LE PATRIMOINE EN QUESTION

 

La France est l’une des premières destinations touristique au monde et la qualité de son patrimoine n’y est pas pour rien. Notre pays peut en effet s’enorgueillir de disposer d’un patrimoine architectural, urbain et technique conséquents. Un chiffre illustre à lui seul ce fait : autour de 44 000 monuments et sites sont protégés au titre des Monuments historiques, dont un tiers sont classés. Mais cela cache une situation d’une grande disparité et une faiblesse criante de moyens.

 

Notre Dame de Paris

 

Rapportée au titre du Patrimoine mondial de l’Humanité, le patrimoine français n’est pourtant pas si bien considéré, avec 42 biens inscrits au Patrimoine mondial par l’Unesco (sur 1052), dont plusieurs immatériels ou concernant une région entière (les Causses, la Champagne, le bassin minier Nord-Pas-de-Calais…). Car la France est aujourd’hui, à l’instar des autres pays d’Europe, jugée trop bien dotée par les instances internationales, qui cherchent plutôt à rééquilibrer cette liste au profit des pays du sud. Dans les faits, la France ne peut proposer qu’une seule candidature par an, alors qu’une quarantaine de sites souhaitent être élus, sans compter les candidatures transnationales, comme celle des grands viaducs métalliques en arc du XIXe siècle qui réunit six viaducs européens, dont ceux de Garabit et du Viaur en France.

 

Au-delà de ce constat, le corpus des monuments protégés en France est déjà conséquent. Mais la faiblesse des moyens financiers alloués à la maintenance de ce patrimoine est criante. Une enveloppe de 470 M€ – en augmentation – est allouée par l’État au patrimoine monumental, dont plus d’un quart pour les grands projets. Cela représente 0,14% des dépenses de l’État. Les collectivités contribuent certes également à entretenir le patrimoine, à hauteur de 300 M€, dont elles possèdent environ la moitié, l’autre moitié étant privée et 3% seulement propriété de l’État, dont les cathédrales. Des initiatives en direction du secteur privé ou des particuliers cherchent certes à pallier cette insuffisance : loto du Patrimoine (21 M€ en 2018), possibilité de défiscalisation partielle (réduites en 2020), aides publiques conditionnées à un investissement privé, mécénat d’entreprises (pour un budget équivalent aux aides de l’État). L’incendie de Notre-Dame a suscité un grand élan de générosité, qui tarde à se concrétiser à la hauteur des promesses faites pour 850 M€, mais la nature exceptionnelle du monument l’a sans doute justifié. Le résultat est qu’une partie du patrimoine protégé est en déshérence, sans parler du patrimoine non protégé.

 

La Maison du Peuple, Clichy

 

Un patrimoine stagnant

Ce facteur ralentit de fait le rythme d’accroissement du patrimoine protégé. On est revenu depuis une vingtaine d’années à un étiage très bas en matière de nouveaux bâtiments classés : environ 500 par décennie, contre 1500 dans les années 1980 et même 2200 dans les années 1920, sans parler de la baisse des monuments inscrits.

Ensuite une focalisation, compréhensible certes, sur le patrimoine au sens traditionnel. Bien que les 50 000 églises existant en France soient très loin d’être correctement entretenues, notamment celles appartenant aux petites communes qui n’en n’ont plus les moyens, d’autres types de patrimoine sont négligés. Le XXe siècle n’est concerné que par une petite partie des protections, environ 11% chaque année soit une poignée d’édifices. Le patrimoine technique et industriel est encore moins pris en considération. Initiative intéressante, le label Architecture contemporaine remarquable (ACR) ne concerne cependant qu’un nombre limité d’édifices et vise davantage à la sensibilisation qu’à la protection. Les mesures de sauvegarde du patrimoine protégé ne sont en outre pas toujours suffisantes pour en assurer la pérennité. Deux exemples en témoignent.

 

Texte : Bertrand Lemoine

Photo de couverture : L’ESADMM de René Egger, labellisée Architecture contemporaine remarquable

Découvrez la suite de cet article dans le numéro 99 du magazine Archistorm, disponible en kiosque.