RÉALISATION

LANCY-PONT-ROUGE, GENÈVE, SUISSE
PONT12 ARCHITECTES

Si Michel Foucault avait vécu à Genève, il aurait probablement ajouté le port franc à la liste des établissements emblématiques de son concept d’hétérotopie. C’est ainsi qu’à côté du cimetière, de la prison et de l’hôpital psychiatrique, on trouverait cet îlot d’extraterritorialité.

Le titre du projet, Gotham, est censé exprimer la densité et le caractère urbain inédits pour le contexte genevois. Le train en surplomb, quatre bâtiments sur cinq au-dessus de 50 mètres, le tout dans un périmètre restreint.

L’entrepôt sécurisé y serait mentionné moins pour sa fréquentation que pour son inaccessibilité, sa façon de qualifier la ville à laquelle il appartient. Ses murs blancs opaques aux petites fenêtres en biais recèlent l’équivalent du PIB d’un pays comme l’Ukraine. Pas moins de mille œuvres de Picasso y sont entreposées, enfermées dans des caisses, loin des regards et des douaniers du monde entier. Comment ignorer cette réalité ? Le port franc incarne un stade jamais atteint dans la surenchère spéculative néolibérale. À l’inverse du musée, il est le lieu où la valeur d’échange annihile complètement la valeur d’usage d’une œuvre d’art. Le port franc est à la ville de Genève ce que l’inconscient est à la personne. Il représente ce mécanisme de dissimulation qui détermine néanmoins le sort d’une entité, qu’elle soit un sujet ou une collectivité. L’équilibre psychologique de cette personne ou de cette collectivité repose entièrement sur sa capacité à refouler la négativité qu’elle recèle. Le nom du projet pendant la phase du concours, Gotham, peut difficilement s’expliquer si l’on ne tient pas compte de sa mitoyenneté avec ce haut lieu du capitalisme globalisé. Il reste maintenant à savoir comment le plus grand coffre-fort de la ville rejaillit sur l’identité de l’ensemble de bureaux qui, eux, sont bien visibles. Pont-Rouge se présente comme un morceau de ville homogène, sobre dans sa volumétrie et ses façades, mais plus expressif dans son traitement des sols. Sa volumétrie en trident est celle d’une barre qui longe la route du Grand-Lancy, surmontée de trois élévations qui culminent à quinze étages. La régularité de la trame est contrebalancée par l’aléatoire des loggias qui permettent la création d’espaces extérieurs en retrait de la façade. Les dents creuses du trident, c’est-à-dire les parties basses, sont autant d’occasions de créer des terrasses plantées et accessibles aux usagers. Elles sont complétées sur la route du Grand-Lancy par un passage couvert qui traverse le bâtiment en diagonale et facilite l’accès à la gare.

Ce passage augmente la perméabilité du bâtiment et renforce le caractère ouvert de l’aménagement. De la même façon que les CFF ont unifié le pays par l’adoption d’une signalétique standard et d’un langage architectural homogène, PONT12 greffe dans cette partie de la ville un langage générique typiquement suisse, que l’on pourrait retrouver aussi bien à Zürich qu’à Bâle ou Lausanne. L’ensemble homogène se distingue par un ruban en pierre tridimensionnel qui parcourt le site d’est en ouest, et qui fonctionne tantôt comme un banc, tantôt comme une rigole pour l’écoulement des eaux de pluie. Ce ruban blanc conçu par les architectes paysagistes du bureau Raderschall Partner unifie la succession de placettes qui constituent la majeure partie de l’aménagement.

Si tous ces éléments convergent et permettent déjà de qualifier le futur quartier dans ses grandes lignes, on peut difficilement deviner le dernier élément qui viendra s’y ajouter dans les décennies à venir : la végétation. L’aménagement a prévu la plantation de très grands arbres qui pourraient à terme atteindre les 58 mètres de hauteur du bâtiment. Outre les espèces choisies à cet effet, des puits traversent les sous-sols pour chercher la pleine terre sous le dernier niveau souterrain. Ce dispositif coûteux reste aujourd’hui dissimulé aux yeux des usagers. Seule la taille des arbres entre les immeubles témoignera un jour du souci de l’État de Genève de permettre la croissance de très grands arbres sur un site aussi dense.

