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LE BILLET D’HUMEUR DE PAUL ARDENNE

 

Dix ans après les premières réalisations concrètes d’architecture « imprimée » (Chine, 2008), le recours accru aux imprimantes 3D travaillant à l’échelle 1 est en passe de changer la manière même de bâtir. Avec de sérieux arguments, à commencer par la simplicité de la mise en œuvre, un coût moindre et un bilan carbone appréciable, outre un recours élargi, pour les consommateurs, au « DIY », le Do It Yourself cher aux auto-constructeurs.

 Un feu de paille que cette nouvelle lubie du BTP ? Assurément non. Imprimantes toujours plus performantes, bâtissant plus large et plus haut, opérant vite et pour moins cher, et qui utilisent qui plus est tous types de matériaux, du polyuréthane au béton, au verre et au torchis tandis que les chantiers se vident de leurs opérateurs traditionnels… Une révolution est en marche.

 

L’architecture réalisée par impression 3D échelle 1 en est encore à ses balbutiements technologiques. Elle n’en constitue pas moins, pour le BTP, un challenge sans précédent. Verra-t-on, à moyen terme, des imprimantes géantes fabriquer les extensions de nos villes ? Sommes-nous fondés à nous trouver bientôt face à des chantiers sans ouvriers où imprimantes guidées par ordinateurs et bras télescopiques robotisés armés de buses à béton, à un rythme rapide autant qu’infatigable, élèveront maisons et immeubles ?

 

Prototype d’un pavillon 3D ©Dassault Systèmes, XtreeE

Des progrès crédibles

Pas un jour en tout cas sans que l’on enregistre, en matière d’architecture « imprimée », de nouvelles prouesses. L’aventure commence dès la fin du XXe siècle, tandis que l’on conçoit les premières imprimantes 3D. Cette remarque s’impose alors, de bon sens : si l’on peut imprimer, au moyen de résine, des prothèses dentaires ou des maquettes de ceci ou de cela, pourquoi ne pas passer à l’échelle reine, l’échelle « 1 » ? Oui, pourquoi ne pas imprimer à l’échelle qui est celle de la réalité tout ce que compte cette dernière, meubles, coques de bateau mais aussi, tant que l’on y est, maisons ? L’imprimante 3D est un outil relativement simple, et sa taille peut être augmentée sans limite. Une fois mis au point un béton assez liquide pour être projeté au travers d’une buse distributrice, le tour est joué. Constructeurs et maîtres d’ouvrage, rien ne va plus, attendez-vous à devoir repenser votre business plan.

 

De prime abord, les premières expériences d’architecture imprimée 3D à échelle 1 s’avèrent peu menaçantes. Qu’elles émanent de République Populaire de Chine ou de Russie (deux pays dont les nécessités en matière de construction de logements sont considérables, et en quête d’une rationalisation maximale) ou qu’elles sortent des labos du MIT ou du cerveau des cracks de l’ingénierie informatique, il est clair qu’il faudra attendre un peu avant d’en venir à l’action sur le terrain même – le chantier. Passer du BIM (Building Information Modeling), autrement dit du travail d’ordinateur, à la réalisation ultime présuppose une refonte totale des modes de construction, déterminés, dorénavant, par les pouvoirs et l’encombrement des imprimantes. Une imprimante extérieure occupe de la place, on ne peut l’installer où l’on voudrait. Quant aux imprimantes d’intérieur, celles qui font monter couche par couche un bâtiment en se trouvant au cœur de celui-ci, leurs dimensions modestes conditionnent l’élaboration de bâtis eux aussi modestes. Une imprimante d’intérieur, une fois son travail accompli, doit sortir de celui-ci, si possible sans être démontée, et pouvoir passer… par la porte.

Texte : Paul Ardenne

Visuel à la une : Application in situ de la construction d’un déversoir d’orage par impression 3D. ©Micallef, XtreeE.

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