ARCHITECTURE D’INTÉRIEUR

TOUTE PALETTE DÉPLOYÉE
AGENCE PIERRE-YVES ROCHON (PYR)

Qui ne connaît pas l’agence Pierre-Yves Rochon ? Du monument historique au projet avant-gardiste, elle réalise depuis plus de quarante ans de fastueux projets d’architecture intérieure à travers le monde pour les grands groupes, entre autres Four Seasons Hotels and Resorts, The Ritz-Carlton, Sofitel Hotels & Resorts, InterContinental Hotels, Fairmont Hotels and Resorts, The Peninsula Hotels et Waldorf Astoria Hotels & Resorts.

Elle est consultée par des stars architectes d’envergure mondiale sur le design des projets architecturaux eux-mêmes. Chaque projet est considéré comme un défi, qui stimule la curiosité et rend indispensable le fait de s’adapter et de composer avec tous les paramètres : le désir du client, le site, le programme. Elle n’impose pas sa griffe. Sa griffe émerge de l’alchimie du projet lui-même où s’entremêlent histoire(s), architecture, géographie, lumière, matières, couleurs, tissus, mobilier, etc.

Tôt, Pierre-Yves Rochon voulut devenir metteur en scène. Mais c’est vers l’architecture d’intérieur qu’il se dirigea. Il déménagea de sa Bretagne natale à Toulouse pour y suivre le cursus dispensé alors par l’École des beaux-arts. Et ce n’est pas à la télévision qu’il débuta sa carrière, comme il l’aurait voulu, mais chez un architecte d’intérieur qu’il accompagnera pendant dix ans, avant de créer sa propre agence, en 1979.

Avant cela, il avait fallu convaincre un père officier supérieur et pilote dans l’armée de l’air.

L’on devine, chez Pierre-Yves Rochon, au regard de ses premières armes, une force persuasive, un imaginaire et une rigueur lui permettant bientôt de voler de ses propres ailes, bien au-delà de ce que tout un chacun pourrait espérer, lui qui conçoit et réalise bientôt l’architecture d’intérieur d’hôtels comptant parmi les plus luxueux de la planète, de grandes demeures privées, de bureaux de prestige, de grands restaurants pour Paul Bocuse, Alain Ducasse, ou Joël Robuchon. À son côté, son épouse l’accompagne « merveilleusement », précise-t-il, depuis toujours, ou plutôt depuis qu’ils se sont rencontrés, très jeunes. Oui, la fidélité aussi, ça se travaille, et du travail il y en a eu sans relâche, les décennies ont filé, avec ce degré d’exigence qu’imposent les plus hautes pratiques, sans exception. Aujourd’hui implantée à Paris et à Chicago, l’agence fait partie du groupe Perkins&Will, assurance d’un futur au-delà de la longue carrière de Pierre-Yves Rochon.

Lounge du Waldorf Astoria à Beverly Hills © William Rust ou © Jan Schuenke

Revenons encore en arrière. Droit dans ses bottes, en quittant son premier et unique employeur, Pierre-Yves Rochon part de zéro, sans exploiter le carnet d’adresses des débuts de sa vie professionnelle. Il gagne seul un premier concours, l’aménagement intérieur du siège social de Bergerat Monnoyeur. Puis il décroche un programme d’hôtels, Novaparc (chaîne qui n’existe plus), rue François-Ier, à Paris. L’activité, de bouche à oreille, se déploie. Bientôt arrive la commande du Domaine Les Crayères à Reims, qui marque le début d’une véritable conquête de l’univers hôtelier et, surtout, de la grande hôtellerie internationale. Depuis, ces commanditaires sont restés clients, comme beaucoup d’autres maîtres d’ouvrage par la suite. La voie américaine découle naturellement d’une passion pour les États-Unis et de leur avancée, il y a quarante ans, dans le domaine de l’architecture d’intérieur.

