RÉALISATION

L’ESQUISSE HÔTEL & SPA – MGALLERY, COLMAR
AEA ARCHITECTES ET GIRÓS & COUTELLIER

UN PROJET D’ENVERGURE

Sis au coeur d’un parc public peuplé de tilleuls centenaires, l’hôtel MGallery L’Esquisse est certainement le produit d’une multitude d’événements, de circonstances  et de belles opportunités, porté avant tout par la vision d’un homme, Henri Helmlinger, fondateur du groupe hôtelier SGH.

Le long de l’avenue de la République, l’immense Champ de Mars, reliant le quartier de la gare au centre-ville, est un véritable havre de paix, idéal pour s’extraire du tumulte de la ville à l’ombre des arbres. Au centre de sa composition, dont le tracé des cheminements évoque la croix de la Légion d’honneur, une superbe fontaine est surmontée de la statue de l’amiral Bruat. Elle a été réalisée en 1864 par Auguste Bartholdi, natif de Colmar, et constitue un symbole fort, une fierté pour la ville et ses habitants. Une autre statue, celle du général Rapp, avait été édifiée dix ans plus tôt par le sculpteur, dotant du nom du héros colmarien la place située au nord du parc. Ces deux monuments installés dans l’alignement de la préfecture renforcent l’attrait du site. La partie sud-ouest, quant à elle, est animée par un ancien carrousel et sa galerie fermée, un modèle unique en Europe.

 

En 1967, une portion du parc est cédée pour permettre la construction d’un hôtel Mercure, dont la clientèle sera principalement composée de professionnels en déplacement dans la région. L’édifice, alors dressé au milieu du site, se présente comme un véritable bunker de béton, parfaitement déconnecté du paysage dans lequel il s’inscrit, et qui plus est, construit à deux pas du secteur sauvegardé. Vieillissant mais toujours en activité, il est racheté au groupe Accor en 2016 par la Société de gestion hôtelière (SGH) qui décide d’enclencher une profonde réhabilitation et restructuration du bâtiment, visant non seulement à le rafraîchir mais aussi à gagner en gamme.

Henri Helmlinger est le patriarche de SGH. La société détient plusieurs hôtels de la région. Issu d’une famille de paysans, il a su garder la simplicité et l’authenticité de ses origines dans sa relation aux autres. Les hasards de la vie l’ont mené à la transformation d’un corps de ferme à Bischwihr pour son tout premier établissement : Le Relais du Ried. S’ensuivent l’acquisition de l’Hôtel Turenne, à Colmar, la reprise de l’Hôtel des Celtes devenu l’Hôtel Restaurant Europe, à Horbourg et l’achat d’un hôtel à Geispolsheim, converti en Etap Hotel, qui permet enfin à SGH d’intégrer la sphère du groupe Accor.

 

À l’origine, il est envisagé de modifier ponctuellement l’ossature, de renforcer çà et là les fondations, de déplacer des cloisons et éventuellement des circulations, afin de réorganiser les flux et le fonctionnement de l’édifice et l’adapter ainsi aux critères de MGallery, l’enseigne retenue pour l’aménagement d’un nouvel établissement. Henri s’appuie sur son expérience dans la construction de projets immobiliers et dans le secteur de l’hôtellerie pour appréhender le potentiel d’un tel emplacement, bordé de deux parcs et d’arbres de haute tige. Des hôtels de luxe, il en existe bien à Colmar, mais celui-ci doit être différent. Il doit pouvoir tirer profit de son cadre verdoyant et de la profondeur du parc.

Le nouvel hôtel devra être composé d’une soixantaine de chambres de luxe. Implanté au coeur du parc emblématique, l’établissement se distinguera non seulement dans son programme, mais aussi dans sa composition. Sa situation et le niveau d’étoiles visé impliqueront un traitement particulier de son rapport à l’espace public. Le projet comportera, en outre, des salles de conférence, un Spa (piscine/hammam/sauna) et un restaurant indépendant de l’hôtel.

Les premières esquisses voient le jour. La trame générale doit être conservée, les escaliers rénovés, les ascenseurs remplacés. Le lobby et la salle de restaurant seront refaits à neuf. Un ravalement des façades devra rajeunir le bâtiment. (…)

« MGallery est une enseigne haut de gamme qui n’est pas normée. Je pense que c’est la raison principale qui a guidé notre choix. Chaque établissement possède son propre ADN, sa propre identité. L’occasion nous était donnée d’exprimer librement la spécificité de cet emplacement, au coeur du Champ de Mars. »
Carole Helmlinger, directrice, SGH

« Une des politiques de notre entreprise est de suivre la modernité et les progrès techniques tout en conservant les anciennes valeurs. C’est dans ce cadre que nous disposons d’un bureau d’études intégré capable de répondre à des projets exceptionnels, ambitieux et très techniques. »
Étienne Werey, président, Wereystenger

 

