F(R)ACTURE URBAINE

QUAND L’ARCHITECTURE FAIT LA VILLE

 

L’architecture a enfin de nouveau droit de cité à Rome. La relève y est désormais assurée grâce à de jeunes agences telle Labics, dont Maria Claudia Clemente et Francesco Isidori – ses fondateurs – ont d’ailleurs été formés sur place, à la Sapienza. Interposée aux portes de la ville historique entre le cimetière monumental du Campo Verano et une cité-jardin mussolinienne – leur Citta del Sole renoue avec l’art de construire le vide de sorte à le réinvestir comme bien public.

La ville éternelle reprendrait-elle le cours de son… éternité ? La régénérescence du quartier Tiburtina – du nom de l’antique voie romaine menant à Tibur (Tivoli) qui le traverse encore – pourrait nous en convaincre. En effet, la Citta del Sole vient y réamorcer la modernité tout comme l’a fait, non loin de l’autre côté des voies ferrées de la gare TGV éponyme, le siège de la BNL livré quasi simultanément par Alfonso Femia (cf. archiSTORM n°84).

Continuum urbain

Les villes s’agrandissent en s’élargissant mais aussi en se reconstruisant sur elles-mêmes, à commencer par Rome. Ainsi l’histoire et l’architecture s’y télescopent tant dans son épaisseur archéologique que dans sa juxtaposition spatiale.

C’est en 2007 que Parsitalia Real Estate remporte – grâce au projet conçu par Labics – l’appel d’offres lancé conjointement par la municipalité et ATAC (la RATP locale) pour la reconversion d’un dépôt de bus de ce dernier. Cette parcelle de 11 000 m2 cumule les contraintes de par sa forme en truelle et son inscription – bien que plate – dans un quartier en pente. À savoir, au nord, en contrebas de la cité-jardin Tiburtino II bâtie entre 1926 et 1928 par Guido Guidi et Innocenzo Sabbatini pour le compte de l’Institut de la Caisse Populaire (fasciste) et surplombant, au sud, le très vaste cimetière monumental du Campo Verano (1807-1812). Qui plus est le garage construit par l’ingénieur Mario Loretti en 1937 à la pointe occidentale devait y être conservé (aux fins d’être mué en bibliothèque municipale) tout comme les importants vestiges archéologiques découverts après coup lors des fouilles (sanctuaire du culte de Mithra, canalisations, mosaïques et dalles) désormais transformés en jardin antique, à moitié souterrain et aérien.

Adeptes de la générosité conviviale des espaces publics engendrés par la topographie de la cité aux sept collines – emmarchements plus ou moins monumentaux (celui menant à la Trinité-des-Monts depuis la place d’Espagne), places en belvédères et parvis panoramiques (Capitole, Quirinal,…), Maria Claudia Clemente et Francesco Isidori ont souhaité « mettre en relief(s) » la mixité programmatique de l’opération. Dans le prolongement du garage conservé et constitué de commerces surmontés de locaux d’activités, le socle de deux niveaux se fragmente pour donner naissance à de nouvelles traversées piétonnes – plus ou moins monumentales ou intimistes – ouvrant tout autant de perspectives urbaines tant au niveau de la rue qu’aériennes. En effet, la couverture en terrasse de ce soubassement engendre également deux bienveillantes places hautes publiques – partiellement abritées et desservies par de généreux escaliers extérieurs et des ascenseurs – que des cafés viendront prochainement animer.

 

 

Vue de la tour regroupant 72 « maison en hauteur » (simplex) sur les 9 étages surplombant le socle dédié aux activités. ©Fernando Guerra

Feuille technique 

Citta del Sole

Via della Lega Lombarda – Roma

Maître d’ouvrage : Hines Italia SGR Spa

Investisseur : Investire SGR

Maître d’ouvrage délégué : Parsitalia Srl

Architectes : Maria Claudia Clemente & Francesco Isidori (Labics), Luigi Panetta (chef de projet)

BET : Studio Pagnoni Vita (généraliste), 3TI Progetti (fluides)

Industriels : Focchi (enveloppe), Metra (menuiseries extérieures), NINZ (portes coupe-feu), Schindler (ascenseurs), Artigo (sols), Escofet (mobilier extérieur)

Surface : 17 300 m2 (Shob) dont 11 800 m2 habitables

Programme : logements (5 500 m2), bureaux (4 200 m2), commerces (2 100 m2), bibliothèque (1 700 m2) et parkings (10 000 m2 dont un site archéologique)

Coût des travaux : 35,1 M€

Calendrier : concours 2007, études 2007-2010, chantier 2010-2016

 

Texte : Lionel Blaise

Image à la une : Citta del Sole ©Marco Cappelletti

 

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