaliser des prototypes constructifs, d’assemblage, spatiaux… pour valider leurs processus de conception et de réalisation.
Enfin, nous portons ou co-portons des événements afin de valoriser ce qu’il se passe dans les lieux au quotidien sur des thématiques spécifiques. Nous sommes, à titre d’exemple, à l’initiative du materia award, un prix mondial d’architectures en terre crue, en fibres végétales
et en pierre. Cela nous a permis de sélectionner 40 projets et de les valoriser dans une exposition et un livre. Ce travail de valorisation est réalisé avec des partenaires comme le Pavillon de
l’Arsenal, l’École polytechnique fédérale de Zurich, Amaco ou encore Les Compagnons du Devoir.
Les architectes et les acteurs de la ville dédient-ils assez de temps à l’expérimentation selon vous ?
C’est important de décloisonner le monde universitaire et le monde professionnel. Les ateliers comme le prototypage sont essentiels pour valider ou invalider des innovations. Faire de l’architecture aujourd’hui c’est comprendre comment, dans un territoire donné, avec une ressource et des savoir-faire, les architectures se sont faites et comment on les réinterprète aujourd’hui au prisme de toutes les évolutions de notre société… Cela passe beaucoup par les matériaux. Le sujet désormais essentiel de la rénovation est un terrain propice à l’expérimentation car il est assez vite nécessaire de tester en conditions réelles des prototypes qui peuvent être même implantés dans l’existant.
En France, la recherche en architecture est plutôt théorique. Il existe peu de recherche appliquée comme il peut y en avoir à l ’international, notamment dans les pays anglo-saxons. Il s’agit d’un véritable enjeu pour nous.
Existe-t-il une figure de l’architecture que vous aimeriez saluer à travers cette interview ?
Je saluerais Jean Prouvé et Charlotte Perriand pour leur intelligence de la matière, tout le travail réalisé sur la vie, l’habitat des jours heureux, et l’engouement pour le logement pour tous. Anne Lacaton et Renzo Piano pour leur intelligence constructive et toute leur production architecturale très dessinée.
Aux Grands Ateliers, nous avons par ailleurs des maîtres à penser comme Patrice Doat, fondateur de CRAterre et de notre lieu, ou Pascal Rollet. Sans eux et tant d’autres, notre structure n’existerait pas.
Par Annabelle Ledoux
Exposition du materia architectures © Antoine Séguin
— Retrouvez l’article dans Archistorm 132 daté mai – juin 2025