Parmi les projets récemment livrés, les voyages à travers les styles sont toujours présents, et la dextérité de l’agence à les déployer est à son comble. À l’hôtel Waldorf Astoria de Beverly Hills, en Californie (119 chambres, 51 suites, deux restaurants Jean-Georges Vongerichten, des salles de conférence et des espaces de services et de divertissements), l’architecte Perkins (agence Perkins&Will) a travaillé avec Pierre-Yves Rochon sur le concept architectural. « Je voulais que l’hôtel soit le plus proche possible d’une habitation, une résidence indoor-outdoor inspirée des années 1930, le glamour du vieil Hollywood, au sein duquel vient s’inviter le style californien du sud », précise ce dernier. Dans une ambiance très lumineuse, blanche, avec des marbres italiens, du cristal français, des lustres en verre soufflé, un filet d’or et des teintes harmonieuses viennent s’immiscer et réchauffer les espaces.

Lobby du Jade Signature à Miami © DBOX

Au Jade Signature, une tour de 57 étages à Miami, Floride, Pierre-Yves Rochon travaille avec les architectes Herzog & de Meuron. Sa mission est de dessiner tous les appartements et les espaces communs. Une fois encore, intérieur et extérieur se mêlent pour une architecture « de soleil ». « Je suis resté humble, souligne-t-il : sur fond d’une ambiance blanche, comme il est d’usage à Miami, des couleurs inspirées par le sable, l’océan et la végétation se déploient, tandis que des matériaux, du mobilier cossu des années 1950 apportent le confort. J’avais en tête le travail de Mies van der Rohe, d’Eero Saarinen… J’ai utilisé du Terrazzo blanc, en vague, de manière très libre, j’ai dessiné un accueil aux angles arrondis ». Dessine-t-il souvent ? « Je dessine tout le temps. »

Le Grand-Hôtel du Cap-Ferrat, à Saint-Jean–Cap-Ferrat, incarne le grand chic de la Côte d’Azur. Sur fond de blanc crème, Pierre-Yves Rochon propose des espaces aérés ponctués de tons céladon et bleus, inspirés de la mer Méditerranée. Le mobilier classique côtoie le mobilier contemporain, à la manière d’une collection accumulée au fil des ans relatant l’histoire de l’art de vivre de la Riviera, tout en apportant le confort contemporain.

Grand Hotel du Cap Ferrat, May 2007. Photo © Manuel Zublena

« Au Cap Hong Kong, mon client chinois, qui adorait le Grand-Hôtel du Cap-Ferrat, souhaitait un aménagement inspiré du sud de la France et de l’art de vivre à la française. Jean Mus, le grand paysagiste du Midi, nous a rejoints dans cette aventure, pour que soit créé un lieu, symbole de cet art de vivre. Nous y sommes parvenus en revisitant des typologies françaises : entrée fermée avec un portail en fer forgé, une maison de gardien, etc. », raconte humblement, avec passion, Pierre-Yves Rochon, heureux d’apporter, tel un ambassadeur, la magie de nos, de son, savoir-faire.

Le Four Seasons, à Florence, s’est glissé dans le Palazzo della Gherardesca, lui-même idéalement situé dans le Giardino della Gherardesca, l’un des plus grands jardins de Florence, havre urbain de verdure pour l’hôtel de 116 chambres. Pas moins de sept ans de travail viennent à bout de la restauration du palais du XVe siècle et du couvent du XVIe siècle. Il aura fallu apprendre l’histoire des lieux dans ses moindres recoins pour composer avec les fresques, les peintures, les sculptures en bronze, les mosaïques, les moulures, les vitraux, et pour décliner la palette de couleurs, les matières, dont de très belles étoffes.

Lorsque l’on pose la question à Pierre-Yves Rochon la question de savoir ce qu’il pense du développement durable, il répond : « Le développement durable est et doit être pris en compte dans tous les projets. » Et le concept de frugalité ? « C’est dans l’air du temps… » Les matières nobles qu’il travaille sont pérennes.

Et de conclure : « La vie est un éternel recommencement. Ce qui est merveilleux aujourd’hui, c’est qu’il est possible de travailler des styles différents. Il faut préserver la culture, il faudra toujours préserver et rénover le patrimoine, afin de le partager avec le plus grand nombre. Après cette période terrible de covid-19 que nous vivons, la vie va reprendre, peut-être différemment, qui sait ? Je suis optimiste ! »

Texte Anne-Charlotte Depondt
Visuel à la une de Florence, dans le Palazzo della Gherardesca © Richard Waite ou Barbara Kraft

Retrouvez l’article architecture d’intérieur sur l’agence PYR dans Archistorm daté juillet – aout 2021