Mont Parnasse de la modernité pompidolienne, le quartier de la gare éponyme est en pleine mue. L’ancien Sheraton puis Méridien avant de rejoindre la galaxie Pullman – dont il se veut désormais le vaisseau amiral français – vient ainsi d’achever sa rénovation. Nous devons cette supernova au trio de maîtres d’œuvre constitué par MVRDV, SRA et CUT Architectures.

Du Mont Parnasse à l’Olympe ?

Si la société d’économie mixte pour l’aménagement du secteur Maine-Montparnasse vit bien le jour en 1956, ce fut sous Georges Pompidou – d’abord en tant que Premier ministre, puis comme président de la République – que le quartier fit vraiment sa révolution urbaine et architecturale. Trois ans après l’achèvement des deux barres « écossaises » érigées par Jean Dubuisson de part et d’autre des voies ferrées, Louis de Hoÿm de Marien, Urbain Cassan, Eugène Beaudouin et Jean Saubot livrèrent la Gare Montparnasse en 1969, suivie en 1974 par l’ensemble immobilier Tour Maine Montparnasse, à l’esthétique tant décriée. La même année, Pierre Dufau achevait l’îlot Gaîté-Montparnasse que dominaient les 32 étages du Sheraton. En 1985, l’architecture néo-classique de la Place de Catalogne puis le Jardin Atlantique, en 1994, parachevaient enfin l’opération urbaine.

Prématurément dépassées, voire inadaptées aux nouveaux usages urbains cinquante ans plus tard, presque toutes ces « machines » à travailler, à héberger, à commercer, à transporter ont dû faire l’objet d’importants travaux. La rénovation de la gare par AREP et Patrick Jouin s’est terminée en 2020. D’ici 2024, la Nouvelle AOM[1] aura restructuré la tour mal-aimée et son socle. Enfin, le Néerlandais Winy Maas (MVRDV) – associé à SRA – relooke en profondeur le complexe Gaîté-Montparnasse, augmenté d’immeubles de bureaux et d’un socle de deux niveaux homogènes après reconstruction. Ses 108 859 m2 comprennent 39 590 m² de commerces, 12 466 m² de bureaux, 51 465 m² d’hôtel, des logements, une crèche et une bibliothèque. Sur les 500 M€ investis par Unibail Rodamco Westfield, cent l’ont été pour rénover l’hôtel Pullman.

Les circonvolutions excentriques du lobby articulant les services à l’image de satellites.

Embarcadère céleste

S’intégrant au concept de façades « à la Mondrian » – géométriques, aérées et transparentes – préconisé par Winy Maas, la devanture de l’hôtel sur la rue du Commandant Mouchotte est méconnaissable. Elle met en scène deux espaces majeurs sous double hauteur : la Ballroom qui s’ouvre panoramiquement sur la ville, et le hall – dorénavant à l’alignement derrière sa structure acier vitrée – dont le double escalator et la cage d’ascenseur s’élancent à l’assaut du lobby du premier étage que masque un gigantesque paravent à cadres en inox poli miroir et maille d’acier anodisé dont la double épaisseur intègre des LED telle une voûte étoilée.

Repérés par un membre d’ACCOR faisant de la veille, Benjamin Clarens et Yann Martin de CUT Architectures se voient invités en 2016 à concourir sur les services généraux et la rénovation des chambres du futur Pullman Montparnasse. Déclarés lauréats, ils vont aussi récupérer les bars et restaurants. Ils séduisent le jury – et aujourd’hui la clientèle – en leur proposant d’embarquer pour le ciel de Paris – les chambres du 32e étage planent à 115 mètres d’altitude –, voire même pour l’espace. À travers un jeu récurrent de cercles excentriques inspirés des cartes célestes, ils font, du salon du lobby, le cœur d’une station orbitale autour de laquelle gravitent tels des satellites les réception, restaurants, bar, kiosque – aux ambiances contrastées mais complémentaires. Sous une vaste nappe circulaire en résille métallique parcourue de cercles d’inox semblant faire du hula hoop en tête d’un pilier central tout aussi miroitant, des chauffeuses colorées, des transats Gio Ponti et un anneau-banquette périphérique – éclairés par des lampadaires Superloon de Jasper Morrison – satisfont aussi bien l’attente, la rencontre que le travail. Moquette, carrelage, parquet et résine « arc »ticulent au sol les différents usages. Cadrée par des cimaises en noyer, la réception accueille les clients autour de cinq desks constitués d’un bloc en terrazzo gris avec exosquelette en tubes noir supportant différents plateaux en partie circulaires. Ultime station de ce généreux anneau, le restaurant Umami – où se prennent les petits déjeuners – se signale par son allée centrale en bois debout et ses comptoirs en terrazzo noir à gros agrégats colorés aux allures de météorites sous une pluie de globes lumineux.