Pont-Rouge constitue donc un écosystème diamétralement opposé à ce qui préexistait sur place, et à ce qui perdure de l’autre côté de la route du Grand-Lancy. Ce nouveau quartier est l’absolue antithèse du port franc, ce haut lieu de la richesse dissimulée. Au lieu du camouflage disruptif, Pont-Rouge prône une architecture ouverte, poreuse, conditionnée pour l’échange et le travail. Ce conditionnement n’empêche pas le nouveau quartier de prétendre à un certain hédonisme, notamment dans sa façon d’agencer les composantes du projet, et de se mettre en scène comme une portion de l’hyper-centre.

Façade du site donnant sur les voies de chemin de fer. Les trains font ainsi partie du paysage urbain qui s’offre aux usagers des bâtiments

Le face-à-face entre Pont-Rouge et le port franc pourrait résumer à lui seul certaines des contradictions qui qualifient le débat sur le développement des villes suisses : d’un côté le culte de l’opacité, l’immobilisme et l’attachement à des situations ou des réglementations qui n’apportent rien à la collectivité ; de l’autre côté, la promesse d’une ville ouverte, transfrontalière et prospère. Le clair et l’obscur, le conscient et l’inconscient. D’un côté, Genève des associations de sexagénaires qui protestent contre les nouveaux projets d’habitation dans une ville qui ne sait plus loger ses actifs. De l’autre côté, la ville qui assume son rayonnement périphérique, préférant matérialiser son attractivité par la densification de ses zones d’activité.

Genève a longtemps été cette ville du repli. Il semble qu’elle soit en train de changer de camp, adoptant l’approche d’un déploiement raisonné à la hauteur de ses besoins réels.

Pour toutes ces raisons, Pont-Rouge ne symbolise rien de moins qu’un changement de cap. Celui d’un modèle urbain sobre et homogène, que certains qualifient de « corporate » et qui est incontestablement plus en phase avec la réalité économique de la ville. L’architecture est le principal levier d’expression de cette identité assumée. Le rythme de la façade, et surtout l’usage de la pierre, constituent le médium qui va rendre perceptible cette orientation. La modénature des façades ne se limite pas à dresser le décor générique d’une métropole globalisée. Elle traduit plutôt le « coming out » d’une ville qui s’est longtemps efforcée de brider son développement. En cela, Pont-Rouge est un jaillissement, une portion d’avenir sortie de terre. Contrairement aux modèles de villes génériques spéculatives, longtemps américaines puis surtout asiatiques, le modèle générique suisse peut difficilement être qualifié de spéculatif puisqu’il répond à un besoin réel. En témoigne le taux élevé d’occupation des bâtiments, un an après leur livraison. Reste la question de l’avenir d’espaces conçus pour l’activité dite « de bureau », dans des sociétés où les individus sont de plus en plus réfractaires à se déplacer pour aller travailler. Si les tours de Londres et de la Défense, qui sont les « friches industrielles » de demain, pourront difficilement connaître un autre destin que celui pour lequel elles ont été conçues, rien n’empêche d’imaginer une reconversion des plateaux modulaires de Pont-Rouge. La hauteur d’étage des bureaux, le ratio plein-vide des façades, la technique apparente et le système de distribution s’y prêtent. Dans un autre projet de bureaux, à Malley-Gare, la réflexion est poussée encore plus loin : l’épaisseur du faux plancher est calibrée pour correspondre à celle d’une chape flottante pour du logement. Même sans cela, Pont-Rouge offre un bon potentiel de transformation. Avant que cela n’advienne, les arbres auront atteint leur taille adulte, et les espaces partagés conçus pour accueillir les occupants des bureaux pendant leur courte pause déjeuner auront été reconvertis en aires de jeux.

Les façades rigoureuses en pierre naturelle contribuent à construire la nouvelle identité en train de se mettre en place dans cette partie de la ville. Les architectes ont rompu l’insularité de la parcelle pour créer une portion de ville ouverte.

Extraits des Interviews :

La parole à Antoine Hahne, architecte fondateur, PONT12

Comment PONT12 a-t-il été sélectionné pour ce projet ? Quelle était la demande ?

PONT12 a été retenu suite à un concours organisé par les CFF sur présélection. Le concours devait se dérouler en deux tours avec, entre chaque étape, un dialogue avec le jury. Il s’agit donc d’une procédure assez longue qui a duré plus d’une année. Au moment de la présélection, nous étions les outsiders, n’ayant pas les références requises pour un projet de cette ampleur. Nous avons donc formé un groupement, dès le concours, avec EDMS pour l’ingénierie et La Touche Verte pour l’aménagement paysager. Des quinze équipes présélectionnées, chaque tour en a vu cinq être éliminées. Globalement notre proposition a peu évolué pendant toutes ses phases, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des concurrents, dont les projets ont beaucoup changé en cours de route.

