Dans un monde en transition, le rôle de l’architecte est en constante redéfinition. Face aux défis de la société actuelle, l’acte de bâtir prend alors une nouvelle dimension, devant répondre aux défis économiques, écologiques et territoriaux de notre époque. Pour faire face à ces problématiques, les cabinets d’architecture Carta Associés et Reichen et Robert & Associés ont uni leurs forces en fusionnant en 2021. Une union motivée par un désir de partage servant l’architecture d’aujourd’hui et de demain, en se basant sur la force du passé et de l’expérience.
En effet, les deux firmes originelles peuvent chacune se targuer de 50 années d’existence. À la tête de cette entité aujourd’hui, Stephan Bernard et Marc Warnery se retrouvent autour de visions et de valeurs communes. « Cette fusion se construit sur un passé riche, mais ne tend en rien à le répéter. Si la notion de transmission est centrale à nos valeurs, comme le démontre notre fondation WRP, installée à Genève, la création de Carta – Reichen et Robert Associés est avant tout une stratégie de développement d’un nouveau programme, et de la volonté de démontrer qu’une agence d’architecture est capable d’évoluer dans le temps, et de perdurer » livre Marc Warnery. Des valeurs communes auxquelles s’ajoute le désir de vivre une aventure partagée à l’opposé d’un parcours solitaire, d’échanger avec un interlocuteur de confiance capable d’apporter un point de vue différent.
L’agence se forge alors une identité plurielle, notamment rendue possible par la transversalité de son expertise. « Carta – Reichen et Robert Associés rassemble de nombreux métiers allant au-delà de l’architecture, et visant à répondre aux questions sociétales de notre temps. Notre profession d’architecte ne peut pas se penser comme une entité détachée de tout. Elle doit s’articuler à travers une vision plus globale, notamment dans le cadre de la réalisation de projets d’envergure en milieu urbain. Bâtir est notre métier, mais nous devons le penser à travers les filtres de la qualité de vie, de la durabilité, de l’urbanisme » commente Stephan Bernard. Depuis la fusion des deux agences, les architectes et leurs équipes basées à Paris, Nice, Marseille, Genève et Rabat, multiplient les projets d’envergure ( Université Euroméditerranéenne de Fès, etc.). Parmi les plus récents, l’Hôpital Cochin, situé à Paris, fait l’objet d’une réhabilitation et d’une extension de son bâtiment classé datant du XXe siècle. Un projet qui vient mettre en lumière une autre des valeurs centrales du bureau d’architecture, le réemploi. « Cette idée de faire avec ce que nous avons déjà à disposition fait partie de l’ADN des deux bureaux depuis plus de 50 ans. Continuer dans cette direction était donc pour nous une évidence, notamment à la lumière des problématiques actuelles, tant économiques qu’écologiques. Mais le réemploi doit s’étendre, et s’appliquer dans son sens le plus total. Cela passe par la réhabilitation du bâtiment, mais aussi la reconversion, celle des matériaux, des énergies, mais également du territoire. Il est question de choix, de ce que l’on conserve et ce que l’on démolit. Mais tous ces choix sont guidés par une unique métrique : le projet. Notre travail est de déterminer de quelle manière le servir au mieux, en assurant sa durabilité écologique, mais aussi temporelle, sans jamais oublier l’humain et son rapport à l’architecture » rebondit Marc Warnery.
Un retour aux valeurs premières de l’architecture, au genius loci, l’esprit du lieu, prenant le pas sur la signature de l’architecte. Dans l’un de ses projets les plus récents, la Bibliothèque Universitaire des Sciences Humaines et Sociales de Lille, le bureau d’architectes imagine une restructuration totale du bâtiment édifié dans les années 1960. L’objectif est alors ici de servir au mieux les usagers en l’adaptant à leurs besoins contemporains, tout en respectant et révélant l’architecture originelle. « Nous intervenons sur un patrimoine préexistant, qui porte déjà sa signature architecturale. À nos yeux, la démonstration de notre travail d’architecte ne doit pas passer par une signature esthétique marquée, encore moins dans un projet de réhabilitation, mais par une intervention sensée, économique, et durable » commente le duo fondateur. Une approche qui n’est cependant pas toujours comprise par les maîtres d’ouvrage, aussi bien privés que publics.
La multiplication d’exemples de projets réussis par l’agence
Carta – Reichen et Robert Associés montre la nécessité de continuer à œuvrer pour que la réalité du monde actuel soit partagée avec les maîtres d’ouvrage qui sont confrontés à d’autres réalités. Mais les pratiques changent. Les décisions de démolir, de mettre en place un plan de réemploi, de reconvertir des bureaux en parking, sont des choix qui s’articulent toujours autour la logique du projet.
« La pédagogie occupe une part importante de notre métier. Il est capital de partager une vision de l’architecture de demain qui doit s’appuyer sur le passé, mais ne doit pas le reproduire » ajoutent-ils. Une vision globale qui pousse les architectes à changer de point de vue, à ne plus penser le paysage dans la ville, mais la ville dans le paysage. À écrire la suite de leur récit, en se basant sur le passé pour imaginer le futur.
Par Aurore De Granier
Toutes les photographies sont de © Juan Jerez
— Retrouvez l’article dans Archistorm 130 daté janvier – février 2025