Les deux niveaux suivants concentrent le pôle conférences-réceptions – jadis en sous-sol – dont la Ballroom du troisième étage en surprendra plus d’un. Pouvant accueillir jusqu’à 735 personnes sous une hauteur sous plafond de près de 7 mètres, ses 742 m2 peuvent être divisés en quatre espaces distincts, grâce à des murs mobiles rétractables. En position fermée, ces derniers segmentent les trois lustres métalliques monumentaux, rétractables et mécanisés qui théâtralisent le volume, mais leur partie supérieure miroitée restitue par réflexion l’intégrité de chacune de ces constellations lumineuses. Les panneaux acoustiques bois, habillant la partie inférieure des murs périphériques, sont surmontés d’une vêture en maille aluminium anodisée s’incurvant en plafond. Largement vitrée, la Ballroom cadre une vue imprenable sur le bâtiment de logements de l’architecte Jean Dubuisson.

Ouvert sur 800 m2 de terrasses végétalisées privatisables, le Green Floor du quatrième héberge une quinzaine de salles de réunions modulables dont une Green Suite avec table de conseil, salon exécutif sur terrasse-jardin.

En page précédente : Les chambres rénovées « voient » leur salle de bain s’ouvrir sur la chambre afin de bénéficier du jour naturel. Une bonne partie du mobilier a été fait sur mesure dans une ambiance boisée, métallique et chaude.

Des nuits plus belles que le jour

Ce vaisseau spatial gros porteur dispose dans ses 24 derniers étages de 957 chambres dont 600 viennent d’être rénovées. Elles offrent huit typologies différentes d’hébergement. Les rectilignes couloirs les desservant revendiquent une certaine pénombre que scandent lumineusement les rubans de LED et la signalétique. De tailles plutôt modestes, les habitations ont vu leur salle de bain partiellement décloisonnée, via une porte vitrée sur pivot pour recevoir en second jour la lumière naturelle. Miroir, penderie d’angle ouverte, mobilier sur mesure, faïence grand format… tout concourt à dilater l’espace perçu et à focaliser le regard sur le panorama parisien aérien que livre la double baie vitrée.

Si vous préférez vraiment respirer l’air de la capitale, la terrasse du Sky Bar du 32e étage vous offrira cette opportunité sur un plateau au décor en pierre de lave émaillée orange, de granit, de mosaïque, de laque et de tubes anodisés verts.


[1] Franklin Azzi, Chartier-Dalix et Hardel Le Bihan, lauréats du concours Demain Montparnasse (2017)

Fiche Technique :

Maître d’ouvrage : Unibail Rodamco Westfield
Maîtres d’œuvre : MVRDV associé à SRA
Architecte d’intérieur : CUT Architectures
BET : Scyna 4 (Structure), Arcora (Façade, Environnement), Lasa (Acoustique)
Luminaires : Lampadaire Superloon de Jasper Morrison (Flos), IC de Michael Anastassiades (Flos)
Sièges : fauteuil D.153.1 de Gio Ponti (Molteni), Roche Bobois, Patricia Urquiola (Moroso), Kettal
Sanitaires : Roca
Carrelage : Patricia Urquiola (Mutina), Bisazza
Moquette : Interface
Appareillage électrique : Jung
Plafond tendu : Barrisol

Texte : Lionel Blaisse
Photo : David Foessel

— retrouvez l’article Expérience hôtelière sur le Pullman Montparnasse dans Archistorm 114 daté mai – juin 2022