TRIBUNE LIBRE

Steven Ware – Art&Build

 

« Changement climatique, déclin de la biodiversité, pollution de l’eau et de l’air, artificialisation de l’espace, usure des sols : tous les clignotants sont au rouge. » Si de tels constats inquiétaient précédemment quelques initiés, scientifiques ou non, force est de constater qu’ils touchent désormais tout le monde. Et le rapport récent de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ajoute de nouvelles preuves à cette situation inquiétante.

Depuis que notre espèce s’est développée sur la Terre, nos sentiments à l’égard du vivant, auquel nous appartenons pleinement, alternent entre l’amour et la haine. Cette relation si particulière est aussi une projection des relations sociales que nous entretenons avec nos semblables. Paradoxalement, nous nous sommes habitués à projeter ces sentiments humains sur d’autres espèces : nous les trouvons détestables ou adorables, comme nous pourrions le faire avec les membres de notre propre entourage. Dans son célèbre livre Biophilie (1984), l’entomologiste Edward O. Wilson décrit précisément l’origine et les avatars de nos relations compliquées, entre autres intellectuelles, avec les différents habitants du globe. Son étude multiscalaire, qui s’intéressent aux micro-organismes comme aux monstres de la mythologie, considère la biophilie comme « une tendance innée à se concentrer sur la vie et les processus biologiques ». S’en éloigner nuirait à notre bien-être.

© Laurent Blossier

 

L’accumulation des défis liés au recul avéré de la biodiversité nous amène à reconsidérer cette relation à la nature, laquelle demeure complexe voire conflictuelle. Les architectes et, plus largement, tous les aménageurs du cadre de vie devraient être sensibles – et sensibilisés – aux contributions potentielles des autres espèces à la qualité de notre environnement commun et partagé. Nous qui avons reçu la Terre en héritage assumons la lourde responsabilité de construire de nouveaux espaces de vie. Cependant, il est alarmant de constater que nos habitudes de concepteur négligent, voire ignorent complètement, la qualité des lieux que nous concédons à toutes les espèces autres que la nôtre.

© Laurent Blossier

 

Mais qu’est-ce qu’un écosystème ? D’après la Convention sur la diversité biologique (1992), c’est un « complexe dynamique formé de communautés de plantes, d’animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui, par leur interaction, forment une unité fonctionnelle ». Cette définition ramène l’architecte devant ses responsabilités environnementales, car il a la capacité d’élaborer un cadre dans lequel les interactions entre minéral et vivant seront plus ou moins favorables.Pourquoi l’architecte devrait-il se préoccuper lui aussi de la conservation de la biodiversité ? Selon l’Organisation des Nations Unies, depuis 2008, la moitié de la population de notre planète vit en ville. Et la croissance de la population urbaine n’a pas été remise en cause depuis lors. Bien qu’une grande partie de ces évolutions se fassent en dehors de toute planification et que, pour les territoires qui en font l’objet, l’architecte ne reste qu’un acteur parmi d’ autres, il n’en demeure pas moins que ses choix peuvent avoir un impact, positif ou négatif, sur la gestion des écosystèmes présents. C’est donc une raison suffisante pour qu’il y s’intéresse.

 

Visuel à la une : Steven Ware © Bénédicte Maindiaux

Découvrez la tribune libre de Steven Ware au sein du numéro 97 du magazine Archistorm daté juillet-août 2019 !