RÉALISATION

LYCÉE LÉONARD-DE-VINCI, SAINT-GERMAIN-EN-LAYE PAR TANK ARCHITECTES — COSA

Porté par deux agences, quatre têtes, et encore plus de mains, le projet de démolition-reconstruction du lycée Léonard-de-Vinci de Saint-Germain-en-Laye, spécialisé dans l’enseignement technique, recentre l’architecture autour de sa plus simple vérité constructive. La carcasse de métal brun, ombre au milieu d’un parc, se dévoile parfois par fragments ou s’efface derrière le jardin central.

« Partant d’une figure critique du lycée professionnel, nous ne voulions pas faire un bâtiment codifié, qui aurait pu accueillir n’importe quelle discipline d’enseignement, mais tailler sur mesure un espace noble pour projeter ces jeunes dans leur futur univers de travail, un univers de précision qui célèbre leurs futurs métiers. » Les figures puissantes des grandes halles, structures d’acier de grande portée, mais aussi les palans, ponts roulants, machines, mécanos… nourrissent l’imaginaire de ce projet qui leur rend hommage.

Il fallait « une architecture de flexibilité, parce qu’on sait très bien qu’un programme, ça bouge. Cela a, bien sûr, été le cas pendant ces dix années d’études et de chantier, mais le parti du projet a tenu bon. Il fallait aussi résoudre le phasage : prendre le lycée existant, le garder en fonctionnement, construire le nouveau et démolir l’ancien pour, in fine, obtenir un projet parfaitement cohérent, évident, simple et accueillant le double d’élèves ».

Le projet qui en résulte est limpide : « une grande figure parallélépipédique divisée en trois strates qui croisent la figure de la pente du terrain ».

Au rez-de-jardin, la rue intérieure devient cloître pour distribuer l’ensemble du niveau.

À rez-de-chaussée, encastrés dans la pente, les ateliers, vestiaires et magasins sont installés en anneau, distribués par deux rues intérieures qui traversent tout le bâtiment.

Six noyaux, porteurs et de circulations, donnent accès au rez-de-jardin qui accueille la vie des élèves et l’administration, articulés par de grands préaux dont les sous-faces miroir reflètent le jardin comme la ville. Le centre de documentation et le restaurant sont placés en proue et poupe du bâtiment, ouverts sur de grandes terrasses.

Au premier niveau, l’enseignement général bénéficie de vues exclusives sur le parc et le jardin central.

À chaque niveau ses variations. Les ateliers techniques affichent la précision de la charpente métallique, la rugosité des parpaings, le passage des fluides. « On voit bien la capacité de ces espaces à absorber les machines, la technique, tout en gardant une qualité de lumière, de vues. ». Le rez-de-jardin creuse le bâtiment, devient « un long deck, un espace pour vivre le paysage, donner et suivre des cours parfois, bouquiner dehors ». À l’étage, les poutres Warren impriment leur géométrie face aux murs blancs.

La mécanique de la trame de 3,6 m, divisée au tiers, assujettit la distribution des réseaux et donne son rythme au bâtiment. « Les dispositifs bioclimatiques des façades, tout en embrassant de larges vues sur le paysage, protègent naturellement de la lumière, de la chaleur, sans nécessiter de systèmes mobiles ou de climatisation du bâtiment. Ils sont adaptés à chaque type de façade et d’orientation, et assument d’autres fonctions : rigidifier les hautes parois vitrées au rez-de-chaussée, porter la coursive d’entretien au premier niveau. »

Dès la rue, l’organisation en trois strates est lisible.

En lieu et place de l’ancien lycée démoli, un vaste parc prolonge le paysage de Saint-Germain-en-Laye et l’amène au cœur du projet. Deux vides latéraux perpétuent la tradition des murs de soutènement en réponse au relief de la ville, en créant deux cours basses, tenues par des gabions. La compacité du bâtiment libère un grand vide central qui accueille un jardin en restanques traversé par une passerelle d’acier.

« Deux éléments majeurs coexistent : cette architecture d’acier et un paysage contextuel capable de tenir l’échelle. Le fait d’avoir un bâtiment en trois strates, avec une strate basse enfouie dans le végétal, une strate en apesanteur qui attrape le ciel, une strate intermédiaire en creux, et puis le contrepoids du jardin et du parc, casse l’échelle. On ne saisit jamais la surface du lycée d’un seul tenant. Il n’est pas un objet qu’on pose et qu’on regarde, mais une architecture qui s’efface derrière ses usages, le paysage et ses reflets. »

« L’univers du projet entre en résonance avec nos recherches respectives, les façons d’écrire un projet de nos deux agences. »

Tank aborde l’architecture à travers un champ de signification, « de ces concepts qu’on manipule par le doute, sans solution toute faite. Le temps est court pour se construire une certitude, la tester dans un prix, dans une fonctionnalité, dans un rendu graphique et visuel. Les formes naissent de l’installation d’une envie, d’un univers, d’une poésie et d’une attention très poussée aux usages. Par cette poésie, l’humain et le lieu dialoguent avec le projet, établissent une connexion inventive. Ce n’est pas une approche culturaliste qui fait que le lieu ou l’humain informent le projet, mais un questionnement sur cette double acception du contexte. La réponse est sensible à l’espace, à la lumière. Elle s’exprime par le construit et le détail parce que nous restons convaincus que l’architecture est un art de bâtir. »

Pour COSA, « prorata du temps et des enjeux ne se superposent pas. Si l’ingénierie architecturale (intégrer des normes, tramer, aligner, synthétiser, optimiser et simplifier au maximum un fatras de choses plus ou moins intéressantes que nous donne à gérer notre société) nous prend la majeure partie de notre temps, elle fait des projets qui fonctionnent, mais pas de l’architecture. L’usage fabrique de l’architecture, comme lorsque la structure capable du lycée permet d’accompagner durablement ses utilisateurs, au-delà même de l’esthétique qu’elle informe. Pour maîtriser cette esthétique, nous entrons dans la sociologie de la construction. Au lieu de déplorer qu’elle soit industrialisée, nous préférons jouer de ses possibilités pour développer une esthétique artisanale faite de matériaux simples, de mises en œuvre de bon sens, pour en assurer la meilleure exécution, une forme vernaculaire industrielle. Avec le temps, les bâtiments se patinent, s’effacent derrière un paysage qui prend sa juste place. » (…)

Plan masse

Fiche Technique

Maître d’ouvrage : Région Île-De-France — Île-De-France Construction Durable
Maîtres d’œuvre : TANK Architectes — COSA
Paysagiste : Sébastien Sosson, Agence De Paysage
Bureaux d’études : Bollinger + Grohmann Ingenieure (Structure), HDM Ingénierie SA (Fluides Et Cuisines), Solener (Approche Environnementale), Jean-Paul Lamoureux (Acoustique), Cabinet Becquart (Economie)
Gros Œuvre Etendu : Colas, Avec Baudin Chateauneuf
Surface de plancher : 14 880 M² (11 600 M² D’espaces Paysagers)
Coût des travaux : 36 M€ HT
Livraison : 2020

Texte Propos croisés TANK — COSA
Photos Camille Gharbi

Retrouvez l’intégralité de la réalisation sur le Lycée Léonard de Vinci par TANK Architectes et COSA dans la daté septembre – octobre 2020.