A+Architecture, le nom bref, discret, sonne comme une salutation amicale. Une signature qui exprime bien l’esprit de cette agence ancrée dans le Sud. Résumée en quelques chiffres dans les plaquettes de présentation, A+Architecture, c’est neuf associés, une centaine de collaborateurs et quatre implantations, à Montpellier, Nîmes, Toulouse et Paris. Mais c’est surtout et comme souvent dans les agences d’architecture, une histoire de copains.

Les neuf associés (de gauche à droite) : Fabien Thuile, Clément Rabourdin, Issis Raman, Vincent Nogaret, Julie Carayon-Couderc, Philippe Bonon, Philippe Cervantes, Gilles Gal, Christophe Aubailly

En 1986, Denis Bedeau et Philippe Bonon, qui se sont rencontrés quelques années plus tôt dans les amphis parisiens de l’Université Paris-Sorbonne Paris IV (UP4), s’associent pour créer leur agence BBA. Rapidement, Gilles Gal et Philippe Cervantes les rejoignent comme associés. En l’espace de trois décennies, l’agence a grandi à un rythme régulier, passant de deux collaborateurs à près d’une centaine. De nouveaux associés rejoignent l’aventure, accompagnant le développement de A+. Une histoire marquée aussi par des coups durs comme le décès de Denis Bedeau, l’associé de la première heure, des suites d’une longue maladie. En 2015, Issis Raman, jusqu’alors directrice administrative et financière du groupe, rejoint les associés. L’intégration l’année suivante du Toulousain Christophe Aubailly, complice de l’agence depuis plusieurs années, offre l’occasion d’un nouveau développement et d’une implantation dans la ville rose. En 2018 et 2019, c’est au tour de Vincent Nogaret, Julie Couderc-Carayon, directrice de travaux MOEX, Clément Rabourdin et Fabien Thuile, architectes, investis dans le groupe depuis de nombreuses années, de rejoindre l’équipe des associés. A+ se situe désormais au 32e rang des agences françaises. C’est devenu un groupe intégrant quatre entités : A+Architecture (architecture, urbanisme et design d’espaces), Arteba (direction de chantier), L’Echo (économie de la construction) et Celsius Environnement (ingénierie thermique, fluides et qualité environnementale). Une pluridisciplinarité qui permet de couvrir tous les domaines d’expertise d’un projet et qui rassure les commanditaires. « Cela amène beaucoup de confiance auprès des maîtres d’ouvrage », assure Philippe Cervantes. « La capacité de faire le suivi de chantier constitue pour eux une valeur sûre, notamment en ce qui concerne la maîtrise des prix et des délais. » À travers Arteba, notamment, le groupe a ainsi pu travailler avec d’autres grandes agences, notamment Foster + Partners (musée Narbo Via) ou AREP (gare d’Austerlitz, en cours de chantier), l’occasion pour les équipes de se frotter à des méthodes de travail différentes et d’enrichir leur pratique.

Palais des Congrès et Casino, Le Cap-d’Agde (34) © Camille Gharbi

L’ancrage méditerranéen

Alors qu’aucun des associés de la première heure n’était originaire de la région, la greffe avec Montpellier a pris au-delà de toutes les espérances. C’est aussi au-delà des contingences météorologiques que les premiers associés ont trouvé une terre d’accueil pour se construire. « Nous avons appris le métier ici et avec beaucoup de générosité », insiste Philippe Bonon. L’agence a accompagné l’essor urbain des années du tonitruant Georges Frêche, maire de 1977 à 2004, mais aussi député, président de la communauté d’agglomération et du conseil régional. Sous ses mandatures successives, la ville se transforme, les grands travaux se succèdent (Antigone, le Corum, le tramway, etc.). Des chantiers qui sont autant d’occasions pour l’équipe de grandir et de s’affirmer. On ne compte plus aujourd’hui les édifices implantés dans leur ville d’adoption : bureaux de la Région Occitanie, siège social de Nexity, Clinique Saint-Jean (groupe Cap Santé), aéroport de Montpellier-Méditerranée, ZAC Port-Marianne Jacques-Cœur, Centre spatial universitaire, mais aussi salle de spectacles Arena, GGL Stadium, etc. Un ancrage qui s’est depuis affirmé au-delà de ce port d’attache pour atteindre l’échelle de l’arc méditerranéen, de Perpignan à Nice, et plus loin, de Bordeaux à Villefranche-sur-Saône, jusqu’en outre-mer. Avec désormais plusieurs bâtiments qui marquent le paysage urbain. Une forte attention au site et la singularité d’édifices qui s’inscrivent durablement dans l’histoire sont des axes importants de leur conception. Pour signaler l’entrée du Cap-d’Agde, les Montpelliérains ont par exemple conçu un bâtiment signal, qui s’inscrit à l’échelle urbaine, en faisant littéralement la passerelle entre la jeune station balnéaire et la ville historique d’Agde. Une promenade qui s’enroule autour du Palais des Congrès et du Casino, deux coquilles blanches ceintes d’une résille dessinée par Hervé di Rosa. L’usage fréquent des claustras, comme celui de la blancheur des façades, signe aussi cet ancrage résolument méditerranéen. Un parti-pris de minéralité et de clarté qui se décline tour à tour en béton blanc ou en pierres calcaires extraites des carrières de la région. Une écriture architecturale qui ose enfin la couleur : surtoiture en métal laqué rouge dessinée par le plasticien Alain Clément pour le domaine de Lafeuillade, loggias vert pomme du Campus Comédie, toiture façon améthyste de l’Arena de Montpellier, peau rouge et losanges de couleurs primaires pour le théâtre Jean-Claude Carrière.

