Située au carrefour Pleyel à Saint-Denis (93), la tour Pleyel, immeuble de grande hauteur (IGH) construit entre 1969 et 1973 selon les plans des architectes Bernard Favatier et Pierre Hérault, fait l’objet depuis les années 2010 d’un important projet de réhabilitation. Menée par l’architecte Sretchko Markovic, dirigeant de l’agence 163 Ateliers, la transformation de la tour intègre le vaste projet de requalification urbaine du Grand Paris. Cette entreprise s’accompagne de la construction de deux nouveaux immeubles, un IGH de 25 étages et un immeuble de six étages qui ceinture la tour historique.

Ancien immeuble de bureaux, la tour Pleyel accueille désormais un hôtel, tandis que la nouvelle tour abrite des salles de travail et un vaste centre de conférence. D’autres espaces tertiaires et des services, en partie accessibles au public, sont installés au sein de l’édifice intermédiaire.

Entrevue avec Sretchko Markovic, Architecte fondateur, 163 Ateliers

Quels étaient les principaux objectifs du projet d’ensemble ?

Notre projet consistait à retrouver le dessin architectural d’origine et à maintenir l’image de cette tour monolithique dans son environnement, tout en renforçant la connexion du bâtiment avec son environnement direct. La création de nouveaux équipements insuffle une dynamique nouvelle au quartier.

Il s’agissait pour nos équipes de livrer le nouvel ensemble à temps pour les Jeux olympiques. Le projet a débuté en 2010, mais à l’époque nous ne connaissions pas encore l’exactitude du programme, seulement la volonté de réhabiliter l’IGH existant. Le projet s’est précisé et nous avons déposé un permis de construire en 2016, puis un permis de construire modificatif deux ans plus tard. Les appels d’offres ont été lancés en 2020, et les travaux ont pu débuter peu de temps après.

Comment le nouvel ensemble intègre-t-il la couture urbaine du quartier ?

L’îlot, délimité par le boulevard Ornano et le boulevard Anatole-France, se caractérise par une composition éclectique d’architectures, présentant des gabarits aux formes anguleuses.

L’accès principal, autrefois tourné vers l’intérieur de l’îlot, se trouve désormais ouvert sur la ville. Pour cela, les niveaux du sol et du parvis ont été remontés à la hauteur du carrefour Pleyel. Nous avons dessiné une nouvelle entrée qui souligne l’immeuble historique. Le volume découpé en facettes convoque le vocabulaire architectural du quartier. Le traitement en verre miroir des façades reflète les environs, les constructions comme la végétation, créant ainsi l’illusion d’une place en pied d’immeuble.

Nous avons fait le choix de démolir les anciens bâtiments annexes, notamment afin de redessiner un parcours plus fluide au sein du projet.

Un nouveau bâtiment de plan en U ceinture la tour existante. Les finitions choisies reprennent les matériaux employés dans la tour Pleyel, soit des panneaux composites en aluminium blanc métallisé et un vitrage clair. L’enveloppe périphérique de cet édifice reprend la trame de vide et de plein de la façade historique pour maintenir une harmonie de dessin et exprimer clairement un caractère d’unité. La double peau intérieure en verre clair, grâce à ses inclinaisons, crée un effet visuel kaléidoscopique. Ce vitrage reflète les bâtiments alentour, ce qui permet d’éviter tout sentiment d’enfermement pour les usagers, même lorsqu’ils se trouvent au centre du complexe.

© 163 Ateliers

En quoi a consisté la réhabilitation de la tour historique ?

Notre volonté première était de ne pas modifier l’écriture architecturale de cette tour, nous avons donc conservé sa physionomie oblongue et la couleur apportée par le matériau de la façade. Le revêtement initial, en acier Corten autopatiné, a nécessité une première restauration dès 1985, lors de laquelle la tour a été rhabillée d’un bardage ocre avec des allèges en Emalit de couleur bordeaux. Nous avons déposé cet habillage, puis l’avons remplacé par de nouveaux panneaux en aluminium blanc. Nous avons fait le choix de conserver cette couleur afin de renforcer la présence de la tour dans le paysage.

