RÉALISATION

Maison Édouard François 

 

Les architectes partagent tous le même constat : la superficie des logements se réduit comme peau de chagrin. Certains d’entre eux, comme Lacaton & Vassal et Bartolo Villemard, tentent de compenser cette diminution de la surface habitable en créant des surfaces annexes, utilisables comme des petites pièces à vivre (jardins d’hiver, etc.). À Grenoble, dans le secteur Cambridge de la ZAC Presqu’île, Édouard François franchit encore une étape en proposant des terrasses déportées en toiture d’environ 35 m2, avec cuisine et W.C. De l’invention d’un nouveau lot de copropriété.

 

 

« Les logements que nous faisons aujourd’hui sont absurdes. Ils sont tellement petits qu’il est impossible d’y recevoir sans dévoiler son intimité, explique l’architecte Édouard François. J’ai eu la chance de vivre dans un appartement de 220 m2 dans l’immeuble de Jean Dubuisson à Montparnasse, depuis lequel nous accédions sans autorisation à la toiture-terrasse pour y faire la fête, et j’ai beaucoup réfléchi à cette question. En détachant la terrasse du logement, on protège complètement l’intimité des habitants. On arrive au quinzième étage pour le barbecue, on sonne : kitchenette, frigo, lave-vaisselle, toilettes… Il y a tout le confort là-haut. De cette distance naît une taille autre du logement. À l’image de ce que produit un pavillon de thé dans le parc d’un château. »

 

 

Cette vision domaniale de l’habitat est complétée par une vision égalitaire du partage de l’espace. L’architecte a convaincu le promoteur (Altarea Cogedim) de vendre les terrasses les plus belles avec les appartements les moins bien dotés. L’idée est de ne proposer aucun bien sans qualité. Les terrasses les plus hautes et orientées au sud ont été prioritairement attribuées aux appartements nord des étages les moins élevés. « Les premiers seront les derniers ! » s’amuse, émerillonné, le maître d’œuvre.

 

Équipées d’un robinet de puisage et localement capables de supporter le poids d’un sauna, les trente-deux terrasses de la tour Panache sont superposées en quinconce, afin que chacune d’elles bénéficie d’une double hauteur et d’un meilleur ensoleillement. L’effort financier consenti par le promoteur pour construire les surfaces annexes du projet est à pondérer par l’absence de balcons et loggias dans le prolongement des logements. « Il s’agit d’un immeuble très rationnel, sans rupteurs de ponts thermiques, explique Édouard François. Gaines, poteaux des terrasses sur les murs des niveaux inférieurs : tout se plombe dans ce bâtiment. » Et Gérald Sellier, chef de projet et directeur de l’agence, de souligner la rigueur des plans et de la structure, garantie par une sismicité en zone 4 : des voiles de béton en façade et un noyau central qui distribue des appartements d’angle. Idéalement situés aux quatre coins de la tour, les séjours jouissent ainsi de baies vitrées en encoignure (avec double coulissant) qui permettent aux habitants de mieux se projeter dans le paysage grenoblois, dominé par les massifs de Belledonne, de la Chartreuse et du Vercors. Petit détail d’importance : tous les paliers d’étage accueillent des locaux de stockage (à l’usage de cave à vin, remisage de matériel de ski, etc.), qui, bien que détachés physiquement des appartements, constituent des parties privatives qui en dépendent. Pour gagner toujours plus de territoire, offrir toujours plus grand, sans déroger aux standards de surfaces habitables du maître d’ouvrage…

 

Maître d’ouvrage  Altarea Cogedim
Maître d’œuvre  Maison Édouard François (architecte de conception), Aktis (architecte local d’opération)
BET structure CTG
BET structure des terrasses Verdier
BET fluides, environnement Nicolas Ingénierie
BET géotechnique Kaema
VRD Sintégra
Économiste Éditec
Bureau de contrôle et SPS Socotec
SHAB: 2 730 m2
Coût: 5,3 M€

Texte : Tristan Cuisinier
Photos : Luc Boegly et Sergio Grazia

Découvrez l’intégralité de l’article sur la réalisation de la tour Panache au sein du numéro 96 d’Archistorm, daté mai – juin 2019 !