Jusqu’au 29 mai 2022, la Fondation Cartier pour l’art contemporain accueille l’oeuvre de la célèbre photographe mexicaine Graciela Iturbide. Véritable fresque rétrospective, l’exposition « Heliotropo 37 » rassemble plus de 200 images de l’artiste, parmi lesquelles une série inédite en couleurs spécialement réalisée pour l’occasion.

Née en 1942 à Mexico et formée au côté de Manuel Álvarez Bravo (1902-2002), Graciela Iturbide crée des images depuis plus de cinquante ans, avec une approche qui oscille entre le documentaire et une sensibilité plus poétique : « J’ai cherché la surprise dans l’ordinaire, un ordinaire que j’aurais pu trouver n’importe où ailleurs dans le monde. »

Estudio Iturbide, Taller, Mauricio Rocha + Gabriela Carrillo © Rafael Gamo

L’exposition de la Fondation Cartier présente deux facettes de son travail photographique. Tout d’abord, ses portraits d’Indiens Seris du désert de Sonora et ceux des femmes de Juchitán, qui ont fait sa renommée. On retrouvera notamment ce cliché emblématique, Nuestra Señora de las Iguanas, pris à Juchitán, dans la vallée d’Oaxaca du Sud-Est mexicain. Dans la série d’images Juchitán de las mujeres (1979-1989), Graciela Iturbide se concentre sur le peuple indigène zapotèque. Les femmes y dominent tous les aspects de la vie sociale, de l’économie, des rituels religieux. Cette image iconique de l’une d’entre elles portant sur sa tête des iguanes qui ensemble forment une somptueuse couronne est la démonstration de ce statut de pouvoir.

Toutefois, pour comprendre l’approche singulière de Graciela Iturbide, il faut également prendre en considération son intérêt sensible pour les paysages et les objets. L’exposition présente le parcours physique de la photographe, fait de voyages dans différents pays, tels que le Mexique, l’Allemagne, l’Espagne, l’Équateur, le Japon, les États-Unis, l’Inde, la République de Madagascar, l’Argentine, le Pérou, le Panama, entre les années 1970 et les années 1990. Mais après les voyages, les figures humaines se sont peu à peu effacées pour laisser place aux éléments, comme le révèle sa série Naturata, réalisée entre 1996 et 2004 au jardin botanique d’Oaxaca. Les cactus trônent comme des statues, liés entre eux par des cordes. Le noir et blanc de la photographe dessine avec un contraste saisissant leurs qualités totémiques.

Estudio Iturbide, Taller, Mauricio Rocha + Gabriela Carrillo © Rafael Gamo

Du studio à l’exposition

L’exposition « Heliotropo 37 » tire son titre de la rue où se trouve l’atelier de Graciela Iturbide, dans le quartier de Coyoacán, à Mexico. Le bâtiment de briques a été conçu en 2016 par son fils, l’architecte Mauricio Rocha, à la demande de la photographe. Dans cet écrin rougeoyant et moderniste, elle est protégée du monde extérieur. Entourée de ses livres de photographies et de ses cactus dans ce lieu si singulier, l’artiste travaille et médite.

La scénographie de l’exposition, également pensée par Mauricio Rocha, reprend la dimension exceptionnelle  de ce lieu pour sublimer le travail de Graciela Iturbide. Dans l’espace lumineux du bâtiment de Jean Nouvel, la scénographie et les photographies créent ensemble une chorégraphie de la contemplation.

Texte Camille Talent
Visuel à la une Estudio Iturbide, Taller, Mauricio Rocha + Gabriela Carrillo © Rafael Gamo

Retrouvez l’article Art et Architecture sur l’exposition Graciela Iturbide Heliotopo 37 dans Archistorm 113 daté mars – avril 2022