Clinique Saint-Jean Sud de France, Saint-Jean-de-Védas (34) © Camille Gharbi

Organisation en mode atelier

En matière d’organisation du travail, existe-t-il une méthode spécifique au groupe A+ ? Si certains parlent de « mode agile », pour reprendre le vocabulaire managérial du moment, d’autres préfèrent le terme plus prosaïque de « ruche » où ébullition, minutie et synergie sont de mise. « Le A de notre nom peut se lire comme une référence au principe des ateliers, dans lequel Denis et moi avons été formés », évoque Philippe, très marqué par cet enseignement dans lequel toutes les promotions travaillent ensemble. Une organisation horizontale qui favorise la prise de responsabilités quel que soit son âge ou son expérience et dont on veut garder l’esprit. La conception de l’agence, construite entre 2013 et 2016 au sein du domaine de Lafeuillade, reflète justement cette approche. L’espace a été conçu pour faciliter le décloisonnement et la communication entre architectes, ingénieurs, urbanistes, économistes ou designers, etc. Dans ce volume de 1 100 m2, les seules portes existantes sont « celles des sanitaires et des salles de réunions », rappelle Philippe Bonon. Le bâtiment s’organise en plateaux sur des demi-étages, afin de fluidifier les échanges. À l’intérieur, le verre et le béton ont été privilégiés. Pour l’extérieur, une résille de céramique blanche à motif végétal recouvre l’édifice. « La façade étant orientée plein sud, la résille fait entrer un maximum de lumière tout en la filtrant. » Le dessin fait écho à la vigne vierge qui recouvre le mas d’origine ainsi qu’à la végétation environnante du parc classé entourant le domaine, car cette aile contemporaine est attenante à un ancien mas rénové en chambre d’hôtes et restaurant. Un voisinage qui n’est franchement pas anodin quand on sait l’importance accordée à la convivialité au sein d’A+. Régulièrement, les collaborateurs se retrouvent pour des séjours au Club Med ou pour un week-end de partage et de découverte architecturale dans une capitale européenne. Des moments festifs, mais surtout fédérateurs, d’autant plus appréciés que la moyenne d’âge des collaborateurs avoisine les 33 ans. Dans le manifeste d’A+, il est d’ailleurs question de sourire, de voyager et de s’égarer.

Diversité de programmes

Des équipements de santé aux bâtiments culturels, du sport au logement, des bureaux à l’enseignement, en passant par l’hôtellerie ou la rénovation, l’agence est présente sur une très large palette de programmes. Elle s’est aussi distinguée en matière de construction bois. Le théâtre Jean-Claude Carrière de Montpellier, entièrement en structure bois (600 places assises, 1 200 debout), une première pour l’agence, a obtenu le Prix national de la construction bois en 2014. Et la résidence étudiante Lucien Cornil, livrée en 2017 à Marseille, a été doublement récompensée par le Prix national de la construction bois en 2018 et par les Trophées Séquences Bois 2019. Les réalisations en cours témoignent bien de cet éclectisme. Citons, entre autres projets, une nouvelle clinique à Nice, un équipement sportif à Nîmes, préalable au futur nouveau stade du club Nîmes Olympique, et encore deux réhabilitations au caractère plus atypique. Le premier concerne la transformation d’un château en hôtel cinq étoiles dans les environs d’Arles. À Béziers, c’est l’ancienne prison édifiée au XIXe siècle, située sur l’acropole accueillant aussi la cathédrale, qui sera transformée en hôtel de 50chambres, une première française. Nouvelle étape dans la maturité, l’ouverture en 2019 du bureau parisien dirigé par Philippe Cervantes. Cette implantation traduit l’ambition de rayonner au-delà du grand sud. De nouveaux contrats ont ainsi été signés à Strasbourg, Paris, Bordeaux, et en Martinique, avec de nouveaux défis, des échelles différentes. Après la période compliquée du confinement, l’heure est au redémarrage tous azimuts et à un horizon qui n’est plus uniquement méditerranéen.

Texte : Mathieu Oui
Photos : Marie-Caroline Lucat sauf contre indication

— Retrouvez le portrait d’agence sur A+ Architecture dans archistorm 115 daté juillet – aout 2022