Concevoir aujourd’hui un ensemble de bureaux est un exercice qui se frotte aux réalités des modes de travail. Avant même que la pandémie ne décide de nouvelles pratiques, quantités d’investisseurs et de promoteurs, au diapason d’utilisateurs, ont exigés de nouveaux espaces tertiaires.

Après que le bureau cloisonné a montré ses limites et l’open-space sa rigueur infernale, d’aucuns ont espéré voir dans le flex-office la possibilité d’une gestion plus souple et, par la même, plus savante. Quantité de collaborateurs n’auront plus, dans ces circonstances, une table attitrée mais la liberté de se placer où bon leur semble. Alors que certaines entreprises ont cru deviner dans cette évolution la création d’un gisement d’espaces au sein même de leur immobilier, d’autres y ont vu l’opportunité de créer davantage de confort. Mieux, des espaces libres d’occupation, propice à la rencontre et à la discussion. Au formel, l’informel.

« Il fallait créer un ensemble immobilier de 31.000 m² qui soit, d’une part, réversible et, d’autre part, divisible dans le cas d’une multi-location. La configuration en peigne que nous souhaitions défendre se prêtait parfaitement à cette demande autant d’ailleurs que le jardin périphérique facilitant l’accès à chaque partie du projet. »
Juan Miri, directeur de l’agence Naço Architectures

La conception de 31.000 m² de bureaux apporte un peu nouveauté sur les planches de l’agence Naço. Alors qu’il fallait, en 1988 procurer un peu de lumière à de vieilles écuries, elle décide de livrer son éclairage à un site déshérité de toute qualité. L’architecture doit se faire la source d’une joie rayonnante, de lignes sinueuses et dorées.

Les plans imaginés pour l’occasion ont ceci de singulier qu’ils ne répondent d’aucuns réflexes. La problématique est observée d’un œil totalement neuf. Le cahier des charges – connu des architectes de bureaux comme une bible ânonnée – est appréhendé avec sérieux mais autrement. La voie pompier, par exemple, fait l’objet d’un traitement paysagé. Benoîtement asphalté ici et là, elle devient, dans le cadre de cette opération, une partie du jardin. Les toitures techniques ? Elles deviennent quant à elles des terrasses accessibles. « Pourquoi réduire sans cesse des espaces à une utilité ponctuelle voire hypothétique ? », s’interroge l’architecte. Aussi tout est traité. Tout est finement dessiné.

Ceci étant écrit, avant que le détail ne soit approché, l’attention se concentre sur le plan. La barre qu’invite à tracer les études acoustiques se trouvent légèrement pliée, le long de la voie ferrée, pour casser une rectitude trop monumentale aux yeux de l’architecte.

De l’autre côté, pour répondre à un environnement dominé par des immeubles de logements organisés en redans, des peignes sont créés pour prolonger visuellement les jardins de part et d’autre de la grille d’enceinte. Cette présence du végétal est pensée pour favoriser l’accueil au sein de cet ensemble tertiaire. Alors que la parcelle ne propose côté rue qu’un faible linéaire de façade, l’entrée est déplacée au centre de l’ensemble : « cette situation nous semblait à même de créer les conditions d’une décélération. Tout un chacun, en franchissant le portait d’entrée, quitte le tempo de la ville, et traverse le jardin pour se rendre paisiblement à son travail », décrit l’architecte, qui décline volontiers les autres bienfaits d’une nature omniprésente : « l’introduction du végétal amène du relief et de la vie. Elle permet aux salariés de se ressourcer, de se reconnecter, d’être stimulés en plus d’être calmés », dit-il.

Cette configuration – aussi belle soit-elle – n’est pas pour remplir l’ensemble des objectifs fixés par la maîtrise d’ouvrage notamment concernant le nombre de m². Monter plus haut n’est pas autorisé par le plan local d’urbanisme. Reste, dès lors, à combler les vides de la parcelle et à renier sur le jardin. « Impensable ! », répond Marcelo Joulia. Il en va de la cohérence d’une proposition. L’impasse lui impose donc de trouver une solution : creuser ! Le sous-sol est en effet un gisement d’espaces. Aussi, le jardin s’enfonce d’un peigne à l’autre, pour créer de généreuses ouvertures vers l’extérieur. Cette solution permet de trouver les surfaces manquantes sans déshériter le dessin de sa générosité originelle.

Côté détail, tout est dessiné à l’échelle 1. Des joints creux jusqu’à la pergola. Tout fait également l’objet de maquettes testées dans le jardin de l’agence située dans une paisible cour du XIIe arrondissement de Paris. Si Naço tire parti de l’intuition dont elle a fait son maître-mot, elle vérifie et met à l’épreuve toutes ses idées. Le réflexe est aussi hérité d’une pratique de designer qui teste continuellement les outils et les objets qu’il conçoit avant de les livrer.

« Notre promesse était de créer un jardin, qui soit une transition pour les occupants de l’immeuble et un agrément pour les riverains. La présence de la nature est en effet essentielle ; elle est un cadre propice à la quiétude. Chacun ressent les bienfaits de cette proximité au quotidien. Aussi, cet espace vert devait à nos yeux contribuer à ce sentiment d’« intériorité ». »
Marcelo Joulia, fondateur de Naço Architectures

A travers ce projet, Marcelo Joulia et son agence démontre que l’architecture tertiaire n’est pas soumise à la terreur de solutions éprouvées, encore moins à la répétition, au cycle du même, bardé d’une trame régulière.

Tout en étant soucieux d’un cahier des charges renchéri de normes et de règles ardues, Naço prouve qu’avec le soin apporté au détail, plus encore à son dessin, un édifice peut pleinement s’enrichir. Mieux, en traitant technique et servitude, dispositifs sécuritaires et phoniques, elle montre que l’architecture se présente et se pense en tout point.

Cet objectif n’aurait cependant pu être possible sans l’appui et le soutien de maîtres d’ouvrage inquiets de qualité architecturale. Sans doute ont-ils vu juste car malgré un marché de l’immobilier tertiaire rendu atone par deux années de pandémie, l’immeuble a trouvé immédiatement preneur : Société Générale y a pris adresse pour y localiser trois mille de ses collaborateurs. Un succès.

Fiche technique 

Maître d’ouvrage : NW FONTENAY SOUS BOIS
Maîtrise d’ouvrage Déléguée : FULTON (SINOUHE IMMOBILIER)
MOEX : CICAD
Architecte : Marcelo Joulia – Naço
Entreprise générale : Spie batignolles ile-de-france
Co-traitant façade : Rinaldi Structal
Surface : 30 000 m2

Texte : Jean-Philippe Hugron
Photos : Raphael Olivier

— retrouvez le Focus sur Sakura, Fontenay-sous-Bois par Naço Architectures dans Archistorm 116 daté septembre – octobre 2022