BELAROÏA À MONTPELLIER
SAINT-ROCH par
MANUELLE GAUTRAND, ARCHITECTE

Depuis quelques mois, les voyageurs empruntant la gare de Montpellier Saint-Roch sont accueillis par une énigmatique pièce d’orfèvrerie architecturale immaculée. Derrière sa double peau métallique ajourée – aux allures de mantille – se lovent deux hôtels (trois et quatre étoiles), un centre de séminaires, un restaurant et douze logements.

De la tour à la conque

Après plusieurs décennies de développement périphérique, la ville de Montpellier (ré)aménage les abords de la gare Saint-Roch, récemment rénovée. Ce quartier pratiquement aux portes de l’Écusson – la cité historique – fait à son tour peau neuve. Dès leur descente du train, les touristes découvrent désormais que les trésors architecturaux de l’ancienne capitale languedocienne sont également contemporains, tel le Belaroïa (joyau en langue d’Oc).

Depuis une dizaine d’années, la ZAC Gare Saint-Roch redessine – sous la houlette de Paul Chemetov – l’avenir urbain de l’ingrate zone de fret ferroviaire. En 2010, un appel d’offres est lancé pour concevoir une opération immobilière à « forte mixité programmatique » juste en face de la gare, le long du mur de soutènement du pont de Sète franchissant les voies ferrées. Une tour de 50 m est autorisée par le règlement.
Ce n’est pourtant pas l’option retenue par le projet hybride lauréat proposé par Linkcity associé à Manuelle Gautrand et Bouygues Bâtiment Sud-Est. Sur un socle à rez-de-chaussée investissant la totalité de l’emprise de cette parcelle trapézoïdale, l’architecte parisienne érige un bâtiment en L de six étages hébergeant dans chacune de ses ailes un trois étoiles et un quatre étoiles respectivement de 82 et 105 chambres. Quatre niveaux supplémentaires dédiés à des bureaux viennent partiellement coiffer en débordement – telle une visière – le vide intérieur au L.
Malheureusement le permis de construire fait l’objet de deux recours abusifs – en partie indemnisés – qui font prendre quatre années de retard au démarrage de l’opération. Le promoteur tertiaire ayant entre temps jeté l’éponge, la coiffe est finalement réaffectée à douze logements en accession et à quelques suites supplémentaires, dont certaines en duplex, pour l’hôtel 4* Golden Tulip, l’investisseur-opérateur Valotel ayant soutenu le projet dès le départ.

 

Conqu(êt)e urbaine 

Dans plusieurs de ses projets – Cité des affaires à Saint-Étienne ou contribution au Monolithe à Lyon-Confluence –, Manuelle Gautrand veille à ce que ses architectures engendrent des « vides majestueux » restitués à l’espace public sous forme de « pièce urbaine ». « Étendre une ville et la densifier ne se fait pas sans « monnaie d’échange », sans offrir, en compensation d’une certaine privation de l’espace, de nouveaux lieux publics capables de constituer des points de repère, des lieux de convergence et d’aménité. » Ici, la conception faussement spiralée génère, à la façon d’une conque, un « pavillon » urbain qui comme celui d’une oreille reste à l’écoute de la ville environnante. Délimitée horizontalement par le socle du restaurant et le bâtiment-pont et verticalement par la double peau ajourée masquant telle une voilette les cinq niveaux de chambres méridionales des deux hôtels, cette gigantesque loggia – en belvédère sur le prolongement de la rue Jules-Ferry requalifiée en avenue – « abrite » un élégant bar de plein air accessible à tous. La salle des petits déjeuners en « boomerang » du Golden Tulip s’y ouvre généreusement.
Le couronnement de ce théâtral dispositif et l’ouverture ménagée en sous-face contribuent tant à sa propre protection (soleil, pluie et vent) et à son rafraîchissement par ventilation naturelle qu’à ceux des chambres comme « en coulisses » à l’arrière de leur bardage alvéolaire en tôle d’aluminium laquée. Imaginée pour recouvrir l’isolation extérieure de l’ensemble du bâtiment, cette double peau se fait opaque ou micro-perforée devant les parties pleines, ajourée de grands ronds au droit des baies vitrées ou encore coulissante à l’avant des terrasses et loggias des appartements. Sa blancheur immaculée minimise l’absorption calorifique tout en unifiant les différents programmes. (…)

Texte : Simon Texier
Photos : Luc Boegly et Julien Thomazo

Découvrez l’intégralité de l’article au sein d’Archistorm 101 daté Mars-Avril 2020