Entretien avec René-Pierre Ortiz, Architecte associé, AEA

Pauline Malras : Pourriez-vous présenter l’agence AEA et son activité ?
René-Pierre Ortiz : En Alsace, AEA Architectes possède un fort ancrage local. L’agence historique est née à Mulhouse en 1988, fondée par Éric Soldermann, Pierre Schweblin, Franco Viganotti et moi-même. Nous sommes rejoints en 2000 par Richard Lang et Rodrigue Thiemann. Dès 2006, l’agence se développe et se fixe à Strasbourg, puis en 2017 à Colmar et à Paris. Si je suis né à Perpignan et Richard à Bâle (Suisse), tous les autres associés – y compris Marie Réal associée depuis 2015 et Olivier Lingelser depuis 2018 – sont originaires d’Alsace. Nombre des collaborateurs de l’agence sont diplômés de l’École de Strasbourg ou de l’INSA (ex ENSAIS). AEA Architectes rayonne ainsi sur toute l’Alsace et au-delà, comme en Suisse et au Luxembourg. La culture architecturale de l’agence est profondément rhénane.
Du réaménagement intérieur et scénographique en 2007 du Musée Historique, un bâtiment classé du XVIe siècle, jusqu’à la livraison à l’été 2019 du quartier d’affaires Archipel ; de l’Institut de Sciences des Matériaux de Mulhouse (1996) à l’Institut de Sciences et d’Ingénierie Supramoléculaires livré en 2019 ; de la maison individuelle au logement collectif jusqu’à la rénovation d’un restaurant strasbourgeois emblématique situé à quelques pas de l’agence, AEA érige la non-spécialisation en principe, ce qui explique sans doute la capacité des associés et architectes de l’agence à s’enthousiasmer quelle que soit l’échelle du projet. Une capacité d’adaptation nourrie d’un savoir-faire acquis sur les chantiers. Pour AEA, un bâtiment doit certes se montrer robuste et pérenne, encore faut-il que l’architecture soit en elle-même une représentation sensible du programme.
Malgré sa taille (l’une des plus grandes agences françaises), AEA continue de fonctionner comme une « petite agence » dans laquelle chaque projet constitue une nouvelle expérience, sans certitude ni habitude. La proximité des associés, leur capacité à s’adapter au terrain et aux exigences des différents projets constituent des atouts pour les maîtres d’ouvrage qui trouvent ainsi un écho à leurs objectifs, toujours au coeur de nos préoccupations et constituant la genèse même de nos projets.

PM : Sur quelles expériences l’agence peut-elle s’appuyer pour la construction d’un hôtel ?
R-P O : AEA Architectes met à profit cette curiosité qui lui permet de s’adapter à tous les contextes. Ainsi nous ne pensons pas que l’expérience doit rétrécir le champ des possibles mais au contraire qu’il convient d’alimenter notre créativité pour nous emparer de tous les sujets. Aussi l’hôtellerie se nourrit-elle de plusieurs filiations, comme le logement, l’accueil du public, la restauration, les loisirs. C’est une compétence qui se construit à l’aune de ces différentes sensibilités associées à l’expérience ainsi qu’à la culture du voyage et de la découverte. Si l’hôtellerie est un métier à part entière, l’architecte qui s’empare d’un tel sujet doit également s’identifier au client et à l’hôte. En connaître les contraintes, les attentes et surtout rester à l’écoute. J’ai eu la chance de vivre l’expérience de grands établissements.
Mais au-delà du luxe, ce sont avant tout la qualité de l’accueil et l’intelligence du lieu dont je me souviens, c’est-à-dire une réponse simple à des sujets complexes. Aujourd’hui, la période n’est plus à l’ostentation mais au luxe discret, celui de la qualité et de l’authenticité.

PM : Pourriez-vous expliquer ce qui différencie cet hôtel des autres complexes implantés
à Colmar ?
R-P O : Dans le secteur, aucun autre établissement ne peut rivaliser avec la qualité de cet environnement, à la fois verdoyant, proche de la gare et idéalement desservi. L’architecture s’est invitée dans ce cadre exceptionnel avec la projection de larges terrasses pour chaque chambre, suite et appartement. Celles-ci sont protégées par une dentelle d’aluminium perforé filtrant les rayons du soleil et permettant de voir sans être vu. Ensuite, la rencontre avec Marc Rinaldi et le chef colmarien doublement étoilé Jean-Yves Schillinger a permis de compléter le projet d’hôtel luxueux avec celui d’un restaurant d’exception. D’un premier échange impromptu et informel naît rapidement l’idée de créer un nouveau lieu pour le chef et par là même, un nouveau départ pour ce restaurant hors norme. Ce dernier s’ouvre sur le parc et communie avec la nature. L’Esquisse enfin, un nom qui renvoie tout autant à l’architecture qu’au mouvement des idées, à l’adaptabilité, à la légèreté du trait. L’essentiel
est dit, rien n’est encore figé.

Coupe sur le parc et le spa

Fiche Technique

MAÎTRISE D’OUVRAGE : 4HCHAMP, Restaurant JY’S
MAÎTRISE D’OEUVRE : AEA Architectes – Strasbourg
BUREAU DE CONTRÔLE : Socotec
COORDONNATEUR SSI : NAMIXIS – SSICOOR
COORDONNATEUR SPS : REALBATI
BUREAU D’ÉTUDES STRUCTURES ET FLUIDES : EGIS
BUREAU D’ÉTUDES ÉLECTRICITÉ : ID Ingénierie
ARCHITECTE PAYSAGISTE : Acte 2 paysage
OPC : EGIS
PLÂTRERIE CLOISONS SÈCHES : Werey
AGENCEMENT SPA : Atelier des Ménétriers
CVC : Stihlé Frères
SAUNAHAMMAM : Klafs – Soredi
SONORISATION : Michelsonne
DÉCORATION HÔTEL : GIRÓS & COUTELLIER
DÉCORATION SPA : AEA Architectes
DÉCORATION JY’S : Olivier Gagnère

Texte Pauline Malras
Photos Ch. Bourgeois et René-Pierre Ortiz

Retrouvez la réalisation sur l’Esquisse, Hotel & Spa, MGallery à Colmar par AEA Architectes et Giros & Coutellier dans Archistorm daté janvier – février 2022