Quelle est la stratégie de conception déployée pour Pont-Rouge ?

Le concept, pour résumer les choses, est celui d’une lutte corps à corps avec le nouveau plan local de quartier (PLQ), qui prônait un urbanisme assez rigide, avec un cahier des charges qui peut difficilement être qualifié de mixte, comprenant des commerces en rez-de-chaussée et 150 000 m2 de bureaux. Les premières esquisses prévoyaient un premier bâtiment avec trois émergences sur la route du Grand Lancy, ainsi que deux corps symétriques avec deux émergences chacun, de part et d’autre d’une place ouverte. Toute notre réflexion a consisté à travailler cette volumétrie dans le sens de la variation, en nous efforçant d’enrichir l’expérience offerte par les espaces extérieurs. Le PLQ prévoit un bâtiment en bande de la route des Jeunes jusqu’à la gare, ainsi qu’une place perpendiculaire contre un mur borgne, vers le sud, du côté des entrepôts. Nous avons inscrit ces éléments programmatiques dans une continuité d’espace avec les quartiers adjacents. Nous avons essayé d’enrichir les espaces parcourus le long du bâtiment, avec des resserrements et des axes traversants. Nous avons surtout fait en sorte que ces espaces vides fonctionnent de façon organique comme d’authentiques espaces publics. La proximité de la gare nous a aidés, faisant de la place intérieure l’un de ses principaux axes d’entrée. Nous avons aussi ajouté une pénétrante de la rue des Acacias vers la gare. Il est des éléments de conception inscrits dans l’aménagement qui contribuent à cet effet unitaire des espaces, comme le ruban qui serpente au sol sur toute la longueur de la parcelle. Par endroits, il s’enfonce dans le sol et devient rigole de récolte des eaux. Au niveau des places, il émerge pour devenir assise. Nous avons œuvré pour décloisonner ce grand trident sur la route du Grand Lancy, et faire en sorte que la perméabilité circulatoire soit effective, et non comme c’est parfois le cas, ornementale. Dès le départ, le travail de liaison avec ce tissu urbain en plein devenir fut au cœur de notre recherche. Les volumes ont été modelés en vue de cette perméabilité urbaine.

Qu’est-ce qui permet d’inscrire ce projet dans son contexte, et qu’est-ce qui contribue à ce que l’on n’aboutisse pas à un urbanisme de la table rase ?

Ce qui existait avant notre intervention sur le site, ce sont des entrepôts et une tour, c’est-à-dire des entités assez cloisonnées. Ce que nous avons réalisé fait certes table rase des constructions sur place, mais témoigne d’une volonté de se lier et de fonctionner avec ce qui l’environne. C’est un aménagement très contextuel même s’il procède d’une page blanche. C’est aussi un bâtiment qui s’inscrit, par son apparence, dans une narration urbaine plus large. Les façades rigoureuses en pierre naturelle contribuent à construire cette nouvelle identité en train de se mettre en place dans cette partie de la ville. Nous avons rompu l’insularité de la parcelle pour créer une portion de ville ouverte. Le projet recherche cette continuité tant du côté de la gare, qu’à l’ouest, vers les casernes. Le choix d’une rue intérieure piétonne depuis l’axe du Grand Lancy a permis de créer non plus une place mais un système de placettes, déterminantes pour l’identité du lieu.

Le projet rend possible un nouvel espace public, mais comment le bâti interagit-il avec ce qui existe aux alentours ? Comment avez-vous traité le vis-à-vis avec le bâtiment des Ports Francs de Genève ?

C’est en effet l’une des grandes difficultés du projet. Lorsque l’on se dirige vers le sud, c’est-à-dire le PAV, on retrouve une structure urbaine très affirmée, avec une orientation claire et une identité forte liée aux transports. Dans notre cas, les choses ne sont pas aussi évidentes. Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que ce qui a précédé notre intervention était un ensemble au moins aussi hermétique que ne le sont aujourd’hui les Ports Francs. À l’exception de la nouvelle gare, nous avions finalement très peu d’éléments contextuels sur lesquels nous appuyer. L’axe structurant est-ouest et le lien avec la gare étaient pratiquement les seules prérogatives du PLQ auxquelles nous avons pu nous accrocher. Le site n’offrait pas d’autres éléments de contextualisation. Côté Ports Francs, les choses ne risquent pas de changer en matière de perméabilité, et côté nord la suite du projet est amorcée. Pont-Rouge a vraiment donné sa forme quasi définitive au quartier, c’est un morceau de ville plus qu’un bâtiment.