À l’intérieur, l’organisation spatiale a été repensée pour être adaptée à son nouvel usage puisque l’ancien immeuble de bureaux accueille désormais un hôtel de 697 chambres. Un niveau supplémentaire ajouté au 40e étage abrite un bar et une piscine : les techniques autrefois installées en toiture ont été réparties en sous-sol et au sein d’un niveau intermédiaire, et l’espace vacant qui accueillait autrefois ces dispositifs abrite désormais la piscine. Au-dessus, une surélévation dégagée à 360° ouvre sur le paysage urbain.

À la place des anciennes annexes, entre les deux IGH, le bâtiment de six étages distribués en U ceinture la tour Pleyel et abrite des bureaux et des ERP.

Qu’en est-il de la particularité structurelle du nouvel IGH ?

Nous avons construit un IGH selon un modèle de structure tout à fait rare et innovant.

La construction d’un exosquelette a non seulement permis de limiter le nombre de poteaux, mais aussi de nous affranchir d’une protection au feu de cet élément. Cette structure métallique, d’un poids total de 5 200 tonnes, autostable et porteuse, assure 85 % du maintien des charges qui sont transférées vers quatre poteaux angulaires. L’ossature repose ensuite sur des pieux de fondation en béton qui descendent jusqu’à trente mètres de profondeur. À partir d’un seul module répété, les diagonales de sept ou quinze mètres sont reliées entre elles par des nœuds monumentaux de près de quatre mètres. Les ingénieurs ont restreint au maximum la taille des caissons dont la section carrée a été réduite à 800 millimètres pour un gain de poids et de matériaux. Le résultat confère une esthétique particulière à l’édifice. Nous pouvons comparer sa graphie à une résille étirée. Cette forme répond en fait à une logique structurelle et permet d’obtenir une telle descente de charge.

Au centre, le noyau assure le contreventement. Pour sa construction, l’entreprise a développé avec les ingénieurs un coffrage autogrimpant hydraulique, qui a permis de réaliser en même temps l’ensemble des ouvrages, les planchers, les voiles ou encore les escaliers.

© Sylvain Hitau

Quels éléments participent aux performances environnementales du projet ?

Nous avons mis aux normes thermiques et environnementales l’ensemble des plateaux de la tour Pleyel. La réhabilitation a obtenu la certification BREEAM « Very good » et « Excellent » pour le reste du programme, mais également HQE « Excellent » et WiredScore « Platinum ».

Le choix de la couleur blanche, en dehors d’un choix esthétique, permet de maîtriser les variations thermiques des matériaux et aide à lutter contre le réchauffement climatique. De même, l’entrée réfléchissante participe aux qualités thermiques du grand volume du nouveau hall de l’hôtel.

Dans les halls et les espaces publics, des planchers chauffants sont mis en place afin d’éviter le brassage d’air chaud et la perte de chaleur en hauteur.

Enfin, le jardin suspendu, aménagé en terrasse plantée et végétalisée, au-dessus de la grande salle multifonctionnelle du centre de conférences, sera recouvert d’une épaisseur de soixante centimètres de terre minimum. À terme, cette végétalisation débordera des toitures et contribuera à la valeur esthétique du site, tout comme à la qualité de vie du quartier.

Programme :
Tour hôtelière quatre étoiles, R+40 – 34 882 m² – 697 chambres.
Nouvel immeuble de bureaux, R+25 – 19 789 m² en surplomb d’une salle multifonctionnelle de 5 629 m² au RDC.
Nouvel immeuble de bureaux, R+6 –19 157 m² et 1 494 m² de restaurants au RDC.

Intervenants :
Investisseur : Pleyel Investissement
Amo : FQR
Architecte : 163 Ateliers-Sretchko Markovic
Moex : Pangea Design
Aménagement intérieur hôtel : Axel Schoenert Architectes
Bet structure béton et fluides : Berim
Bet structure métal : Équilibre
Bet façades : Arcora

— retrouvez l’article Structure dans Archistorm 124 daté janvier – février 2024