ART & ARCHI

La tentation d’un art total?

PAVILLON NORDIQUE, ENVIRONNEMENT FUTUR

 

Jusqu’au 24 novembre, le pavillon nordique de la Biennale de Venise propose une exposition au cœur du Giardini qui interpelle l’action de l’homme sur la nature. Au centre de la monstration, une mise en réseau qui connecte nature artificielle et multiplie les approches scientifiques fantaisistes. 

© Francesco Galli

Intitulée « Weather Report: Forecasting Future » — en français « Bulletin météo : prévoir le futur » —, l’exposition du pavillon nordique place les préoccupations environnementales et climatiques au cœur de la Biennale de Venise. Trois signatures plasticiennes (Ane Graff, Ingela Ihrman et le duo nabbteeri) sélectionnées par les commissaires Leevi Haapala et Piia Oksanen y traduisent la relation entre humain et non-humain, au moyen de la sculpture et l’installation, à l’heure du changement climatique et des extinctions de masse qui menacent la vie sur Terre. Se référant aux idées de l’impact individuel sur l’environnement, les artistes composent une véritable mise en réseau entre nature et artifice, organique et technologique.

Avec Compost, le duo finlandais nabbteeri composé de Janne Nabb et de Maria Teeri établit un écosystème hybride au cœur du pavillon. Éléments de mobilier, plantes récoltées dans le Giardini et structures protéiformes définissent un espace « habité » d’objets indéterminables, à la croisée des apparences minérales, animales et végétales. Ces sculptures invertébrées sont mises en contact au moyen de câbles textiles qui dessinent au sol une métaphore des flux : est-il question d’une symbolique des élans migratoires, des réseaux sanguins, des courants météorologiques ? Cette connexion tridimensionnelle associe en outre une pluralité de matières recyclées qui attribue à chaque pièce un caractère vivant mais inerte, un aspect polymorphe et donc déformé qui responsabilise l’humain. Humain par ailleurs absent physiquement de l’exposition mais sous-entendu par la mise en situation et le geste créateur de cette scène sans précédent.

© Francesco Galli

Manifestant un biotope complémentaire, mais cette fois de manière verticale, l’artiste norvégienne Ane Graff travaille sur la toxicité de l’environnement en repensant les classifications traditionnelles de l’histoire naturelle. Matérialisant sa propre science, son projet The States of Inflammation rend compte de cabinets de verre colorés qui détiennent en captivité des végétaux, notamment. D’aspect fluide mais pourtant bien solide, l’œuvre de la plasticienne fait écho à la transformation et à l’absence de contrôle humain. À son tour, Ingela Ihrman impose une nature futuriste dans l’ensemble de ce paysage artificiel. De vastes sculptures et assemblages s’imposent, en silence, dans l’architecture de l’exposition. Les œuvres présentées par la jeune Suédoise se rassemblent sous le titre A great Seaweed Day, clin d’œil à la végétation marine abimée par l’être humain, et prend ici la forme d’algues géantes qui côtoient du plastique.

Entre jeux de matières synthétiques et figures symboliques issues de la natures, « Weather Report: Forecasting Future » met en forme un dialogue novateur au sein du bâtiment moderniste de Sverre Fehn. En explorant les genres et les pratiques, l’exposition interroge avec cohérence les enjeux du futur autour du climat global.

 

Texte : Otto Stenneng
Visuel à la une : © Francesco Galli

 

Retrouvez l’article « Art & Archi » d’Otto Stenneng au sein du numéro 97 du magazine Archistorm, daté juillet-août 2019 !