Quelles ont été les marges de manœuvres en matière de conception dans ce projet ?

Si lors du concours la possibilité d’une construction par étapes était mentionnée, ce qui était surtout demandé, c’était de parvenir à une proposition globale cohérente sur l’ensemble des cinq lots. C’est donc ce que nous avons proposé. Si cette demande initiale a été en partie compromise par le phasage du projet en trois lots, l’esprit d’ensemble demeure très fort. Cela signifie que Pont-Rouge est un projet intermédiaire entre l’échelle du bâtiment et celle du projet urbain. Dans le cas des deux phases suivantes, ce qui ne va pas varier c’est l’empreinte au sol des bâtiments et leur gabarit. Les architectes des étapes suivantes ont travaillé avec nous afin d’intégrer dans leur proposition ceux des éléments qui leur semblaient intéressants. Les trois phases sont cohérentes dans leur volumétrie, et en dialogue les unes avec les autres pour ce qui est de leur expression c’est-à-dire du travail sur les façades. L’un reprend la matérialité et joue sur les rythmes et l’autre reprend le rythme et fait varier la matérialité. C’est une proposition globale mais qui s’accommode très bien d’un certain degré de variation. Le titre du projet, Gotham, est censé exprimer la densité et le caractère urbain inédits pour le contexte genevois. Le train en surplomb, quatre bâtiments sur cinq au-dessus de 50 mètres, tout cela dans un périmètre aussi restreint, contribuent à créer un environnement assez différent de ce que l’on a l’habitude de rencontrer dans les villes suisses. Pont-Rouge est un fantasme métropolitain. En réalisant les images du projet, nous nous sommes rendu compte que l’aménagement, la matérialité et la densité du projet s’accommodent des vues nocturnes. L’ensemble a un côté iconique, dans sa façon d’incarner l’idée de la grande ville. Le bâtiment concilie à la fois une apparence unitaire et un souci du détail qui entre en dialogue avec l’environnement urbain, comme les fenêtres verticales ou une conception qui exprime la descente des charges. Le bâtiment est massif et à la fois intemporel, ce qui s’accorde aussi avec une idée de la ville du début du XXe siècle. En cela, c’est finalement aussi un projet très genevois.

L’ensemble homogène se distingue par un ruban en pierre tridimensionnel qui parcourt le site d’est en ouest, et qui fonctionne tantôt comme un banc, tantôt comme une rigole pour l’écoulement des eaux de pluie.


La parole à Yves Bach, associé EDMS SA

Quels ont été les principaux enjeux de votre intervention dans ce projet ?

Il y a beaucoup d’aspects dans ce projet qui ne se voient pas mais qui ont nécessité de la réflexion, comme par exemple l’optimisation du système porteur qui permet d’avoir la même dimension de colonnes de haut en bas. Ce travail comporte quelques « exploits », notamment certaines reprises de charges afin d’éviter la mise en œuvre de poteaux dans des zones de circulation au rez-de-chaussée. C’est le cas du passage entre les tours, que l’on a souhaité libre de tout porteur. La précontrainte a été inventée en même temps que le béton armé au XIXe siècle. Même si le système paraît contraignant, c’est une méthode qui permet de rendre simples des architectures qui, mécaniquement parlant, devraient être beaucoup plus complexes.

L’autre enjeu technique du chantier est lié à la médiocre qualité des sols de fondations, composés de limons argileux peu consolidés et qui se tassent énormément dès qu’on les charge. Il fallait éviter les différences de tassement entre des zones peu chargées, par exemple celle du parking, et d’autres zones qui au contraire le seraient beaucoup. Un équilibre a été cherché entre le poids des terres excavées et la charge du bâtiment construit. Au niveau du radier, le bilan devait autant que possible être neutre. Sous les éléments très chargés comme les cages d’escaliers ou les façades, le sol a été renforcé au moyen d’inclusions (c’est-à-dire des pieux). L’objectif était d’amener les charges en profondeur, où l’augmentation de la contrainte dans le terrain était acceptable. Pour ce faire, une modélisation numérique des mouvements et efforts dans les sols et les structures a été entreprise sur la base de la descente de charges du bâtiment. Le comportement du sol a été modélisé, et les déformations obtenues ont été à leur tour imposées à la structure en modifiant la répartition des charges. Il s’agit là d’un processus itératif visant à optimiser le dispositif de pieux et d’épaisseur des radiers.

