DESIGN

L’ART DE NOTRE QUOTIDIEN

 

 

La Cité de l’Architecture et du Patrimoine présente Alvar Aalto Architecte & Designer, hommage à l’œuvre du plus célèbre des architectes de Finlande, portant, entre autres, un éclairage appuyé sur ses créations design. En effet, l’aménagement intérieur de ses bâtis modernistes, en adéquation avec leurs divers enjeux, participe à la création de véritables œuvres d’art total, d’essence profondément humaniste.  Découverte.

En France, connaissons-le-nous vraiment ? Si Alvar Aalto est l’heureux créateur de la maison Louis Carré à Bazoches-sur-Guyonne, dans les Yvelines, ou encore du Vase Savoy, emblème du design moderniste, on semble méconnaître l’envergure de son architecture fonctionnaliste, indissociable des champs de l’art et du design. Trente ans après l’ultime rétrospective au centre Pompidou, cette exposition arrivant d’Helsinki, après de nombreuses escales, remet les pendules à l‘heure. Conçue par le Vitra Design Museum en collaboration avec la fondation Alvar Aalto, elle est ici savamment aménagée par la commissaire Stéphanie Quantin-Biancalani, conservatrice à la Cité du Patrimoine et de l’Architecture. Environ 150 pièces parmi lesquelles des dessins, tableaux, objets, maquettes, photographies, des années 1920 aux années 1970, sont présentées au cœur de la splendide salle voûtée de l’institution, dédiée aux expositions temporaires. Focus sur un design intelligent d’inspiration naturelle et artistique, portant en creux l’appréhension universelle de l’architecture par le maître.

 

Un design standardisé mais flexible, en harmonie avec les édifices et contributeur d’œuvres complètes

À ses débuts, Aalto imagine un mobilier aux lignes historicistes, qu’il épure au fil des années 1930. Imaginée en symbiose avec le bâti, la majeure partie de sa production d‘objets tient compte des objectifs particuliers à chaque architecture. Parmi d’autres réalisations emblématiques, le sanatorium de Paimio en Finlande, la bibliothèque de Viipuri en Russie, le pavillon finlandais pour l’Exposition Universelle de New York, mais aussi la Villa Mairea ou la maison Louis Carré témoignent de leur conception globale qui n’occulte pas le réel souci porté au détail par l’architecte. Pour l’agencement intérieur du sanatorium, le mobilier a été élaboré, selon la commissaire, « dans une logique thérapeutique. Les dossiers des chaises ont été dessinés pour permettre aux malades de mieux respirer, les poignées de porte conçues afin de ne pas les blesser. La lumière zénitale des espaces est douce et diffuse. Des créations également légères, faciles à nettoyer et à déplacer. » A cette époque, il rencontre le critique suisse Siegfried Giedon et l’éditeur des Cahiers d’Art Christian Zervos, fondateurs, avec Le Corbusier, des CIAM – Congrès international d’Architecture Moderne -. Avec l’architecte Gropius, ils l’influencent fortement. Alvar Aalto produit des pièces lamellées en bois selon le principe de « standardisation flexible ». En d’autres termes, des objets créés à partir d’éléments modulaires récurrents, adaptables à chaque situation, participant à la réalisation de chefs-d’œuvre d’art total.

 

 

La nature et les avant-gardes arty, ses deux muses

Son fameux « piètement en L » lui aurait été, en outre, inspiré par la nature « produisant des fleurs d’arbres fruitiers toutes différentes à partir de cellules identiques. » En effet, la Finlande offrant des paysages de forêts à perte de vue, Aalto y puise naturellement sa principale matière première et se nourrit de ses formes. Les bois de bouleau, d’épicéa, d’hêtre, comme d’autres essences participent à la fabrication de multiples objets domestiques tels que le chariot à Thé, son tabouret Stool 60, ses tables et nombreux sièges iconiques en bois lamellé courbé, ou collé-cintré. Plus récente, la Ruche est un luminaire dont les lignes reprennent celles d’une ruche d’abeilles. Toujours dans les années 1930, Aalto fréquente les avant-gardes modernes puisant leur créativité dans le domaine de l’inconscient. Fernand Léger, Lászlò Moholy-Nagy, Jean Arp, Alexander Calder contribuent à renouveler son langage, faisant naître le galbe ondulant, entre autres, du Vase Savoy ou ceux de la bibliothèque de Viipuri. Mieux encore, il exposera leurs œuvres dans sa galerie et société d’édition de mobilier Artek, en 1935. Celle-ci, dont l’appellation symbolique fait fusionner l’art et les techniques, est dirigée par sa femme Aino, architecte et designer, aux côtés de Nils Gustav Hahl, collectionneur, historien de l’art, et de Maire Gullichsen, artiste mécène. Son enjeu ? Contrôler le réseau de distribution à l’international des meubles produits en série, dès la fin des années 1920.

Cette belle exposition offre une lecture inédite de son œuvre à caractère humaniste, même si, à la fin du parcours, elle semble manquer de rythme scénographique, malgré une expérience tactile intéressante des matériaux et formes utilisés par l’architecte. Mais à bien y réfléchir, son art élégant et sobre n’a besoin d’aucun superlatif, ni d’effets de manche pour exister…

 

Texte : Virginie Chuimer-Layen

Visuel à la une : ©Alvar Aalto Museum

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