La mauvaise qualité des sols produit un autre phénomène que l’on appelle « cuvette de tassement ». Lorsque l’on extrait un volume de sol, on observe un comportement presque « liquide » de ce dernier. La périphérie autour de la fouille a tendance à combler le vide laissé par l’excavation, elle se tasse et le fond de fouille tend à gonfler. Pour limiter ce phénomène, des parois moulées ont été placées de manière à réduire le mouvement des terres vers l’intérieur de l’excavation, mais aussi pour reprendre les charges importantes des façades.

Pour minimiser ce phénomène, le phasage du chantier a consisté à excaver en premier le corps de bâtiment le plus à l’Est afin de débuter rapidement les travaux de bétonnage, même si l’ensemble de l’enceinte de fouilles n’était pas terminé, et que les travaux de terrassements / étayages étaient en cours sur le reste du chantier. En réduisant le temps de déchargement du sol et les volumes « vides », les facteurs aggravant les tassements en dehors du chantier étaient atténués. Cette logique de progression s’est étendue depuis la route des Jeunes en direction des voies de chemin de fer, occasionnant une forte coactivité sur le site.

Le déroulement du chantier a été intégré dans les modèles numériques, permettant de dimensionner et optimiser les étapages provisoires et le phasage du chantier. Même si la structure a été bétonnée par morceaux successifs dans son état final, elle fonctionne comme un ensemble monolithique (sans joints).

Quelles sont les spécificités du projet eu égard à la proximité de la voie ferrée et du passage sous voie ?

Il y a tout d’abord des enjeux d’accès et d’orientation qui font que la gare doit être visuellement perceptible le long des cheminements piétons qui traversent le site. Il faut que les usagers aient une perception quasi instinctive des temps de parcours dans le périmètre de la gare.

Comment le chantier en entreprise totale s’est-il déroulé ?

Les CFF ont des modèles de construction par entreprise totale qui nécessitent beaucoup de réactivité de la part de leurs mandataires. Le Maître d’Ouvrage a changé en cours de route, passant des CFF à Implenia. Il est évident que ce type de changement ne s’improvise pas et aurait pu avoir des conséquences sur le projet. En effet, le point fort du programme de l’architecte résidait notamment dans l’utilisation de pierre naturelle pour les façades, ou encore dans la qualité des matériaux mis en oeuvre dans l’espace public. Quand on compare ce qui a été proposé au concours et ce qui a été réalisé, on peut penser que l’exercice est plutôt réussi, même si cela a nécessité beaucoup d’anticipation sur des questions liées à l’exécution. C’est une façon de procéder qui demande beaucoup de ressources, notamment en matière de dessin des plans d’exécution mais aussi des compétences en économie de la construction et en environnement.

Les parties basses sont autant d’occasions de créer des terrasses plantées et accessibles aux usagers.


La parole à Jean-François Caron, chef de projet, CFF SA

À Pont-Rouge, le projet induit un nouvel écosystème urbain. Comment le nouveau réseau ferroviaire du Léman Express a-t-il permis ce développement immobilier ?

Le projet d’Infrastructure du Léman Express a libéré 89 008 mÇ de terrain à Genève La Praille. Dans le cadre d’un « Protocole d’accord » du 26 avril 2002, la Confédération, le Canton de Genève et les CFF ont convenu de développer cette zone en étroite collaboration avec le projet ferroviaire. À cette fin, une société simple (SOVALP) a été créée entre le Canton de Genève et CFF Immobilier. Le contrat prévoit un développement commun du terrain.

Quels ont été les axes forts qui ont permis le développement de Pont-Rouge ?

Fruit d’une longue collaboration entre les CFF, l’État de Genève et la commune de Lancy, la procédure de recherche de parti architectural et d’aménagement des espaces publics a constitué le signal de la concrétisation opérationnelle d’un secteur stratégique pour l’agglomération. Il est en effet à la convergence de trois projets stratégiques pour l’ensemble des acteurs : le projet de ligne ferroviaire Léman Express et sa gare de Lancy-Pont-Rouge, le projet Praille Acacias Vernets (PAV) et enfin la revalorisation d’une zone ferroviaire importante. Ceux-ci représentent autant de potentiels d’urbanisation stratégiques en adéquation avec la politique de développement durable du Canton de Genève.

Quels étaient les enjeux urbanistiques majeurs ?

Le projet d’aménagement a concilié avec succès de multiples enjeux. En effet, l’échelle cantonale est prise en compte conformément au plan directeur cantonal en densifiant ce secteur à forte accessibilité en transports collectifs et en offrant la possibilité d’un report modal en faveur de l’utilisation des différents types de transports en commun comme le RER, le tram, le bus, les parkings d’échange et bien sûr les vélos. Ensuite, le renforcement des composantes sociales, naturelles du site et de son environnement construit a permis de répondre à la vision locale. Enfin, les enjeux de l’aménagement des espaces publics et de la mobilité ont été déterminants pour ce secteur. L’espace public n’étant pas une fin en soi, mais une manière d’établir un rapport entre chaque partie et le tout.

Plan de situation

Fiches techniques

Lancy-Pont-Rouge à la Praille, Genève B1
Esplanade de Pont-Rouge 1 & 2
Ensemble administratif

Type d’intervention : construction neuve
Programme : administratif, commercial, espace public
Maîtrise d’ouvrage : CFF Immobilier, Jean-François Caron
Maîtrise d’œuvre : PONT12 Architecte SA
Entreprise Totale : Implenia Suisse
Ingénieur civil : EDMS SA, Genève
Architecte paysagiste : Raderschallpartner AG Meilen & La Touche Verte, Genève
Ingénieur C, V, S : Weinmann-Energies SA, Lausanne
Ingénieur Électricité : MAB SA, Morges
Ingénieur vibration : Résonance Ingénieurs-Conseils CA, Genève
Ingénieur géotechnicien : Karakas & Français SA
Ingénieur façadier : Biff SA, Lausanne
Ingénieur risque OPAM : Inexis, Paudex
Étude d’impact environnemental : Ecotec, Genève
Physique du bâtiment : Weinmann-Energies SA, Lausanne
Éclairagiste : L’Observatoire International, New York
Acousticien : EcoAcoustique SA, Lausanne & AAB, Genève
Pierre de façade : Hofmann Naturstein GmbH, Gamburg, Allemagne
Pierre de la place : Graniti Maurino SA, Iragna
Construction métallique : Hévron, Courtételle
Calendrier : 2011 : Invitation, présélection, concours ; 2012 : mandat d’étude parallèle ; 2015 : permis de construire, début de chantier ; 2018 : date de réalisation, fin de chantier
Durée des travaux : 38 mois

Lancy-Pont-Rouge à la Praille, Genève B4-B5
Place de Pont-Rouge 1 & 2
Ensemble administratif

Type d’intervention : construction neuve
Programme : administratif, commercial, espace public
Maîtrise d’ouvrage : CFF Immobilier, Jean-François Caron
Maîtrise d’œuvre : PONT12 Architecte SA
Entreprise Totale : Implenia Suisse
Ingénieur civil : EDMS SA, Genève
Architecte paysagiste : Raderschallpartner AG Meilen & La Touche Verte, Genève
Ingénieur C, V, S : Weinmann-Energies SA, Lausanne
Ingénieur Électricité : MAB SA, Morges
Ingénieur vibration : Résonance Ingénieurs-Conseils CA, Genève
Ingénieur géotechnicien : Karakas & Français SA
Ingénieur façadier : Biff SA, Lausanne
Ingénieur risque OPAM : Inexis, Paudex
Étude d’impact environnemental : Ecotec, Genève
Physique du bâtiment : Weinmann-Energies SA, Lausanne
Éclairagiste : L’Observatoire International, New York
Acousticien : EcoAcoustique SA, Lausanne & AAB, Genève
Pierre de façade : Hofmann Naturstein GmbH, Gamburg, Allemagne
Pierre de la place : Graniti Maurino SA, Iragna
Construction métallique : Hévron, Courtételle
Calendrier : 2011 : Invitation, présélection, concours ; 2012 : mandat d’étude parallèle
2015 : début des études ; 2017 : demande de permis de construire ; 2019 : date de réalisation, fin de chantier
Durée des travaux : 28 mois

Texte Christophe Catsaros
Photos Radek Brunecky et Barbara Haemmig de Preux

Retrouvez l’article sur Lancy-Pont-Rouge à Genève, Suisse par PONT12 Architectes dans Archistorm daté septembre-octobre 2021